OWS face au général Hiver

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Ce week-end, des tempêtes de neige se sont abattues sur la côte Est des USA, de Virginie jusqu’à New York notamment. Pour cette région des USA, c’est le premier phénomène météorologique de cette sorte, – de la neige si tôt dans la saison, – depuis la guerre de Sécession. Certains y verront un signe du Ciel, d’autres un signe de l’Histoire, c’est selon, dans tous les cas par rapport au mouvement Occupy Wall Street (OWS). (Certains, plus distraits, parleront du dérèglement climatique.) En effet, ces conditions hivernales constituent une épreuve importante pour OWS, du moins la chose est-elle perçue de la sorte : les protestataires pourront-ils tenir leur entreprise d’occupation de divers lieux, dans diverses villes des USA, dans ces conditions ?

D’ores et déjà, ce nouvel aspect de la “bataille d’OWS” est largement commenté, avec la mise en évidence de cet enjeu assez simple : tenir, tenir jusqu’au bout de l’hiver… Russia Today consacre plusieurs articles à cet aspect de la situation d’Occupy aux USA. Il s’agit d’abord de signaler les conditions hivernales dans des régions plus exposées que la côte Est et New York City, en même temps que différentes actions policières, le 30 octobre 2011 : «Police have arrested dozens of OWS protestors in Denver, using pepper spray and rubber bullets on the 2,000-strong crowd. But it appears that neither the tough police actions nor the encroaching winter will shake the determination of activists. […] In the states of Tennessee and California, more than 50 people were arrested when squads swept through their camps, removing tents, tables and other belongings. The movement has already been tested by snowstorms in Colorado, with harsh conditions now hitting America's East Coast.»

Dans un autre texte, le 31 octobre 2011, RT s’attache plus particulièrement à la situation à New York City, avec divers aspects montrant que la tactique du maire Bloomberg est bien de tout faire pour priver OWS de moyens de résister au froid, en espérant une dissolution du mouvement de lui-même. (En même temps, sont signalés différents mouvements de solidarité, tandis que le site Occupy Wall Street fait lui-même appel à des dons de divers vêtements et équipements d’hiver, le 29 octobre 2011…)

«People across America are showing their support for the movement by sending protesters in Zuccotti Park thousands of letters and parcels containing warm clothes. As of last week, protesters had received some 2,000 letters, the Associated Press reported. The camp in Zuccotti Park in Lower Manhattan was hit by snow, heavy rains and winds blowing up to 60 miles per hour. Hundreds of protesters have braved the freezing temperatures huddled inside their own tents or under tarps that were erected over a part of the park.

»On Friday, New York City’s firefighters seized at least six generators and dozens of cans of gas from the Occupy activists. Protesters had brought the generators to the park to protect themselves from anticipated cold weather. City officials say the generators violate the fire safety code and are a hazard. Activists are threatening to take legal action if the generators – their property – are not returned. The protesters, who have vowed to remain in Lower Manhattan throughout the winter, are accusing NYC Mayor Michael Bloomberg of attempting to end the occupation by creating a public health risk.»

Tom Engelhardt, dans sa chronique du 31 octobre 2011 sur son site TomDispatch.com, fait un long commentaire sur Occupy Wall Street, qu’il glorifie comme une chance inespérée pour les USA. Engelhardt compare l’hiver qui commence si tôt, effectivement comme une bataille fondamentale, pour OWS et pour les USA. Il la compare à l ‘épisode Valley Forge, durant la Guerre d’Indépendance, du nom du camp où George Washington établit son armée continentale pendant l’hiver 1778-1779, à partir duquel il réussit à résister aux pressions des Britanniques. Engelhardt, qui a recueilli divers témoignages au “camp de base” de OWS, à New York City, à Wall Street, rapporte ce mot d’une participante au mouvement : “Si nous pouvons tenir cet hiver, cette occupation sera installée définitivement”…

»In a world of increasing misery, you carry not just your debts, but ours too. It’s a burden no one should shoulder, especially with winter bearing down, and that 1% of adults waiting for the cold to make tempers short, hoping you’ll begin to fall out, grow discouraged, and find life too miserable to bear, hoping that a New York winter will freeze you out of your own movement.

»I take heart that last weekend, on a beautiful fall day, you, the librarians, were already discussing the need to buy “Alaska-style” sleeping bags and a generator which would give you heat; that you, like the mayor, are looking ahead and planning for winter. This, after all, could be your Valley Forge. As actress-librarian Mercanti-Anthony told me: “We have the whole world behind us at this point. We want to stand our ground for the long haul. If we can make it through the winter, this occupation is here to stay.”

»And she just might be right. So head out now, and whatever you do, don’t go home. It’s underwater anyway, and we need you. We really do. The world's in a hell of a mess, but what a time for you to take it in your own hands and do your damnedest.»

Décidément, cet affrontement autour de OWS ne ressemble à aucun autre, achevant évidemment de constituer le modèle des affrontements postmodernistes au sein des sociétés avancées du bloc BAO en état de bouillonnement révolutionnaire, avec la recherche d’un modèle complètement nouveau de contestation et de résistance. Les épreuves de force par lequel ce mouvement OWS se renforce et s’implante n’ont en général rien à voir avec les habituels affrontements. Dans ce cas, il s’agit de simplement subir des conditions météorologiques difficiles avec la venue de l’hiver. Ce qui n’est en général qu’un inconvénient logistique, vestimentaire, domestique, etc., devient une véritable bataille à cause de plusieurs faits qui sont tous très originaux pour cette sorte de circonstance.

• Le premier de ces faits tient dans les conditions imposées par OWS : son principal acte de résistance est de demeurer là où il se trouve, en position proclamée d’“occupation”. C’est la proclamation que tant qu’il se trouve installé là où il est, la bataille continue et le Système est mis den accusation. Ces conditions purement symboliques ont été en général acceptées par la puissance d’écho du système de la communication et ont finalement été entérinées comme le principal enjeu de la bataille.

• Face à cela, les diverses autorités ont été enchaînées dans cette dérive du système de la communication et ont du accepter ces conditions symboliques comme les véritables conditions de l’affrontement avec OWS. D’où les déclarations du maire de New York, laissant entendre qu’il allait tout faire pour priver OWS de moyens de résister aux rigueurs de l’hiver. Ces prises de position, en soi assez dérisoires au regard de l’enjeu proclamé de cette crise, ont officialisé l’épreuve de force autour de ce symbole, ce qui fait qu’effectivement, si OWS arrive à tenir au long des longs mois d’hiver, il émergera au printemps avec une victoire quasiment décisive. On admettra que ces conditions symboliques sont particulièrement étranges et inhabituelles pour déterminer le sort d’un mouvement de contestation qui a acquis une telle ampleur, jusqu’à être considéré comme une attaque fondamentale contre le Système… Le Système pourrait-il être vaincu grâce au nombre de tricots, de couvertures chauffantes, de parkas hivernales et ainsi de suite, parvenant aux “occupants” de Wall Street et d’ailleurs ? Pourrait-il être vaincu grâce à la décision, votée par l'assemblée générale d'OWS, de l'usage de bicyclettes statiques pour la production d'énergie par l'action humaine, comme l'annonce RAW Story le 30 octobre2011, – excellente façon de défier symboliquement le système du technologisme ?

• Ce faisant, les péripéties de la bataille se détaillent au niveau des applications tatillonnes de la loi, par tous les moyens, du côté des autorités, avec menaces d’actions légales contre ces autorités du côté des contestataires d’OWS pour récupérer tel ou tel radiateur autonome indument confisqué… Les soutiens, eux, se trouvent dans l’afflux de dons parfaitement innocents et quasiment humanitaires, comme s’il s’agissait de venir en aide à des réfugiés d’une catastrophe naturelle, ouragan ou tremblements de terre, et à des protestations contre les conditions sanitaires et d’exposition au froid auxquelles sont soumis les protestataires.

…Pourtant, Engelhardt n’a pas vraiment tort de comparer cela à l’épisode de Valley Forge de la Guerre d’Indépendance. Rarement autant qu’avec cet épisode de la préparation de la “campagne d’hiver” d’OWS, – et cela n’est certainement pas fini, – le fossé est apparu aussi profond entre la substance presque dérisoire des actes symboliques posés d’une part, et les enjeux de déstabilisation du Système d’autre part. Nous sommes bien loin de la prise de la Bastille et du Palais d’Hiver (et de Valley Forge, tout de même), alors que les enjeux ne sont pas moins importants, et peut-être sont-ils même plus importants que les événements historiques évoqués.


Mis en ligne le 31 octobre 2011 à 12H56

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