Paralysie guerrière

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Paralysie guerrière


7 décembre 2002 — Ci-dessous, nous publions, avant de proposer quelques commentaires, un court texte de l'agence Associated Press datant du 6 décembre, qui nous est indisponible par le moyen habituellement utilisé du “lien”. (Cette publication, et la lecture du texte qui sera faite, doivent être comprises comme à l'habitude, en ayant à l'esprit l'avertissement classique : “Disclaimer: In accordance with 17 U.S.C. 107, this material is distributed without profit or payment to those who have expressed a prior interest in receiving this information for non-profit research and educational purposes only.”)


Study: Iraq War Could Cost $1.9 Trillion — By Siobhan McDonough

« In the worst case, a war with Iraq could cost the United States almost as much as the government spent in the last budget year — nearly $2 trillion, according to new projections. Researchers concluded in a study released Thursday that war with Iraq could cost the United States from $99 billion to more than $1.9 trillion over a decade.

» The lower figure assumes a successful military, diplomatic and nation-building campaign; the higher figure assumes a prolonged war with a disruption of oil markets and a U.S. recession, the authors say in a study by the American Academy of Arts and Sciences. Both figures assume a U.S. involvement in the country for 10 years.

» White House spokesman Gordon Johndroe said it was premature to comment on cost estimates. “War is the last resort,” he said. “We're hoping for a peaceful solution.”

» The 1991 Persian Gulf War cost America an estimated $61 billion, but allies reimbursed all but about $7 billion. By some accounting methods, the United States may have even made a profit.

» Direct military spending could range from $50 billion in a short campaign to $140 billion in a prolonged war with Iraq, said the study titled, “War With Iraq: Costs, Consequences and Alternatives.” The study was done by the academy's Committee on International Security Studies. The report cautioned that aside from the estimates of direct military costs, all the numbers should be “regarded as informed conjecture.”

» Occupation and peacekeeping costs could be $75 billion in the best case to $500 billion in the worst, the study said. Reconstruction and nation-building costs are estimated at $30 billion to $105 billion, and humanitarian aid at $1 billion to $10 billion.

» Economic ripples of war with Iraq are likely to spread beyond budgetary costs, with the prospect of raising the cost of imported oil, slowing productivity growth and possibly triggering a recession, the report said. A prolonged disruption of world oil markets could cost the U.S. economy up to $778 billion, the researchers estimated. On the other hand, Iraq's huge oil resources could satisfy U.S. needs for imported oil at current levels for almost a century and otherwise benefit the economy by $40 billion.

» A short war could actually benefit the United States in terms of its macroeconomic impact, which includes employment, by $17 billion. A long war, in contrast, could have a $391 billion negative effect. »


Conclusion : le désordre est devenu hors de prix

L'étude de l' American Academy of Arts and Sciences (organisme sérieux) poursuit une tendance proliférante autour de la guerre-future contre l'Irak. Cette prolifération de planification conduit évidemment à l'étude de tous les cas possibles et, au-delà, à l'absurdité de l'hypothèse, — mais dans un système dont l'existence est liée à l'existence de l'hypothèse. Non seulement le conflit apparaît absurde, non seulement les dépenses et les méthodes de gestion américaines apparaissent absurdes, mais le fait même de la planification apparaît désormais absurde.

Réfléchissons sur ce modèle :

• Envisager 10 ans d'“occupation” pour l'Irak, ce n'est pas exagéré (en Bosnie, en 1995, l'U.S. Army partait pour deux ans en Bosnie ; elle y est toujours ; elle y sera encore longtemps).

• Les chiffres envisagés (“meilleur”-“pire” cas) ne sont pas exagérés. Notamment, le “pire” cas n'est pas exagéré, par définition dirait-on, puisque c'est le pire ; par méthode également, puisqu'il explore toutes les conséquences possibles dans une économie où tous les facteurs constitutifs sont de plus en plus imbriqués.

• Par habitude, par nécessité, par prudence, par “esprit de planification” justement (cet esprit où il faut toujours prévoir le pire des cas), une politique dite-responsable doit envisager le pire des cas. Celui-ci implique la projection d'un fardeau de $170 milliards par ans sur le budget américain, outre la situation économique de récession.

• Conclusion : cette étude constituera, avec d'autres qui vont suivre, qui iront dans le même sens en surenchérissant car nul ne veut être en reste dans la société planificatrice de son avenir, une référence désormais présente à tous les esprits.

Il faut placer ce petit fait de la publication de cette étude à la lumière de l'événement qu'est le limogeage de l'équipe dirigeante de l'économie US (le secrétaire O'Neill notamment). C'est le signe que l'administration GW est désormais obligée de tenir compte de la situation économique et des 6% de chômeurs auxquels on arrive, — si GW veut être réélu, ce qui est évidemment l'argument final (et pas vraiment la situation économique US). Cette même administration va donc commencer à s'intéresser aux chiffres prévisionnels de la guerre contre l'Irak, notamment ceux des “pire des cas”, encore plus lorsqu'ils prévoient une récession. Un débat de plus, un élément de “prudence” de plus, un facteur de paralysie de plus. L'administration US la plus guerrière qu'on ait connue va encore plus s'inviter elle-même à s'interroger sur l'opportunité de faire cette guerre, à laquelle elle lie pourtant son destin ... (Interrogation ? C'est le moins qu'on puisse conclure lorsqu'on lit cette réaction de la Maison-Blanche qui ne voyait jusqu'il y a peu d'autre issue que la guerre : « White House spokesman Gordon Johndroe said it was premature to comment on cost estimates. “War is the last resort,” he said. “We're hoping for a peaceful solution.” »)

On n'imagine pas une situation plus évidente de paralysie d'un gouvernement, d'une politique et, au-delà, un cas plus flagrant de blocage d'une société. En réalité, le blocage devient paralysie, accentuée par le caractère surréaliste des chiffres. Aujourd'hui, le désordre lui-même étant devenu hors de prix, reste la paralysie.