Pauvre Rebecca

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Les réputations se font et se défont dans le petit monde du JSF et de ses polémiques alentour. On connaît le cas de notre amie Rebecca Grant, confrontée malheureusement à son ami Loren B. Thompson, et découverte comme une sœur jumelle, – ou bien est-ce Loren B. qui serait le frère jumeau? Bref, le texte commun des frère-sœur siamois à la gloire du JSF a également été débusqué par Eric Palmer, sur son site ELP Defens(c)e, le 17 mai 2009.

Voici les trois quarts du petit texte de Palmer, texte vipérin, sans aucun doute:

«Dr. Rebecca Grant has been a researcher on air power issues for many years. She has also been a strong advocate for the F-22. In a recent piece of writing now as a fellow at the Lexington institute, a corporate mouth piece for Lockheed Martin, maker of the F-22 and F-35, Dr. Grant has cut her losses and backed the F-35.

»Not like she has much of a choice working for the Lexington Institute. The Lexington/Lockheed Martin motto is “You are either for the F-35 or you are against us”.

»You would think a fancy firm like the Lexington Institute could at least have some original writing when they mouth piece a product. Here, Loren Thompson, the big guy at the Lexington Institute states several of the exact same words. Who copied from whom?»

Palmer, qui n’a pas sa plume dans sa poche, qui tient un site instructif pour la bagarre du JSF (c’est un adversaire acharné de la petite merveille), n’y va donc pas de main morte. Il nous rappelle tout de même:

• Que le Lexington Institute, que dirige Loren B., n’est qu’un institut “indépendant”, faux-masque de Lockheed Martin, du type, joliment trouvé, “vous êtes pour le F-35 ou vous êtes contre nous”…

• Que Rebecca Grant était (plutôt que “est”) une avocate furieuse et remarquable du F-22, dont nous savons que c’est (“c’était”) un ennemi “objectif” du F-35, et qu’elle ne l’est plus, qu’elle est désormais une partisane soudainement acharnée du F-35…

• Qu’elle (Rebecca) vient d’être engagée par le Lexington Institute comme Senior Fellow, comme ça se trouve.

Ce qui est remarquable dans cette aventure sans divertissement, – l’anecdote Rebecca-Loren B./Lexington Institute et tutti quanti, – c’est la tranquille impudeur qui caractérise ces diverses manœuvres d’intox, d’ailleurs fort grossières et d’une efficacité douteuse, avec leurs divers à-côtés de circonstance comme le débauchage d’une experte peu favorable au F-35, engagée sans doute à grands frais par un institut qui plaide la cause inverse. On avancerait même que l’effet pourrait bien être, justement, inverse; que, bientôt, les arguments pro-JSF du couple Rebecca-Loren B., même les plus fondés, risqueraient d’être considérés avec un scepticisme moqueur à cause de ces circonstances qu’on ne cherche même pas à dissimuler. Ainsi, Rebecca Grant, qui était considérée avec intérêt par Palmer lorsqu’elle plaidait pour le F-22, devient-elle discréditée aujourd’hui qu’elle plaide pour le F-35, par la façon dont, justement, elle a changé son fusil d’épaule. (Alors qu’il y aurait une logique en faveur de son changement d’opinion, logique du réalisme consistant à dire: “puisque le F-22 est perdu, concentrons nos efforts sur la défense du F-35”; d’ailleurs, on perçoit cela dans l’argumentation de Rebecca Grant.)

Il y a une légèreté, une absence des “formes littéraires” dans l’approche de relations publiques, – car c’est bien de la RP, n’est-ce pas, et nullement de l’analyse? – qui est une caractéristique très remarquable du programme JSF et du monde qui l’entoure, – et, bien entendu, de notre système en général. La “littérature” et sa sous-branche de l’analyse sont, dans nombre de cas, annexées par la communication de relations publiques, comme on le sait depuis longtemps. Dans cette transmutation, l’importance de l’objet décrit laudativement et de l’employeur qui ordonne cette description ne laisse évidemment aucune place à la considération de la réalité, pour ne rien dire de la vérité. L’importance et l’urgence du domaine et des causes dont on fait la promotion (le JSF) sont devenues telles qu’on ne prend plus garde à la moindre forme pour tenter de dissimuler cette transmutation et ce qu’elle signifie. La victime de cette tendance est le crédit qu’on accorde à la “littérature” devenue communication, et aux arguments qu’elle avance. Ce crédit se rapproche de zéro, et les acteurs de ces actes de communication sont réduits à mesure. Le programme JSF semble ainsi doué de ce pouvoir magique de transformer tout ce qu’il touche.


Mis en ligne le 20 mai 2009 à 05H52