Palestine : le contraire du vrai n’est pas le faux

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Palestine : le contraire du vrai n’est pas le faux

Le contraire du vrai n’est pas le faux, ce serait plutôt l’insignifiant.

L’insignifiant, soit le bruit, l’information ou la donnée sans pertinence qui encombre l’accès au vrai et qui est servi et déversé à profusion. Le fait divers qui divertit. Le résultat sportif qui est asséné en début de journal, la nouvelle qui va ensevelir toutes les autres qui mobilise l’affect et seulement lui, et qui n’a aucun lien de continuité avec ce qui a précédé et ce qui va suivre.

L’insignifiant, le contraire du vrai donc, n’est pas non plus celui de l’exact.

Négocier sans fin, selon la devise proposée par Kissinger

Novembre 2012, la Palestine est admise comme observateur non membre à l’ONU après une bataille médiatique telle que l’on pouvait s’imaginer que ce statut allait modifier la situation des Palestiniens, qu’ils fussent réfugiés de 1948, 1967 ou 1973, résidant en Cisjordanie ou à Gaza. Il fallait être un rêveur éveillé pour espérer par exemple que la Cour Internationale de Justice ou que le Tribunal pénal international allaient être saisis pour condamner un État qui emprisonne des enfants sans jugement pour jet de pierres même s’ils n’ont que cinq ou douze ans.

Juillet 2013, Mahmoud Abbas, élu pour un mandat de 4 ans le 5 janvier 2005 pour présider une institution créée à l’occasion des négociations d’Oslo, est sorti du placard pour serrer la main de Shimon Peres sous le regard de John Kerry.

Peu de temps après, Damas, Beyrouth, Bagdad et Le Caire, quatre capitales arabes sont ensanglantées par l’explosion de bombes ou la répression de protestataires.

80% des Israéliens n’y croient pas, ils pensent (et ils ne sont pas les seuls) que renouer les négociations n’aboutira à aucun résultat tangible en faveur de la ‘paix’.

Personne n’est dupe.

C’est juste pour les photographes de presse qui saisiront virtuellement la poignée de mains.

Les Palestiniens vont s’y présenter avec la question des réfugiés, des prisonniers, des terres occupées et spoliées, de l’eau détournée, des colonies qui grignotent depuis 1994 la Cisjordanie.

Le ministère du Logement israélien annonce trois jours avant la date de la première rencontre la construction de 1 200 logements sur une terre reconnue palestinienne internationalement. (2) Le site de développement de ces nouvelles unités autour de Jérusalem coupe la Cisjordanie en son milieu, parachevant la destruction de son unité territoriale déjà largement entamée par des implantations coloniales et des check points permanents ou volants. Cette entité administrative consacrée au logement et à la construction a été conçue dès 1948 comme celle de la colonisation, elle a toujours bénéficié de plans et de fonds secrets. Comme toutes les entités développées à l’abri d’un contrôle public, elle prolifère monstrueusement, s’autonomise et se crée les conditions pour sa persistance bien au-delà des raisons qui avaient présidé à sa création.

Si les Palestiniens, en dehors des hommes d’appareil qui reçoivent des subsides et de substantielles compensations pour poser devant les objectifs et réprimer sauvagement des manifestations de citoyens palestiniens, n’ont aucun intérêt à se prêter à cette bouffonnerie, le régime de Tel Aviv estime nécessaire la pénible réédition de cette mise en scène.

Fabrication d’images

Son image est vraiment ternie à l’extérieur.

Le reste du monde, s’il est interrogé, estime qu’il est la principale menace pour la paix dans le monde, qu’il est d’essence terroriste, qu’il manipule la politique étrangère des US(a) à son seul avantage et qu’opprimant les Palestiniens colonisés il génère sa propre insécurité.

L’Union européenne elle-même ose le lui signifier en prévoyant qu’à partir de 2014 les accords de coopération et commerciaux très favorables à Israël ne s’appliqueront pas aux colonies.

La campagne internationale BDS, Boycott, Désinvestissement Sanctions, menée par un petit nombre d’associations qui subissent des harcèlements judiciaires coûteux et se voulant intimidants, commence à fonctionner. Des personnalités d’une envergure et d’une probité incontestables n’hésitent plus à manifester publiquement ce qu’ils pensent, franchissant allégrement la barrière érigée par Israël autour de lui, celle de l’infamante accusation d’antisémitisme pour se déclarer solidaires d’un peuple prisonnier et privé de tout droit.

Le régime de Tel Aviv à court d’armes de propagande massive organise l’été des formations pour des étudiants venus de l’étranger afin d’intervenir efficacement sur la toile pour rehausser son image. Le programme intitulé Ambassadors Online a été initié en 2012, il a accueilli 200 nouveaux hazbaristes (1) en 2013.

Tel Aviv paie les services de 500 étudiants maîtrisant des langues étrangères pour contrer sur la toile toute allusion au boycott d’Israël, ce qui mesure combien un début de succès d’actions militantes ‘gratuites’ gêne ce régime fondé dès l’origine sur le mensonge et l’oppression.

Les Arabes de 1948, les plans sociocidaires et d’épuration

Dans la partie de la Palestine occupée en 1948, les affaires courantes continuent d’être traitées.

Tel Aviv procède par planification, héritage sans doute d’un passé lointain où il s’était d’abord proclamé socialiste et nationaliste. Deux programmes sont en cours.

Le premier dénommé Prawer-Begin a été adopté fin juin par la Knesset. Il consiste tout simplement à ‘déplacer’ c’est-à-dire expulser 70 000 Palestiniens du Naqab (Neguev en hébreu) et à confisquer leurs terres soit un demi-million de dunums. Privés de leurs moyens de subsistance habituels, agriculture extensive et élevage, ils iront grossir les bidonvilles.

La plupart ne seront pas indemnisés car les zones volées sont préalablement déclarées ‘sécuritaires’ et pour ceux qui le seront, la compensation sera dérisoire. Pour les villages non encore visés par ce nouveau plan de judaïsation, des critères discriminatoires racistes seront inventés pour les faire considérer comme ‘non existants’ ou ‘non reconnus’.

Le village bédouin d’Al Araqib a été détruit pour la cinquante quatrième fois le 15 août par les autorités de l’occupation.

En réalité, le plan est déjà entré en application selon Adalah qui défend la cause des Palestiniens restés en 1948 (20% de la population d’Israël). En 2011, plus de mille maisons furent détruites, le même rythme a été maintenu pour 2012.

Pour 2013, la nouveauté consiste à installer des colonies de peuplement juives et des casernes militaires dans ce désert habité par une population bédouine particulièrement vulnérable.

Le second programme visant les Arabes israéliens est appliqué depuis quelques années. Il s’agit du plan Wisconsin. Il a été mis en œuvre depuis 2005 par des compagnies privées pour aider au retour à l’emploi des chômeurs longue durée dans des zones pilotes curieusement habitées par une écrasante majorité d’Arabes.

Pour continuer de bénéficier des prestations de la sécurité sociale, les participants au plan travaillent dans des emplois subalternes : nettoyage des prisons, collecte des ordures, ramassage des pommes de terre très loin de chez eux pour une allocation de 600 dollars US.

D’après le syndicat des travailleurs arabes, des centaines de familles arabes y ont renoncé en raison des problèmes de garderie des enfants et des relations familiales perturbées par une trop longue absence des parents du foyer.

Israël est connu pour expérimenter des armes nouvelles contre la population civile palestinienne, des méthodes de contre-insurrection urbaine pour l’ensemble du monde occidental et les gouvernements du tiers monde qui lui sont liés, il lui revend ensuite son expertise. Wisconsin risque de ne pas rester cantonné à la population arabe d’Israël lointaine et exotique. Cette gestion des chômeurs confiée à des firmes privées internationales est en passe d’être validée là où le chômage de masse devient préoccupant, c’est-à-dire dans le monde industrialisé en crise de surproduction, étiquetée par les économistes qui ne veulent surtout pas en voir la nature de crise financière.

Économie en récession

Comme les autres économies libérales, Israël est entré en phase de ralentissement économique que par pudeur inappropriée et pour ne pas effrayer les acquéreurs des futurs logements dans les colonies, les commentateurs autorisés ne veulent pas désigner par son vrai nom, récession.

En 2012, tous les paramètres ont été notés en baisse, consommation privée, exportations, investissements privés, seul l’investissement public se serait accru de 1,8%.

L’aggravation du déficit budgétaire, 40 milliards de NIS soit environ 8 milliards d’euros, conduit à une politique d’austérité alors que les recettes fiscales ont chuté.

Les pensions des retraités vont être amputées de 10% dans l’immédiat dès janvier 2014. Les prochains départs ne sont que très partiellement provisionnés sans compter que seul un candidat sur trois a souscrit à un plan de retraite.

Dans ce contexte, le régime de Tel Aviv espère de l’opération « négociations pour la paix » qui resteront ce qu’elles sont, des négociations qui n’aboutiront jamais, une stimulation bénéfique pour effacer magiquement les effets de ses tueries et de ses infractions répétées à l’égard au droit international.

Il escompte même sinon un renforcement de l’aide militaire et économique US-américaine alors que le Pentagone subit les affres de la séquestration du moins son maintien en tirant profit de l’argument d’instabilité dans la zone où il s’est implanté. L’AIPAC qui milite en faveur du maintien de l’aide à l’Égypte reconquise par ses généraux tentera de se faire l’avocat des CMI israélien et étasunien tous deux assistés car bénéficiaires de l’impôt des contribuables étasuniens, ceux qui n’ont pas la taille suffisante pour échapper au fisc.

Lors de sa visite à Tel Aviv en mars 2013, BHO a assuré que le programme Dôme d’acier, celui qui est perméable aux roquettes palestiniennes artisanales, ne serait pas amputé, pas non plus les aides aux Arrow-2, Arrow-3 et David Sling, ce qui totalise la coquette somme d’un milliard de dollars US sur les 3,1 annuels.

Aux chasseurs cueilleurs que nous n’avons pas cessés d’être, il incombe de chercher dans la forêt des exacts insignifiants, les rares et fragiles fruits du vrai. (2)

Badia Benjelloun

Notes

(1) hazbara : en traduction approchée propagande en hébreu

(2) Un curieux résultat a été obtenu par des chercheurs en neurologie. Les trains d’onde sensoriels afférents, celles donc qui informent l’organisme à l’instant “t” de son environnement, parviennent simultanément au cerveau reptilien et aux structures corticales supérieures pour être traitées. S’il était confirmé, il signifierait que le temps ressenti comme un défilement n’est qu’un artefact. Nous percevons le monde avec toutes les strates mnésiques accumulées depuis ‘toujours’.