Perfection du “modèle libyen” : «…des centaines de petits Kadhafi !»

Bloc-Notes

   Forum

Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 753

La Libye a disparu de nos écrans radar. Les salons sont rassurés, la civilisation OTAN-Sarko est intervenue pour établir la démocratie dans le pays ; cela est fait, et bellement fait, et nous sommes rentrés au pays, – “Mission Accomplished”, en attendant les fruits opulents de la conquête et l’établissement rassurant d’une démocratie modèle. Tout se déroule donc comme prévu, dans l’indifférence générale et à une rapidité qui répond parfaitement au sens que nous éprouvons de l’accélération de l’Histoire…

En effet, puisque “tout se déroule donc comme prévu”, cela signifie en vérité, au contraire, que la Libye s’enfonce avec une vélocité remarquable dans les luttes de clans et de forces concurrentes, dans le désordre et dans le règne des “révolutionnaires” transformés en gangs aux activités variées ; le chaos, par conséquent, de l’Etat en train de devenir “failli” à une vitesse à ne pas croire ; cela, résumé joliment et symboliquement par cette phrase du beau-frère du nommé Omar, racontant l’histoire d’Omar, homme d’affaires de Tripoli kidnappé par un gang de “révolutionnaires” travaillant pour un de ses concurrents qui avait des factures en retard et des vues sur ses bureaux, Omar transporté dans une “prison privée”, menacé de torture, parvenant à négocier sa fuite, pour voir sa famille menacée à son tour, et ainsi de suite, jusqu’à cette remarque que son beau-frère clame au journaliste qui l’interroge, pour résumer le tout… «Can you believe this? We have hundreds of little Gaddafis now!»

Le Daily Telegraph, qui rapporte l’anecdote, suit activement l’évolution de la situation en Libye. Il a déjà fait paraître un article dans ce sens le 31 octobre 2011. Il en publie un autre le 5 novembre 2011.

«Many of Tripoli's residents have had a similar moment of grim awakening in recent weeks. Their liberators, still swaggering around the city in Che Guevara-style berets and armed to the teeth, have not gone back to their home towns as they promised. Nor have they started handing in the guns they used to fight against Gaddafi, as they said they would. “When they said Libya Free, they meant the cars, the refrigerators and the flat-screen television sets,” runs one joke doing the rounds in Tripoli's cafes. Stories of gunmen taking expensive cars at checkpoints, giving receipts saying they will be returned after the revolution, are nervously swapped over cups of tea.

»More alarming than the looting have been the armed clashes between militias. There have been three big fights in the capital alone in the past week; shoot-outs at a hospital, Martyr's Square, and the military airport, which have left several dead and dozens wounded.

»Then there are the detentions. With the fighting over, the revolutionaries have not been idle. They have kept busy rounding up hundreds of suspected Gaddafi supporters in a wide-scale witch-hunt, often on the basis of little more than rumour and accusation.»

Les conséquences de cette situation de désordre grandissant, du point de vue de tous les domaines de la “reconstruction”, comprenant aussi bien le gouvernement, les infrastructures administratives, les structures économiques, et aussi les mirobolantes perspectives de rapports économiques avec l’Occident, tout cela est largement compromis et ne cesse de l’être plus encore jusqu’à enfanter du contraire. Tout, absolument tout manque à l’appel, même les “dividendes” les plus sordides de cette sorte d’entreprise pour les “libérateurs”…

«Libya's problems would not look so dangerous if there was a proper government in place to deal with them. Instead, more than two months since Gaddafi was driven from his capital, there is still a power vacuum. No government has been formed because former rebels cannot agree on how to share out power. The new prime minister, appointed last week, is a professor of electrical engineering originally from Tripoli who spent most of the last three decades at universities in Alabama and North Carolina – and was chosen because he offends nobody. Abdul-Raheem al-Keeb has yet to prove that he isn't more suited to running a university department than a former dictatorship awash with guns and riven with tribal and regional rivalries.

»With expectations sky-high, his inbox is daunting: he has to get the economy going, head off separatists in the east who are talking about setting up their own oil rich mini-state, disarm the increasingly arrogant militias, and organise Libya's first real elections.

»He has been promised help from the West in building a democracy, yet so far there is little evidence of any. The United Nations presence has been kept deliberately small, at the request of the National Transitional Council. Only a trickle of aid workers have turned up, and experts in nation building with experience of Afghanistan and Iraq are notable by their absence. “There is a deliberate effort to avoid the mistakes of Afghanistan and Iraq and not try to get foreigners in to micromanage everything,” said one European Union diplomat last week. “And the Libyans are proud people, they don't want to look like a Third World nation needing a big foreign presence in here.”

»A handful of enterprising foreign businessmen have arrived looking for opportunities, drawn by the prospect of lucrative reconstruction contracts. “We've come way too early, there is no one to talk to yet,” said a frustrated American who spent last week trying to set up meetings with representatives of a Libyan government which does not yet exist. “I will come back in the spring.”»

Résultats ? A côté de l’actuelle Libye, celle de Kadhafi commence à faire désormais figure de paradis perdu. La remarque vaut même pour les pays du bloc BAO, entrepreneurs de guerres soi-disant néocoloniales dont l’effet devrait être de leur amener des avantages économiques et commerciaux et dont l’effet, dans ce cas, est d’affaiblir fortement le montant d’échanges et d’avantages financiers et commerciaux, par rapport au régime précédent. En réalité, la qualification de “guerres néocoloniales” est très largement abusive, sinon simplement fausse. Les guerres coloniales d’antan, quoi qu’on en pense des points de vue politique et moral, étaient organisées, répondaient à un dessein cohérent, aboutissaient à la mise en place de structures et d’organisations cohérentes ; l’affaire libyenne ne montre rien, absolument rien de tout cela, mais un désordre complet, une absence complète d’organisation et même de dessein cohérent, un amateurisme extraordinaire déjà montrée sur le point bien précis de l’organisation du montage de provocation pour justifier la guerre. Les références au passé pour décrire les actes du bloc BAO sont de moins en moins justifiées, l’époque actuelle établissant en réalité des situations complètement nouvelles d’impuissance complète à établir des politiques dignes de ce nom, même des politiques détestables marquées par la seule brutalité, même des politiques à très court terme. Le désordre, l’impuissance de la vision même à court terme, l’esprit court et bas dominent tout.

Ainsi la Libye devient-elle un “modèle” parfait de cette situation, pour la signification qu’on lui prête, et d’ailleurs d’une perfection largement mise en évidence par la contraction du temps, la rapidité historique du schéma qui, dans d’autres cas, prit plusieurs années à se réaliser. Ce modèle parfait est une épure : engagement sur la base de futilités incroyables de dérision, caution internationale immédiatement transgressée pour transformer une légalité boiteuse en illégalité flagrante, projets grandioses d’ambitions mercantiles et ébauches de complots d’investissements et de conquêtes non moins grandioses, tout cela débouchant sur le néant, la déstructuration d’une société dont l’efficacité et la prospérité étaient largement supérieures aux normes de la région, le remplacement d’un régime autocratique par un régime où règne une sorte de “pluridictature”, les dictatures de la division, du désordre, de l’arbitraire irresponsable, enfin un mouvement de déstabilisation de toute une région sans aucun avantage stratégique pour personne. Tout cela en 8-9 mois, avec un nombre respectable de morts, de blessés, en général civils et sans implication dans le conflit, un arbitraire général dans le domaine des libertés, etc. Les responsables initiaux de l’aventure sont partis en proclamant leur “‘triomphe”, et la Libye est en train de disparaître dans le trou noir de la crise générale sous l’étiquette “triomphe du Système”.

Les seules réflexions sensées viennent notamment des milieux de sécurité nationale israélien (ceux qui s’opposent sourdement à toute idée d’attaque de l’Iran par leur pays), qui estiment que la Libye clôt la période des interventions de ce type des pays du bloc BAO. Ce constat est en contradiction flagrante avec les réflexions des philosophes de l’OTAN qui y voient, au contraire, un modèle des interventions à venir de l’OTAN. Les Israéliens ont raison. La Libye marque la fin d’une époque, avec la démonstration complètement achevée de l’échec général d’un Système qui a fort beaux avions de combat, quoiqu’en nombre de plus en plus réduit, mais qui se trouve en processus accéléré de chute, et donc particulièrement occupé par la crise générale qui marque cette chute.


Mis en ligne le 7 novembre 2011 à 06H25

Donations

Nous avons récolté 1560 € sur 3000 €

faites un don