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443Nous n’irions pas jusqu’à dire que la similitude de la forme des titres est le seul produit de la sécheresse de notre imagination. Il y a une singulière proximité entre le «BMDE: alors, on se décide?» des Russes aux Américains, commenté par nous le 9 juin 2009 et le «Patriot: alors, on se décide?» d’aujourd’hui, qui introduit cette note effectivement, qui concerne cette fois les Polonais s’adressant aux Américains.
Autant les Russes s’irritent et montrent quelque agacement, autant les Polonais s'agacent et montrent quelque irritation. Les USA se trouvent pris entre les deux, subissant des pressions contradictoires qui les embarrassent dans cette question du réseau anti-missiles en Europe (BMDE). Les Russes veulent une décision US concernant le BMDE, – abandon ou pas, – la chose étant pour eux la condition sine qua non de la poursuite et du succès des négociations pour un accord START-II avant décembre prochain (dito, si le BMDE n’est pas abandonné, pas d’accord START-II). Les Polonais, eux, veulent également une décision US pour le BMDE, – éventuellement, cette décision, – et, surtout une action claire pour le déploiement de missiles de défense sol-air Patriot à eux promis par l’administration Bush lors de la signature (en août 2008) de l’accord préliminaire pour la base BMDE en Pologne, et entériné plus ou moins formellement par l’administration Obama quelle que soit sa décision sur le déploiement du BMDE.
Une dépêche AFP (via Spacewar.com) du 12 juin 2009 rend compte de cette mauvaise humeur…
«Poland wants a clear answer from Washington on plans to deploy part of a US anti-missile shield and a battery of Patriot missiles on Polish soil under a 2008 deal, the government said Friday.
»“We're still lacking an essential, clear response as to whether the United States will go ahead with the shield plan. It's a fundamental question to which we need a definite answer,” government spokesman Pawel Gras said on the Polish rolling news station TVN24. “On our side we've met the pledges in this deal. The land [for the base] is ready and waiting,” he said. […] Gras underlined that Warsaw was still waiting for the “United States to make good on the promise by the new administration, independently of the shield plan, to deploy a battery of Patriot missiles”.»
Il faut dire, d’une façon générale, que les nouvelles concernant les Patriot, qui est la préoccupation directe et immédiate des Polonais, ne sont pas vraiment encourageantes. Les Polonais ont plutôt l’impression d’avoir une place bien secondaire dans les préoccupations US, et d’être considérés comme d’éventuels bouche-trous à manier selon des préoccupations qui n’ont rien à voir avec leurs intérêts. Pas très nouveau, ça, pour cette sorte d'“alliance” avec les USA, mais toujours amusant à observer.
«Last month Washington insisted it would push ahead with the Patriot deployment regardless of what happened to the anti-missile plan. But Poland has since been riled by the US side, the Polish daily Rzeczpospolita reported. Rzeczpospolita said that the United States had proposed to temporarily transfer a Patriot battery to Poland, destined only for exercises.
»Speaking in Brussels on Friday, Poland’s Defence Minister Bogan Klich underlined that Warsaw wanted “a fully-equipped battery which could be integrated into the operational air-defence system”. Poland is not an “arms fair” where the US can deploy shop-window hardware, Klich was quoted as saying by Poland’s PAP news agency.»
La partie est très ouverte et l’on ne sait plus très bien qui est la dupe de qui, qui tient le plus l’autre, ou l’un des autres, par la barbichette. Question malaise, ce serait plutôt à l’administration Obama que reviendrait la palme, coincée entre deux engagements absolument contradictoires, – même si l’on peut considérer que la pression polonaise porte moins sur le BMDE lui-même que la gâterie qui l’accompagne (les batteries de Patriot), qui n’est pas censée trop effrayer Moscou. D’une façon générale, notamment avec l’incertitude de la situation iranienne, à laquelle le déploiement du BMDE est liée par la dialectique virtualiste du complexe militaro-industriel qui continue à faire beaucoup d’adeptes à Washington, ce n’est pas le moment d’une décision sur le BMDE, quelle qu’elle soit.
Dans tous les cas, on peut faire deux remarques.
• Concernant les Patriot, cas qui enrage les Polonais, on se trouve devant une situation bureaucratique typique. La livraison définitive est l’objet de tractations diverses entre les diverses agences de la bureaucratie de sécurité nationale à Washington, concernant aussi bien des questions budgétaires que des questions de transferts de technologies et de maîtrise opérationnelle du système. Bien entendu, on comprend les prolongements politiques malheureux. Les Polonais sont furieux de ces atermoiements qui concernent un cas qui n’est pas directement en cause pour les relations Russie-USA; ils sont alors conduits, pour la beauté de l’argument et l’embarras ainsi causé à Washington, à mélanger cette question (les Patriot) avec celle du BMDE, ce qui politise le problème.
• Concernant le BMDE qui enrage les Russes, l’administration Obama temporise mais elle est d’autre part pressée par le calendrier, pour trouver une issue. Obama, qui considère la question du contrôle et de la réduction des armements nucléaires comme essentielle, veut des résultats de principe lors du sommet de juillet qu’il aura à Moscou avec Medvedev. Comment avoir un accord de principe des Russes, ou du moins un accord sur des progrès substantiels, si la question du BMDE n’avance pas de manière substantielle dans un sens satisfaisant pour ces mêmes Russes, c’est-à-dire dans le sens de l’abandon ou du “gel” du programme?
Mis en ligne le 15 juin 2009 à 17H07
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