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414L’expression, “patriotisme économique”, fait suranné, un tantinet franchouillard… Mais il faudrait écrire “faisait”. Dans ce domaine, qui implique une politique industrielle, une protection de certaines industries ou bien une protection tout court de son économie (ce qu’on nomme également: protectionnisme), il court un méchant vent révisionniste. Et il nous vient directement des USA d’Obama, ce qui implique un commencement de début d'une profonde déception de la part des Européens qui ont montré tant d'affection pour le nouveau président.
Divers échos montrent qu’à côté d’une situation économique en très rapide dégradation, et ceci expliquant cela bien sûr, se développe aux USA l’idée d’une protection accrue de la situation économique, notamment des emplois, directement ou indirectement. L’aspect important de la chose est que cette idée ne vient pas de milieux extrémistes ou traditionnellement protectionnistes, mais de milieux modérés et de milieux proches de la nouvelle administration. Un exemple caractéristique se trouve dans un texte de ce 24 novembre, de Steve Clemons sur son site The Washington Note; “caractéristique” parce que Clemons est tout sauf extrémiste, notamment en cette matière, qu’il est influent avec beaucoup de contacts, et habile à mettre à jour des courants encore cachés dans les milieux dirigeants washingtoniens.
Clemons s’attaque aux situations de “délocalisation” des grands groupes US, notamment certains qui demandent aujourd’hui une aide d’urgence du gouvernement fédéral. Il trouve choquant que ces entreprises, qui ont pratiqué une politique de totale absence de solidarité nationale pour la seule recherche de gains faciles, demandent aujourd’hui l’aide du contribuable dont elles ont affaibli la situation, au nom de la solidarité nationale. Ce que réclame Clemons n’est rien d’autre que du “patriotisme économique” de la part des entreprises US, avec l’observation qu’une réglementation répressive serait utile pour les contraindre à l'éprouver. La réflexion de Clemons commence à partir d’une récente rencontre avec une équipe de General Motors, – GM, qui demande aujourd’hui une aide publique de $25 milliards pour éviter la faillite…
«GM's tech team was with us – and we learned about a great number of tax-payer supported national security research technological achievements that could prove useful to the auto industry. I asked whether these acquired technologies would be applied differentially to GM's production base in the U.S. – and whether they would be careful of extending such technology in their China operations.
»The answer was pretty shocking. GM said that it was taking all of the technology it could get its hands on – whether from the labs or elsewhere – and fully deploying it in China. GM felt that this was a way to embed itself deeply in the Chinese economy over the next three decades and would keep the car manufacturer ahead of the more technologically-stingy Japanese firms as well as Daimler and Chrysler which had already had hiccups at that time in their China activities.
»In a different realm, Citibank has been a leader in off-shoring, pushing more and more of its financial services support base overseas.
»Now taxpayers are being asked to bail out these large firms which showed little interest in the economic health of the nation and which engaged in “winner-takes-all capitalism” where those at the top, like Robert Rubin, became mega-wealthy with little regard to the eroding conditions of America's middle class.
[…]
«Then, why isn't anyone asking the question of the CEOs of these firms about what their new social contract with America and working Americans should be after having their companies literally "saved" during this economic crisis? What if we see the funds from the bailouts go to increasing the rapidity of off-shoring to India, China, and elsewhere in Southeast Asia? Will that be the payoff taxpayers are expecting? I don't think so – but few are talking about it.
»Any big loans or bail-out equity acquisitions should come with a fundamental new condition: U.S. job creation and penalties for off-shored positions. That should be the price of dipping into the public coffers – for all firms, whether financial or manufacturing.»
Malgré les récriminations de Clemons sur le manque d’action de la part des dirigeants des USA pour pousser les entreprises à un peu plus de “patriotisme économique”, ou d’un “contrat social patriotique”, il semble que la perception des Européens soit au contraire dominée par la crainte que l’administration Obama soit d'ores et déjà engagée dans le sens général d’un plus grand protectionnisme.
Une analyse de CNN.News, datée du 23 novembre, à Londres (c'est à noter), se fait l’écho des inquiétudes des Européens. Le texte reste volontairement vague sur l'identification de ces Européens mais il est manifeste que le Premier ministre britannique Gordon Brown est le premier sur la liste, et de loin, dans les hypothèses qu’on peut faire. De façon assez caractéristique de la globalité de l'appréciation, l’analyse part d’une critique des interventions de Bush au sommet de Washington (15 novembre) contre l’interventionnisme, puis se développe selon la perception de ces mêmes Européens que l’administration Obama leur paraît peu inclinée au multilatéralisme, notamment à cause de son soutien à une éventuelle action interventionniste gouvernemental en faveur de l’industrie automobile. Dans ce cas, c'est surtout l’aspect unilatéraliste de ces mesures éventuelles qui est dénoncé, et le soupçon très fortement appuyé de protectionnisme que cela fait naître.
»Some of [European leaders] had hoped for face time with Obama, perhaps even a dinner, at the recent Washington economic summit. They were disappointed not to see him and even more that there was no counter from the president-elect to President Bush's pre-summit lecture on the need for governments to interfere in economic matters as little as possible. That is not the current European view at all, and they had hoped it was not Obama's view either. They have also been disappointed by strong hints from the Obama team that he is none too keen either on multi-lateral regulatory reforms.
»The biggest fear for Europeans now scrabbling for clues on his economic intentions is that he will give way to growing pressures in Democratic circles for a more protectionist America. European governments had duly noted that in his acceptance speech to the Democratic convention, a speech designed to reach out to those in blue collar America who had originally seen a stronger appeal in Hillary Clinton, Senator Obama declared: “Unlike John McCain I will stop giving tax breaks to corporations that ship jobs overseas and I will start giving them to companies that create good jobs right here in America”.
»The Europeans would like a little more clarity on trade questions. During the primaries Obama frequently sounded cool on the idea of free trade, perhaps because President George W.Bush has been a keen advocate. The Europeans don't really know whether Obama's coolness came from the soul or whether it was a tactic dictated by his need to reassure working class voters, especially given he has since declared that free trade is “a cause I believe in”.
»What has tended to increase the doubts in their minds is President-elect Obama's backing for the bail-out scheme for America's biggest motor manufacturers like GM and Chrysler. Europeans looking to Mr Obama for a more multilateralist approach to the world's problems have not been heartened by that.»
La situation pourrait paraître singulière puisque les critiques concernent des attitudes pour l’instant hypothétiques. Mais il semble qu’elles sont développées selon des indications précises reçues par les Britanniques, – car c’est bien d’eux qu’il s’agit, – après des approches également précises de leur part de l’équipe Obama. Sous l’impulsion de Brown, les Britanniques veulent un interventionnisme puissant mais coordonné selon une approche multilatérale, et un refus de tout protectionnisme. Sur trous ces points, ils semblerait qu’ils soient en opposition avec l’équipe Obama telle qu’elle apparaît dans le contexte de l’atmosphère de crise aux USA: interventionnisme certes, mais strictement dans un cadre national, éventuellement resserrement de mesures protectionnistes.
Mis en ligne le 24 novembre 2008 à 17H49
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