Pas de deux Poutine-Loukachenko

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Pas de deux Poutine-Loukachenko

• Plusieurs points de contact dans l’offensive constante du bloc-BAO contre Poutine et la Russie : Biélorussie et Tchéquie, en plus de la crise permanente autour de l’Ukraine avec les destroyers US dansant autour des Dardanelles. • Toujours les mêmes caractères : simulacre-ridicule et gros sabots de la CIA & Co, en plus de la tactique Pieds-Nickelés de l’OTAN. • En général, les Russes ne cessent de se durcir dans leurs réactions, tout en faisant du ridicule des autres un bon axe de contre-offensive. • A part ça, discussion autour du risque d’affrontement.

La plus grosse affaire “du jour” des considérables tourments en cours autour de la Russie est certainement celle de l’échec de ce qui serait un coup préparé contre Loukachenko, avec assassinat général du président biélorusse, de sa famille et de ses proches, des principaux hauts-fonctionnaires, etc., dans une action démocratique planifiée avec habileté pour “rétablir la démocratie”.

Cela vient après la reconnaissance (en février) de l’échec de la révolution de couleur par la gentille Svetlana Tikhanovskaya, nommée chef(fe) de l’opposition à Loukachenko par la CIA et les centres de libération démocratique installés notamment dans les pays baltes (Lituanie pour Tikhanovskaya) :
 

« Les manifestations de rue en Biélorussie se sont essoufflées pour le moment, a admis la figure de proue de l’opposition en exil, Svetlana Tikhanovskaya. Elle a appelé ses partisans à continuer à “faire pression” sur le gouvernement et à prévoir de nouveaux rassemblements au printemps.
» “Je dois admettre que nous avons perdu la rue", a déclaré vendredi Tikhanovskaya, qui réside actuellement en Lituanie, au magazine suisse Le Temps.
» “Nous n’avons pas les moyens de combattre la violence du régime contre les manifestants. Ils ont les armes, ils ont la force, alors oui, pour le moment, il semble que nous ayons perdu”, a-t-elle admis, ajoutant que les Biélorusses sont “fatigués” et ont peur. »
 

D’une façon générale, il ne semble pas que les correspondants de la jeune femme, notamment ceux de la centrale US et ceux des services lituaniens ad hoc, aient été vraiment satisfaits de ces déclarations. On peut donc avancer l’hypothèse, si l’on accepte de considérer la narrative de Loukachenko sur la préparation d’un coup d’État “classique” (complot, assassinat, etc.) contre lui et déjoué, que ces “contractants” ont fait contre mauvaise fortune bon cœur et décidé d’agir par d’autres voies, plus résilientes et plus décisives espérait-on que les mouvements démocratiques de rue de citoyens démocratiques un peu trop vite fatigués, et en général trouillards selon l’analyse de la gentille Tikhanovskaya.

D’une certaine façon qui est une agréable surprise pour la clarté de la situation, la même Tikhanovskaya semble accréditer cette narrative, qui deviendrait alors objectivement vérité-de-situation, en la tournant pour en faire une “provocation” FSB-KGB (Russie-Biélorussie). Pourquoi pas ? La thèse en vaut bien une autre.

Bien loin de ses premiers pas hésitants avant son “passage à l’Ouest”, sortie de Biélorussie pour la Lituanie, Tikhanovskaya agit en connaisseuse en diffusant une déclaration “officielle” de son service de presse, relayée par la presseSystème (ici, la RTBF), avec notamment une deuxième partie de son communiqué qui reste nébuleuse et montre une certaine difficulté à fixer sa version du sens des faits à l’intention de ses partisans sans doute :
 

« Ni la Russie ni les États-Unis n’ont commenté ces affirmations de Loukachenko. La cheffe de l’opposition bélarusseTikhanovskaïa, a pour sa part dénoncé uneprovocation des services de sécurité russes et bélarusses, dans laquelle ont été entraînés des citoyens du Bélarus et des Etats-Unis”.
» “Il est nécessaire de s’abstenir de prendre des décisions et d’arriver à des conclusions hâtives qui pourraient nuire aux intérêts nationaux, à la souveraineté et à l’indépendance du Bélarus", a-t-elle dit, citée par son service de presse. »
 

Si, selon la presseSystème du bloc-BAO, la Russie n’a officiellement rien dit, RT.com a diffusé un article détaillé sur cette affaire, à la fois pour les circonstances et pour les acteurs, notamment les personnes arrêtées. Il y est dit que “les deux pays” (Russie et Biélorussie) « ont clairement indiqué que les personnes arrêtées sont toutes soupçonnées de préparer une insurrection armée contre le président Alexandre Loukachenko ». Il semble bien que la source principale sinon exclusive du côté russe soit une communication très détaillée du service de renseignement (FSB), dans une occurrence extrêmement rare pour lui, qui ne peut venir que d’une autorisation directe de Poutine.

Certains détails sont surprenants, ou bien anecdotiques, ou bien saugrenus, et dans tous les cas révélateurs d’une activité extrêmement précise, même si l’on ignore précisément pour quel but ; c’est-à-dire que les deux versions (préparation d’un coup d’État réel ou provocation) peuvent s’accommoder de tous les détails que l’on trouve ici.
 

« En début de semaine, plusieurs figures de l’opposition biélorusse ont été arrêtées dans leur pays et en Russie voisine. Les deux pays ont clairement indiqué que les personnes arrêtées sont toutes soupçonnées de préparer une insurrection armée contre le président Loukachenko, dont la longue emprise sur le pouvoir a été remise en cause l’année dernière par des manifestations de masse. Les membres de la conspiration présumée, qui restent libres, ont rejeté les accusations et déclaré qu’ils ne faisaient que fantasmer sur la chute de M. Loukachenko.
» L’existence d’un complot présumé visant à tuer Loukachenko, d’autres hauts responsables bélarussiens et même des membres de leur famille a été révélée samedi. À Minsk, la radio nationale ONT a publié un article désignant les conspirateurs présumés et exposant leurs plans. Le reportage présentait comme preuve plusieurs clips de ce qui semble être des conversations réunions entre eux, sur le réseau social Zoom.
» Le plan discuté lors de la réunion, tel que décrit par le FSB, impliquait le meurtre de “presque tous les dirigeants” du Belarus, un coup d’État militaire et une coupure générale de l’alimentation en électricité dans tout le pays. Il a été suggéré que la phase active serait lancée par certains groupes armés (“partisans”), qui sont actuellement stationnés dans des “bases secrètes”, a indiqué le FSB. L'action aurait été prévue pour le 9 mai, date à laquelle la Biélorussie organise un défilé militaire dédié à la victoire sur l’Allemagne nazie en 1945.
» Des images filmées en caméra cachée de ce qui semble être la réunion à Moscou ont été diffusées par l’ONT dans son reportage. Zenkovich et Feduta y détaillent leurs suggestions sur la manière de mener à bien un coup d’État armé. Ils déclarent que Loukachenko doit être “éliminé” et qu’au moins 30 personnes à Minsk, – sans doute des hauts fonctionnaires, – doivent être “internées littéralement dans la première heure”.
» Loukachenko lui-même s'est adressé aux médias pour expliquer comment ses différents opposants complotaient contre lui et ses deux fils. Le groupe comprenant Zenkovich et Feduta était “sans aucun doute une action de services de renseignements étrangers”, a-t-il affirmé, “très probablement la CIA ou le FBI”.
» Loukachenko a affirmé que Zenkovitch était un “agent américain”. L'avocat a la double nationalité américaine et bélarussienne et vit en Amérique depuis plus de dix ans. Le président a confirmé que l'arrestation, en début de semaine, de Grigory Kortusyov, chef du parti politique d'opposition BNF, s’inscrivait dans le cadre de la lutte contre la même conspiration présumée. Zenkovich était un membre éminent du même parti et a occupé un poste électif dans un conseil local avant d'émigrer aux États-Unis.
» Dimanche, la chaîne de télévision russe Rossiya 1 a montré d’autres images de la caméra cachée. Feduta y suggère qu’après le coup d'État, la Biélorussie devrait être gouvernée par un conseil d’État composé des dirigeants de tous les partis politiques enregistrés, tandis que la démocratie serait “développée” à partir de l'autonomie locale.
» Feduta et Zenkovich ont suggéré qu’ils devaient “encadrer” la presse, les tribunaux, le parlement, les ministères de la justice et de l'éducation, la commission électorale centrale et élaborer une nouvelle constitution. Zenkovich a suggéré qu’un coup d’État serait financièrement rentable pour les participants, notamment selon l’hypothèse que Loukachenko doit avoir une réserve d’argent cachée quelque part, qui “peut être simplement prise, tranquillement, si l'occasion se présente”.
» L’ampleur de la menace que représente le complot présumé pour le gouvernement biélorusse est sujette à débat. Les réunions montrées dans l’article de l’ONT concernaient sept personnes, y compris les trois individus arrêtés. L’un des quatre autres est Pavel Kulazhenko, qui vit à New York. Il a déclaré que lui et les autres ne faisaient pas partie d’une conspiration mais plutôt d’un club de discussion en ligne. Ils parlaient “des mêmes choses que celles dont on discute tous les soirs dans chaque famille biélorusse : comment accélérer la retraite de Loukachenko”, a-t-il déclaré.
» Un autre individu, Aleksandr Perepichko, basé à Seattle, a déclaré qu'un coup d'État était “le meilleur moyen de se débarrasser d’une dictature sanglante” et qu’“il n’aurait pas été professionnel de ne pas discuter des différents scénarios de changement de régime au Belarus”. Il a démenti les allégations biélorusses selon lesquelles les présumés comploteurs auraient fait plus que manifester leur aversion pour le régime de Loukachenko sur le réseau social. L’ONT affirme que les meneurs avaient reçu des fonds étrangers pour leur opération contre le président biélorusse... »
 

D’autres précisions concernant l’intervention personnelle de Loukachenko, telle que relevée par le site ‘WhatDoesItMeans’ à partir du matériel diffusé par ONT et des sources écrites, contiennent ces détails, avec notamment une mise en cause indirecte de Biden lui-même, ou bien d’un pouvoir qui s’arrogerait la capacité de parler pour Biden :


« Une autre chose qui me surprend est de savoir pourquoi les Américains se comportent de la sorte.  N’oubliez pas que personne, à l'exception des plus hauts responsables politiques, ne peut prendre la responsabilité de se débarrasser d’un président. Seulement eux, pas les services spéciaux et de renseignement.
» Je vais vous en dire plus. Je suis reconnaissant à Poutine.
» Quand il parlait avec Biden, il lui a posé cette question.  Biden a juste marmonné et n’a pas donné de réponse.
» Poutine m’a appelé et m’a parlé de cela quand je suis arrivé d’Azerbaïdjan. »
 

Pour l’instant, Joe Biden, le président des États-Unis, n’a dit mot de toute cette salade, notamment quant à l’éventuelle interrogation de Poutine sur le rôle joué par les USA dans le “complot”. On en reste donc là pour l’instant, sans trop s’attarder à arguer autour de la question de savoir de quel côté il y a coup monté : de la part des Russo-Bélarusses (Poutine-Loukachenko), ou de la part des comploteurs avec les soutiens qui vont bien ; l’essentiel étant effectivement de convenir que, dans tous les cas, toutes les parties reconnaissent qu’il y a “complot”. Dans ces temps de dénonciations furieuses du “complotisme”, c’est une occurrence qui nous rassure sur l’état de la liberté de penser et de s’exprimer. S’il y a manœuvre de provocation du FSB-KGB, on ne pourrait qu’apprécier qu’il s’agit d’une habile façon de serrer les boulons face au besoin obsessionnel de “révolution de couleur” du camp d’en face.

Une autre remarque, sans doute plus importante, est bien que cette affaire biélorusse confirme l’agitation en cours actuellement autour de la Russie. En effet, si l’on élargit le théâtre des opérations, on apprend que les Britanniques dépêchent des navires guerriers de la Royal Navy vers la Mer Noire, à la demande des cousins américanistes, pour tenir le rôle que l’US Navy américaniste préfère s’abstenir de tenir. On s’étonnera toujours du rôle étonnant que les Britanniques acceptent avec enthousiasme, même en période de grand deuil, de tenir au côté et même en avant-garde de leurs cousins, au moindre signe de leur part. L’Ukraine incertaine ne fait que nous montrer, entre ses brusques éruptions guerrières, des signes éculées des puissances passées.

Pendant ce temps, les spéculations sur un possible conflit entre la Russie et l’Ukraine se poursuivent, passant de l’hypothèse de manœuvres russes de diversion du Saker-US à l’idée d’Orlov d’un transfert massif des populations russophones du Donbass vers la Russie. Au reste et d’une façon générale, on observe que les Russes réagissent désormais plus vite et avec plus de raideur, mais aussi avec un certain flegme énigmatique, au jeu des innombrables sanctions venues de l’Ouest, – comme cette expulsion de diplomates tchèques de Russie, deux jours après une expulsion de diplomates russes de Tchéquie exigée par les alliés US pour une étrange explosion remontant en 2014. Il est évident alors que l’agitation biélorusse s’insère dans un cadre plus général, soit de tension, soit de désordre, qui s’est installé sur la façade Ouest de la Russie.

Il ne fait désormais plus aucun doute que la présidence Biden tourne toute sa capacité de nuisance vers la Russie, bien autant que celle que Trump avait entretenue contre la Chine. Les différents style du toussotant Biden vis-à-vis de la Russie, – attitude dite du “chaud et du froid”, ou dans le langage imagé de Washington D.C., “good cop, bad cop”, – ne sont plus perçus que comme des actes de politique intérieure, et les Russes en viennent à admettre qu’il n’y a plus rien à faire avec les USA, un peu comme ils ont conclu de leurs relations vis-à-vis de l’UE il y a deux mois.

La situation tourne alors vers une sorte d’urgence encalminée pour ce qui concerne les innombrables points de tension sur la frontière occidentale de la Russie ; quelque chose comme “rien ne se passe, tout peut se passer”, une sorte d’incertitude totale dans un climat d’impuissance et de paralysie générales... A ce jeu-là, les Russes ne sont pas perdants, face à une Amérique entrée dans le chaos et une Europe totalement ligotée dans sa crise sanitaire, à la recherche du vaccin idéal comme l’on poursuit le Graal. Les Russes ont pour eux une infinie patience et désormais une attitude quasiment d’indifférence pour les inimitables folies du bloc-BAO.

D’où ces remarques d’un Gabriel Gavin, sur RT.com :
 

« Cela fait maintenant un mois qu’Antonov est rentré à Moscou, laissant la Russie sans ambassadeur aux États-Unis à un moment où les tensions augmentent rapidement. [...] Cette absence de représentation diplomatique n’a fait qu’empirer la semaine dernière, lorsque Washington a décidé d’expulser 10 fonctionnaires de l’ambassade russe à Washington tout en introduisant de nouvelles restrictions économiques. En contrepartie, la Russie a déclaré que le même nombre de représentants américains devraient rentrer chez eux. On observe ainsi qu’à un moment où les relations sont si tendues et les malentendus potentiellement catastrophiques, il existe moins de canaux de communication entre les États-Unis et la Russie que jamais par le passé. [...]
» La rengaine du good cop, bad cop de Biden peut lui apporter le soutien intérieur dont il a besoin pour adopter en fin de compte une politique plus nuancée à l’égard de la Russie, mais elle fait surtout courir le risque que Moscou décide simplement que la Russie n’a pas grand-chose à gagner à essayer d’arranger les relations exécrables actuelles. Si les gesticulations de Biden se retournent contre lui, ce que les États-Unis pensent et font pourrait devenir moins important que jamais pour Poutine. »

 

Mis en ligne le 19 avril 2021 à 19H30