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420Voici un article du plus grand intérêt, celui du New York Times, de Hélène Cooper et David E. Sanger, sur la décision US de rejoindre les négociations avec l’Iran (« A Talk at Lunch That Shifted the Stance on Iran », publié le 4 juin). Il nous donne une description précise et un tableau convaincant de l’évolution américaine dans la crise iranienne durant ces trois derniers mois, jusqu’à la décision-surprise des USA d’accepter de négocier avec les Iraniens au sein de la “coalition”.
• L’enjeu : la défaite, simplement. L’article observe : « Mr. Bush's aides rarely describe policy debates in the Oval Office in much detail. But in recounting his decisions in this case, they appeared eager to portray him as determined to rebuild a fractured coalition still bearing scars from Iraq and find a way out of a negotiating dynamic that, as one aide said recently, “the Iranians were winning.” » En d’autres termes: compte tenu du refus catégorique de négocier directement avec les Iraniens qui a caractérisé jusqu’alors la position US, la décision américaine d’y consentir apparaît simplement comme une décision ultime pour empêcher une victoire iranienne.
• ...Quelle victoire des Iraniens? La désintégration de la fragile unité des puissances, le constat de plus en plus pressant que la “coalition” (c’est-à-dire l’unité entre les cinq autres et les USA) était en train d’éclater: « On a Tuesday afternoon two months ago, Secretary of State Condoleezza Rice sat down to a small lunch in President Bush's private dining room behind the Oval Office and delivered grim news to her boss: Their coalition against Iran was at risk of falling apart. [...] On March 30, Ms. Rice traveled to Berlin for what turned into a fractious meeting with representatives of the other four permanent members of the Security Council and Germany. She questioned what kind of sanctions would be effective. The conversation went nowhere. That led to Ms. Rice's warning to Mr. Bush over lunch, on April 4, that the momentum to confront Iran was disintegrating... »
• Le poids des Russes a été considérable dans la décision américaine de rejoindre les négociations. Cette remarque à propos du dîner crucial du 12 mai le met en évidence, puisque c’est à ce moment que Rice se convainquit que les USA devaient franchir le pas : « Her meeting in New York with her European counterparts turned testy, particularly an exchange with Mr. Lavrov, who was still smarting from a speech by Mr. Cheney denouncing Russia for its increasingly authoritarian behavior. But the discussion, while fractious, convinced her that the only way to break the stalemate was to offer to join the negotiations. » (Le dîner eut lieu le 12 mai au Warldorf Astoria. Un article du Daily Telegraph du 14 mai en décrivait bien l’atmosphère. Cet article, ainsi que celui du New York Times qui est détaillé ici, est repris sur notre site, dans notre rubrique “Nos choix commentés”.)
• Une remarque, en passant dans l’article, tend à confirmer ce qu’on a pu déjà ressentir : les Russes étaient les plus réticents devant l’attitude des Américains, mais avec eux se trouvaient, fort proches, les Allemands : « While Mr. Bush initially told Ms. Rice that others could work out the final negotiations, Ms. Rice told the president that “only you can nail this down,” apparently a reference to keeping Ms. Merkel and Mr. Putin on board… » Il semblerait logique de conclure que l’attitude allemande, proche de celle des Russes, — alors que les Américains tenaient Merkel pour une super-atlantiste après l’épisode Schröder, — a dû peser lourd dans l’évolution US de ces derniers mois.
• L’article termine par une observation qui donne son sens à la situation actuelle. Loin d’avoir une position de force avec leur entrée dans les négociations, les Américains sont sur la corde raide et jouent gros : « But Mr. Bush, led by Ms. Rice, is taking a significant risk. He must hold together countries that bitterly broke with the United States three years ago on Iraq. And now, he seems acutely aware that part of his legacy may depend on his ability to prevent Iran from emerging as a nuclear power in the Middle East, without again resorting to military force. »
• Et un enjeu essentiel pour les USA, — l’enjeu principal, selon nous, — est moins le cas iranien que l’unité des puissances de la “coalition” (Bush « must hold together countries that bitterly broke with the United States three years ago on Iraq... »).
Mis en ligne le 5 juin 2006 à 09H11