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947Une touche locale, française, à ajouter au tableau de la destruction des références au réel. La touche compte peu, le tableau est large et toujours en perfectionnement.
(Dans Alternatives Economiques, 12 février, http://www.alternatives-economiques.fr/disparition-du-cerc_fr_art_633_48107.html?PHPSESSID=f8lr629luutqhufic1m6m4smm1.)
« Mort du CERC : la fin de l'expertise indépendante
[…]
» En 1993, Edouard Balladur en avait rêvé. En 2010, Nicolas Sarkozy l'a fait : dans le silence général, le pouvoir a supprimé de facto le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC). Le Centre d'études des revenus et des coûts – c'était ce que le sigle Cerc désignait à l'origine – avait été créé en 1967 par le général de Gaulle suite à la proposition d'un comité chargé de réfléchir à ce que pourrait être une politique des revenus en France. Présidé par le commissaire au Plan de l'époque, Pierre Massé, son rapporteur était Jacques Delors. La mission de ce premier Cerc : établir périodiquement un état des lieux précis en matière d'évolution des revenus d'activité, financiers et sociaux, ainsi que de la productivité (d'où le terme « coûts »), afin de mettre en lumière les disparités ou les inégalités qui pouvaient exister dans ce domaine. L'organisme publiait des rapports très documentés, qui suscitaient parfois des grincements de dents du côté de nos dirigeants, de gauche (Pierre Bérégovoy), comme de droite (Jacques Chirac).
[…]
» Les lieux d'expertise publique indépendante approfondie disparaissent. Ils ne publient plus que des rapports de facture universitaire que le gouvernement ignore (Conseil d'analyse économique), sont transformés en organismes au service d'une personne (Conseil d'analyse de la société) ou du pouvoir grâce à la nomination à leur tête de militants UMP (Conseil d'orientation de l'emploi, Centre d'analyse stratégique). C'est le signe d'une grave confusion entre légitimité tirée de la compétence et légitimité politique tirée de l'élection (ou de la candidature à l'élection) qui tend à faire de l'analyse sociale un sous-produit de l'engagement partisan. Du coup, alors que notre République est confrontée à des problèmes sociaux d'ampleur, des futilités occupent le devant de la scène médiatique – de la burka au dérapage verbal d'un personnage qui n'en est pas à son premier. Elles permettent d'éviter d'avoir à s'interroger sur le délitement de la cohésion sociale. Mais la politique de l'édredon pratiquée par le pouvoir pour faire taire sans bruit un organisme gênant est manifestement efficace, puisque nul n'en dit mot, aient les incohérences ou les insuffisances des politiques publiques et avançaient des propositions très argumentées. »
“GEO”