PAM, la “dernière” du Pentagone (et de Pointdexter)

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PAM, la “dernière” du Pentagone (et de Pointdexter)


31 juillet 2003 — La “dernière” du Pentagone, c'est l'étonnante, et très courte aventure du Policy Analysis Market (PAM), dont l'existence sitôt découverte a conduit à une intervention ultra-rapide de plusieurs sénateurs, démocrates et républicains, pour faire comprendre au Pentagone qu'il était temps d'abandonner cette étrange initiative.

Un texte du site WSWS.org analyse le fonctionnement du PAM et les circonstances dans lesquelles son existence a été mise à jour. On peut ainsi mieux mesurer l'étrangeté sans limite de cette initiative.


« Under the scheme, dubbed Policy Analysis Market, or PAM, the Defense Department planned to launch a futures market in which wealthy and anonymous insiders would bet on the likelihood of such occurrences as the assassination of Palestinian leader Yasser Arafat, the overthrow of the Jordanian monarchy, or a North Korean missile strike. Those whose speculative investments panned out—in the form of terrorist violence and war—would stand to reap a handsome return. As the web site of the Pentagon project promised: “Involvement in this group prediction process should prove engaging and may prove profitable.”

» The web site further guaranteed the anonymity of speculators and their immunity from government oversight, declaring that government agencies would not be allowed to participate and would not have access to the identities or funds of traders. The initiative was set to begin registering up to 1,000 traders on Friday, August 1.

» The Bush administration had requested $8 million to fund the PAM futures market through 2005. According to a July 29 article in the New York Times, “The overview of the plan said the market would focus on the economic, civil and military futures of Egypt, Jordan, Iran, Iraq, Israel, Saudi Arabia, Syria and Turkey and the consequences of United States involvement with those nations. The creators of the market envision other trappings of existing markets like derivatives.”

» The plan was scotched after two Democratic senators, Byron Dorgan of North Dakota and Ron Wyden of Oregon, called a press conference on Monday to denounce it. “Can you imagine,” Dorgan asked, “if another country set up a betting parlor so that people could go in—and is sponsored by the government itself—people could go in and bet on the assassination of an American political figure?”

» Wyden explained the operation of the scheme as follows: “For instance, you may think early on that prime minister X is going to be assassinated. So you buy the futures contracts for 5 cents each. As more people begin to think the person’s going to be assassinated, the cost of the contract could go up, to 50 cents. The payoff if he’s assassinated is $1 per future. So if it comes to pass, those who bought at 5 cents make 95 cents. Those who bought at 50 cents make 50 cents.”

» The senators pointed out that those with vested interests, including terrorists and big investors seeking to profit off of terrorist atrocities, could utilize the government-run market to manipulate events. The Pentagon initially defended the program, issuing a statement that said, “Research indicates that markets are extremely efficient, effective and timely aggregators of dispersed and even hidden information. Futures markets have proven themselves to be good at predicting such things as election results...” »


Tout est étonnant dans cette affaire. Ainsi, il ne semble pas qu'on ait été beaucoup au courant de l'existence du PAM au Pentagone, puisque Paul Wolfowitz, qui est tout de même n°2 du département, a déclaré hier aux sénateurs qui l'interrogeaient, au Sénat, qu'il jugeait cette initiative désastreuse. Cette prise de position laisse à penser que Wolfowitz n'était pas informé du PAM, et qu'il le découvrait en même temps que les sénateurs eux-mêmes.

L'ordonnateur et le coordinateur de PAM, c'est une vieille connaissance, l'amiral John Pointdexter. Anciennement n°2 puis n°1 du NSC avec Reagan (en 1985-86), instigateur de l'Irangate à la même époque, avec trafic d'armes, transferts illégaux de fonds, etc, inculpé dans cette affaire et condamné puis évitant une confirmation de cette peine et son exécution pour vice de procédure, enfin reclassé dans les gros coups high tech. Avant PAM, Pointdexter avait lancé, toujours au Pentagone, le programme dit Total Information Awareness (TIA), qui proposait de mettre “en carte” électroniquement des millions d'Américains. (Selon le New York Times, dans un éditorial furieux demandant la mise à pied de Pointdexter : « His first big brainstorm post-9/11 was a program known as Total Information Awareness, designed to identify potential terrorists by compiling a detailed electronic dossier on millions of Americans »)

Le caractère le plus extraordinaire de PAM, c'est ce que relève le commentateur Steven Pearlstein, du Washington Post, sur la croyance absolue des vertus du marché qu'implique ce système : son principe revient en effet à penser que les résultats de la spéculation, avec succès de la cote de telle ou telle action terroriste, auraient été une précieuse indication pour la probabilité de telle ou telle action terroriste. (Ce que dit bien le communiqué du Pentagone : « Research indicates that markets are extremely efficient, effective and timely aggregators of dispersed and even hidden information. Futures markets have proven themselves to be good at predicting such things as election results... »)

Pour autant, il n'est peut-être pas utile de s'étonner. Nombre d'actions de l'administration GW sont ainsi marquées par une croyance aveugle dans les vertus quasiment divines du marché libre. C'est pour cette raison principalement que rien n'a été préparé pour l'après-guerre en Irak, le rétablissement du marché libre étant jugé comme la mesure nécessaire et suffisante pour que le pays se transforme en oasis démocratique. Tout, dans l'administration GW, y compris les combines, sont à considérer à cette lumière. Un point supplémentaire pour mesurer le degré d'endoctrinement des esprits dans d'autres milieux, notamment britanniques pour ce cas, se trouve dans le fait que le groupe du magazine The Economist était impliqué dans cette affaire PAM. On laisse à d'autres le soin de trouver qualificatifs et exclamations pour saluer une telle situation.

Reste que cela n'a pas marché, que la trouvaille TIA de Pointdexter non plus n'a pas marché, que le marché libre en Irak ne marche pas et ainsi de suite. Mais qu'importe, puisque ces esprits ne trouvent aucun intérêt à consulter la réalité pour juger de la justesse de leurs actes et de la bizarrerie de leurs thèses. En attendant, le résultat est un désordre complet, derrière les pompeuses rhétoriques des idéologues, — et, effectivement, le désordre semble bien être la caractéristique de l'administration GW. Ah, une dernière chose : il faudrait, pour satisfaire le New York Times, songer à mettre Pointdexter à pied ; reste à le trouver pour l'en aviser, car on imagine bien que, dans le dédale de désordre qu'est aujourd'hui le Pentagone, on ignore évidemment dans quel bureau il se trouve.