PADD : “Si non è vero …”

Faits et commentaires

   Forum

Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 941

PADD : Si non è vero …


30 juin 2007 — Ce texte nous a arrêtés, intrigués, enthousiasmés, confondus, dégrisés, — mais pas pour longtemps… D’abord, nous n’en croyions pas notre lecture puis nous y avons cru puis nous avons douté. Dans tous les cas, chapeau bas à l’auteur, — soit pour le montage, soit pour le canular, soit pour nous avoir sorti de son chapeau cette affaire de PADD («Political Attention Deficit Disorder»).

Nous croyons qu’il pourrait être complètement conforme à la réalité, et peut-être l’est-il après tout comme une sorte de prémonition, peut-être est-il le résultat d’une étude secrète ou peut-être anticipe-t-il une étude qui ne tardera pas, — ou bien, est-ce trop beau pour être vrai? Notre enthousiasme vient sans doute de notre pratique assidue du virtualisme, — car PADD a des aspects qui diagnostiquent sans aucun doute une affection du virtualisme.

Bref, si l’on cherche sur Google à différents mots spécifiques au texte, on trouve ce texte repris sur divers sites avec des commentaires variant entre l’enthousiasme sur le contenu et le scepticisme sur sa véracité (et l’un n’étant pas exclusif de l’autre). Sur le site du Council on Science and Public Health, pas de trace de PADD ni des divers noms cités.

Dans tous les cas, l’auteur, Joel S. Hirschhorn, est un observateur suffisamment fin des désordres de la démocratie américaniste pour qu’on le lise avec le plus grand intérêt. Peu importe la réalité dans ce cas. PADD, canular ou pas, doit retenir toute notre attention. Reprenons quelques symptômes de PADD (texte par ailleurs repris sur ce site), pour le plaisir et pour la justesse du contenu…

«Nearly 80 percent of adult American citizens are unable to pay sustained attention to issues and problems associated with their government. They are unable to accept their responsibility as citizens, including their obligation to vote, read in-depth articles and books on political issues, become active members of politically oriented groups, and initiate discussions on current events with friends and family.

»“The decades-old decline in voter turnout is a direct result of a national epidemic of PADD,” said the report.

»The chief cause of PADD is the desire to avoid the very real pain of cognitive dissonance, the difference between what Americans want to believe about the greatness of their country and the disturbing reality that their government and country are in terrible shape, which is a constant reminder when there is normal, healthy political attention. Such pain suppression, however, is counterproductive and was found through careful studies at several universities, including the Harvard Medical College, to correlate with depression and anxiety disorders, as well as a heightened level of cynicism and despair. According to the report, many suicides and possibly many criminal acts result from PADD.

»Another consequence of PADD is that people devote more of their time, energy and money to pleasure-seeking distractions. PADD is correlated with profound statistical significance to clinical symptoms such as obesity, alcoholism, drug addiction, video game addiction, Internet addiction, sexual promiscuity, excessive shopping, gambling addiction, and other harmful behaviors.

»The report profiles a person severely afflicted by PADD. The psychiatrists unanimously concluded that George W. Bush is a PADD victim. Symptoms include no desire to pursue major and contentious policy issues through in-depth reading, discussion and analysis; a clear dependence on others for policy decisions, particularly Vice President Cheney; an inability to maintain sustained focus on diverse policy issues simultaneously; and an inability to articulate policy. The widespread public perception that Bush is unintelligent, uninformed and dogmatic stems from his PADD, concluded the council.»

L’influence du système sur la psychologie

L’intérêt de ce vrai-faux canular est qu’il fait un lien direct entre la situation politique aux USA et la politique des USA (situations collectives événementielles) et les psychologies individuelles des Américains. Les canulars (vrai-faux) sont toujours une indication de l’air du temps et, dans ce cas, la chose est parfaitement conforme.

Depuis au moins la réélection de GW Bush (novembre 2004) dans le cadre de plus en plus identifié de la catastrophe irakienne et de toute sa politique en général, et sans aucun doute depuis les élections mid-term de novembre 2006, se pose d’une façon très publique et pressante la question du comportement des citoyens US. D’une part, leur opposition à la politique de l’administration, elle-même soutenue peu ou prou par un système sclérosé et obscène de “parti unique” composé des deux partis, ne parvient pas à se concrétiser malgré une mesure constante de son importance et de son accroissement. Les raisons sont diverses. Elles tiennent au mécanisme du système certes, mais aussi à certaines attitudes erratiques des citoyens (leur opinion sur les responsabilités dans l’attaque 9/11 est toujours étonnante) et, surtout, à une extraordinaire incapacité à concrétiser cette opposition dans des actes concrets d’opposition. Le conformisme, et le légalisme presque pointilliste qui va avec, consécutivement à une sorte de certitude entrée dans les psychologies de la quasi-perfection du système américaniste, semblent les freins les plus puissants.

Dès lors, le canular-PADD nous invite à prendre le problème à l’envers. Il pose implicitement la question de savoir si la psychologie américaniste est capable d’accepter une action conséquente contre un système qu’elle juge exceptionnel, malgré la critique très puissante qu’elle formule de sa politique. D’où PADD, cette intense frustration, avec sa principale cause qui est finalement un rejet de la confrontation entre la nature supposée du système et l’action constatée du système, avec le versement dans le virtualisme à l’occasion :

«The chief cause of PADD is the desire to avoid the very real pain of cognitive dissonance, the difference between what Americans want to believe about the greatness of their country and the disturbing reality that their government and country are in terrible shape, which is a constant reminder when there is normal, healthy political attention.»

Mais le canular-PADD, qui mériterait de ne pas l’être au point qu’il pourrait être vrai, ouvre un autre champ d’exploration, qui nous passionne, ici à de defensa : les rapports entre les mécanismes des psychologies individuelles et les actes politiques ainsi que la situation politique produits par un système dont on est peu ou prou partie prenante ; qui plus est, un système qui se veut absolument démocratique et qui l’est absolument à notre sens, donc qui fait porter une part écrasante de la responsabilité de ses actes à ses constituants, et particulièrement les citoyens avec leurs psychologies. PADD devient alors le complexe (au sens psychologique et militaire) de défense de la psychologie individuelle devant l’horreur enfantée par le système dont elle est partie prenante. Littéralement, le canular-PADD est vrai : les Américains deviennent individuellement malades à cause du système auquel ils souscrivent de tout leur être, d’une façon dite démocratique, et qui produit cette chose insensée qu’est la politique étrangère américaniste.

On dirait que PADD-canular ou pas-canular n’est pas vraiment nouveau. Nous citons toujours l’identification de la névrose, dite “mal américain”, par le docteur Beard en 1879 comme première intervention du constat du psychologue — après les remarques finement intuitives de l’humaniste-sociologue Tocqueville — sur les rapports de la psychologie individuelle avec un système librement consenti, qui attaque fondamentalement l’équilibre de cette psychologie individuelle (la névrose étant le résultat de cette confrontation). Mais nous sommes au-delà de Tocqueville et de Beard, quoique toujours dans leur piste logique de visionnaires. Aujourd’hui, dans la situation folle où nous nous trouvons, les moyens de communication qui bombardent massivement (“carpet bombing”, si américaniste) les psychologies de faits, déguisés ou pas, déformés ou réels, poussent au paroxysme cette confrontation névrotique.

Conclusion : si PADD n’existe pas, il est temps de l’inventer comme simple constat de la réalité, par exemple à partir du canular. Les voies de la vérité, dans notre étrange temps historique, sont impénétrables ; mais elles sont bien là.