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24 juin 2005 — Deux nouvelles publiées le même jour permettent d’avoir une idée assez précise de la façon dont fonctionne réellement l’Europe. La vision monolithique des commentateurs habitués au schématisme des images qui leur servent de thèmes de réflexion devrait tenir compte plus souvent de ce simple fait : la réalité. Pour la plupart des commentateurs idéologiques type-parisien, le sommet de Bruxelles affaiblit irrémédiablement l’Europe. Pas de Constitution, pas d’union (pas d’Europe “modèle libéral”), par conséquent l’Europe va à vau l’eau, elle ne compte plus, incapable d’une politique étrangère cohérente. (Et elle tombera dans l’escarcelle anglo-saxonne, destin obligé.)
Le spectacle nous en a été donnés notamment par le terrible affrontement entre les deux présidents qui se succèdent, — Jean-Claude Juncker du Luxembourg et Tony Blair du Royaume-Uni.
Voyez ci-dessous le rapport des déclarations de Juncker fait par EU Observer du 23 juin, beaucoup plus intéressant que le discours de Tony Blair farci de trouvailles de relatons publiques dont il est coutumier depuis la guerre du Kosovo et celle contre l’Irak.
« Outgoing president of the EU Jean-Claude Juncker launched a blistering attack on the British prime minister laying the blame squarely at Tony Blair’s door for last week’s summit failure. In an hour-long account to MEPs on Wednesday (22 June), Mr Juncker accused Mr Blair of using false arguments about the scale of farming subsidies and being misleading about the presidency’s proposals to try and forge a deal.
» The Luxembourg leader said he had not tried to scrap the annual British rebate, over which the summit eventually collapsed. “It is not true that the presidency wanted to kill the British cheque. We wanted to maintain it unchanged for the 15 old member states but give it greater solidarity with the new member states”.
» In an indirect reference to Mr Blair who will address the parliament on Thursday morning, Mr Juncker then said “I am telling you this because no one else will and because you are likely to hear other explanations in the future”. He went on to indicate that London had scuppered a deal by insisting that a review of the budget policy concentrate solely on reform of the farm subsidies saying that such a proposal was “impossible because it was unacceptable to other member states”. »
Parallèlement avait lieu la conférence à Bruxelles sur l’Irak. Cette initiative est un monument de stupidité, de lâcheté, de conformisme bureaucratique et d’hypocrisie de la part de l’Europe. La décision de la conférence a été prise dans des conditions à la fois dérisoires et chaotiques, selon les informations qui nous été rapportées des instances européennes. L’exemple de cette conférence devrait être le plus mauvais exemple possible d’un regroupement de l’Europe, pour des buts à la fois marginaux et indignes (marginaux car il s’agit d’une simple opération de relations publiques des Américains, que les Européens ont relayées comme d’habitude, et la conférence ne changera rien en Irak où les gens meurent de façon criminelle ; indigne car cette conférence vient de facto en soutien d’une opération dont l’illégalité, l’inhumanité et la vanité sont amplement démontrées, — car ce n’est pas la démocratie qu’on soutient ici, mais l’opération irakienne des Américains). Pourtant l’Europe se regroupe.
L’idée est exprimée ci-après, mise à part l’inanité et la grossièreté des conditions de cette conférence, et la stupidité abyssale des commentaires du diplomate non-nommé et désigné “western European diplomatic contact ” (l’excellent homme devrait savoir que l’Irak est sur le point d’exploser et d’amener aux USA un choc en retour dont on attend avec impatiences ses commentaires).
« The EU has put aside its bickering over the budget and the constitution to put its weight behind the international effort to rebuild Iraq, but Wednesday's (22 June) summit did little beyond expressing optimism for the future of the war-torn country. “Europe has been split down the middle, but people are now willing to put the divisions of the past behind them”, UK foreign secretary Jack Straw said, referring to last week's Franco-British row over the EU's 2007-2013 financial plan.
» His comments echoed earlier remarks from the Irish, US and eastern European delegations that the talks were marked by a forward-looking spirit on all sides, with French, Iranian and Syrian diplomats declining to revisit former jibes at the US and UK's intervention in the region. “We are now in a different phase”, a western European diplomatic contact noted. “And that's - stuff it! We didn't like what you did but now we'll have to get together and help, to work for a good cause”. »
La faiblesse du cas de cette conférence est telle qu’elle devrait évidemment refléter les divisions européennes telles qu’elles éclatent en ce moment. C’est le contraire qui a été démontré. Certains y voient le triomphe de l’influence anglo-saxonne et un point marqué par les Américains, — ignorant complètement que l’Irak n’est pas un problème diplomatique mais un problème de guerre que les Anglo-Saxons sont en train de perdre. Les spin doctors sont contents, le reste est pire que jamais et la conférence, pour le vrai, déclenche en privé sarcasmes et commentaires de mépris.
Il n’empêche : l’affaire montre que, devant un cas extérieur, l’Europe se trouve obligée de se regrouper pour continuer à tenter de peser son poids. Et elle est perçue comme telle. Par exemple, et dans un autre sens (celui-là, une initiative que nous jugeons judicieuse), le front EU3 (France, Allemagne, UK) tient plus que jamais dans les négociations de l’Europe avec l’Iran, au grand désappointement des Américains.
Il y a les montages médiatiques, les querelles internes de conception développées le plus souvent pour dissimuler l’incapacité de résoudre le fondement de la crise. A côté, il y a les nécessités des relations internationales où l’Europe est perçue comme un bloc. Même si ce bloc a des fissures, s’il a des mouvements contraires, il se trouve contraint dans certains cas où il le peut de figurer en tant que tel, et de “tenir son rang” (même dans les cas les plus méprisables).