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484015 mai 2020 – Il y a eu plusieurs occasion ces derniers jours qui m’ont rappelé à un souvenir, et m’ont fait m’interroger sur les intermittences et les absences de la mémoire. Ce n’est pas surprenant puisque l’“étrange époque” est celle du Big Now, du simulacre du “présent éternel”. Trois occasions :
• Le 5 mai 2020, ZeroHedge.com avait une nouvelle, « Elvis était le roi, Ike était président, 116 000 Américains moururent d’une pandémie ». Il s’agit de l’année 1957, lorsque la “grippe asiatique” faisait rage et qu’elle eut son lot de victimes aux USA, dans la même mesure générale que Covid19. Pour être plus précis, cette nouvelle vient de l’AIER (American Institute for Economic Research), le 4 mai 2020, de Jeffrey A. Tucker. On cite cette remarque, extraite du texte :
« Ce qui est remarquable quand on revient à cette année[1957], c’est de constater que rien ne fut fermé. Restaurants, écoles, théâtres, manifestations sportives, voyages, tout a continué sans interruption. Pas de ce cycle d’information fonctionnant 24 heures sur 24, avec des milliers d’agences de presse et un milliard de sites web affamés de trafic, la plupart des gens ne faisaient attention qu'à maintenir une hygiène de base. La presse en a parlé comme d'un problème médical. L’idée qu'il y avait une dimension politique n’a jamais effleuré personne. »
• Le 10 mai 2020, la BBC.Newsmet en ligne une vidéo qui décrit « la grippe de 1957 qui tua un million de personnes ». (*) On a des documents filmés sur cette année de la “grippe asiatique”.
• Le 12 mai 2020, l’un des thèmes de l’émission courante de LCI de 18H00, Les 24 heures de Pujadas, est la pandémie de1957 et celle de 1968 (la seconde est une reprise de la première), et l’interrogation (présente dans les deux précédentes intervention) de savoir pourquoi cette pandémie de la “grippe asiatique”, si semblable à Codiv19, ne provoqua aucun remous dans la communication, aucun remous dans l’économie, à la complète différence des événements actuels. Ce soir-là, sur LCI, on discuta gravement du “rapport à la mort”, qui a changé entre 1957 et 2020 nous a révélé Jérôme Jaffret, et cela serait l’explication des différences de comportement... Un peu court, surtout fondé sur une affirmation gratuite, car le “rapport à la mort” de 1957-1968, civilisation déjà en route vers la surconsommation et les “libérations” diverses (des mœurs, des femmes, des colonies, du tourisme, etc.) était déjà de la même veine que celui de 2020.
Pourquoi tant de temps, dans une actualité qui réclame son dû immédiatement, hystériquement et comme une nausée sans fin sur ce sujet, pour explorer cet événement de 1957 si semblable à celui que nous traversons et pourtant si différent dans son déroulement opérationnel ? Et dans ces conditions, pourquoi cette différence si radicale malgré la si grande proximité ? N’est-ce pas là une question centrale qui concerne l’événement que nous vivons depuis des mois, au moins trois pour mon compte ?
... En effet, et toujours pour mon compte, je me reconnais d’autant plus de droit de poser cette sorte de question que c’est certainement l’une des toutes premières choses qui me soit venue à l’esprit à propos de Covid19, dans ce même Journal, il y a exactement trois mois, ce qui n’est pas rien, avec le texte dit « Épidémie de stupéfaction ».
Pardonnez-moi de me citer, mais il en va ainsi qu’une réflexion d’il y a trois mois, d’un vieux bonhomme qui a des souvenirs de 1957 et encore des velléités de réflexion “à risque” et un peu hors des consignes en 2020, est aujourd’hui complètement d’actualité si l’on se réfère aux événements de communication signalés...
« Il y a eu un certain nombre d’épidémies de mon temps, notamment au XXème siècle, et j’ai l’expérience de l’effet de communication et psychologique de certaines d’entre elles. Je ne vous parlerai pas de l’épidémie de “grippe espagnole” (tout de même un milliard de contaminés et entre 40 et 100 millions de morts selon les évaluations) ; oui, j’étais encore un peu trop jeune, inexpérimenté, la tête ailleurs. Par contre j’ai vécu à l’âge d’une conscience presque déjà faite, ou déjà faite, notamment le temps de la “grippe asiatique” de 1957 (4 millions de morts, venue de Chine, – tiens donc) et celui de la “grippe de Hong-Kong” de 1968 (un à 2 millions de morts, venue de presque-la-Chine, – tiens donc). [...]
» Quoi qu’il en soit, vous voyez, notamment aux chiffres de victimes à une échelle globale, qu’il s’agissait dans le cas de ces épidémies du XXème siècle de choses sérieuses et absolument dévastatrices. Ce dont je puis témoigner “de l’extérieur”, – car je ne me suis pas vraiment intéressé à ces phénomènes mais en étais informé d’une manière générale, puisque déjà attentif aux affaires publiques du monde, indirectement ou directement sinon professionnellement, – c’est que dans aucun cas je n’ai le souvenir de ce déferlement extrêmement rapide sinon quasiment immédiat de préoccupations fiévreuses et parfois paniquées ; d’interprétations extraordinaires et apocalyptiques, de scénarios contradictoires et accusateurs ; avec des hypothèses de “guerre biologique”, de complots, de dénonciations de complotisme, etc. ; d’alertes économiques aussitôt mesurées à des risques d’effondrement catastrophique ; d’appréciations politiques entrant directement dans le jeu de l’affrontement, ou des simulacres d’affrontement des puissances ; avec enfin des perspectives dont certains vont jusqu’à en faire l’amorce de la fin d’une civilisation et de l’effondrement de notre bien-aimé Système.
» Dans mon temps, les événements survenaient, de manière imprévue mais sans prétention comme il sied à un événement. Nous n’y étions pas préparés et nous nous y faisions, nous nous y adaptions, tant bien que mal. Notre esprit n’était pas, en un instant, emporté par la chose, notre psychologie totalement fixée, et notre jugement immédiatement conduit aux hypothèses les plus extrêmes, jusques et y compris la protestation radicale et furieuse d’ainsi céder aux emportements extrémistes.
» En d’autres mots, nous n’étions pas prisonniers des événements, sinon complices de leur aspect dramatique, qui pour le confirmer, qui pour le combattre ; nous étions confrontés à eux et nous en arrangions comme nous pouvions, jusqu’à n’en plus pouvoir comme les plus malheureux dans ces épisodes. C’était le temps du monde qui poursuit sa destinée, la vie avec ses risques, parfois la mort qui termine le récit pour en ouvrir un autre ; mais jamais vraiment l’emprisonnement ni le bouleversement de soi à la seule nouvelle de la chose, à moins d’une confrontation directe. »
A la fin de ce texte, j’avançais l’explication qui me paraissait évidente, qui me le paraît tout autant aujourd’hui, quant à la cause de cette réaction si différente en 2020, de celle de 1957 : celle de nous-mêmes qui serions, qui sommes en attente d’un événement catastrophique : « C’est comme si nous attendions tous ces événement comme une catastrophe inévitable, inéluctable ; comme si nous les appréhendions sans les prévoir, simplement par l’angoisse ou la folie qui nous habite déjà. »
Un peu plus tard, toujours dans ce Journal le 3 mars 2020, je me suis attardé, dans un cadre théorique très impressionnant (le «Quatrième temps crisique », pas moins) sur la cause de ce déchaînement qui a marqué cette pandémie de 2020, au contraire de celle de 1957. Tout cela s’ajuste bien à la cause, en la servant magnifiquement, ce déferlement de la communication, déjà écrasante en arrière-plan dans la page du 15 février citée ci-dessus... On se cite à nouveau, sans vergogne :
« Le système de la communication triomphant signe son empire sur le monde en apparaissant comme un Janus qui poignarde la globalisation dans le dos, répandant partout les alertes et les fantasmes de Covid-19, remplaçant le chaos de 2014-2015 par l’attaque de la contagion, cette Grande Peur des Ancien Temps retournée contre la globalisation de l’hypermodernité elle-même. Les talk-shows et le reste de la caravane médiatique, fleuron du système de la communication plongé dans la dissection sans fin de la pandémie qui nous assaille et de la panique qu’il ne faut pas éprouver, a développé une pandémie pire que Covid-19, – et ainsi a-t-il mis, ce fleuron de la communication, en état d’accusation impitoyable la globalisation elle-même... La globalisation gémissant de douleur et rugissant de fureur ! »
Voilà pour mon compte l’explication de cette crise Covid19 et le reste à suivre, puisque rien n’est fini, au contraire très chère GCES... Soit deux complots parallèles, complémentaires, cheminant côte-à-côte à la vitesse d’un TGV-fou qui suit deux rails parallèles dont il ignore où elles le mènent :
• Le complot de la communication-Janus, qui emporte tout, qui déferle absolument, et qui sied après tout à nos dirigeants, nos zombieSystème paniqués et incapables de n’y rien comprendre, qui ne voient rien venir, qui s’accrochent à la communication devenue folle comme à une bouée de sauvetage. Ce complot-là, automatique, fonctionnant comme une horloge suisse revue par Silicon Valley, vous explique comment la crise Covid19 s’est enflammée aussitôt en un furieux brasier de papotages et de dialectiques chaotiques, comme une pinède provençale après six mois de sécheresse, par mistral gros-temps et ciel d’un bleu d’une sublime densité.
• Le complot de la psychologie absolument collective, qui va piocher dans l’inconscient, sans avoir à creuser, sans besoin de pioche en fait, l’irréfragable attente de l’inexorable crise dont nous subissons chaque jour quelque chose comme une “réplique sismique en amont” avant la décisive, la Grande Crise ES. C’en est bien assez pour aussitôt jouer le jeu du complot précédent et se précipiter sur Covid19 sans nécessité de consulter son “rapport à la mort”, je vous l’assure...
Pour le reste, pour savoir pourquoi nous attendîmes trois mois pour explorer cette année 1957 par rapport à 2020, le Big Now et leur mémoire asséchée et inféconde d’où plus aucune “bête immonde” ne sort puisque seule l’entropisation est autorisée, suffisent pour répondre. Puisqu’ils n’ont plus de passé, pourquoi voudriez-vous qu’ils se rappellent ; tout juste ont-ils l’idée d’aller consulter les archives, et cela prend du temps, au moins trois mois pour notre cas avec les exemples cités.
(*) Ici un millions, sur le Wiki entre 1,5 et 4 millions, pour moi 4 millions comme on disait à l’époque... L’imprécision titanesque des décès dans les pandémies vaut pour tous les temps, et l’on ne peut pas s’en tenir à n’en vouloir qu’aux Chinois de Xi comme si l’on tenait une preuve de leur diabolique culpabilité.
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