Persiflage et “discorde chez l’ennemi”

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Persiflage et “discorde chez l’ennemi”

La nouvelle attaque terroriste majeure contre la Grande République se nomme Pantybomber et elle paraît semblable en importance, désormais, à Pearl Harbor. Cette “attaque contre les USA” un jour de Noël a été désignée par une professeur de Princeton, amie d’Obama, comme un “cadeau de Noël” que le Père Noël a déposé dans leurs souliers pieusement rangés devant la cheminée commune par les républicains.

«“What the GOP sees as its clear ability to attack the Obama administration is on this question of national security and terrorism. […] At least some members of the GOP clearly saw this as a holiday gift – an opportunity to once again put terrorism on the agenda, someplace they think they are strong,” Melissa Harris-Lacewell, associate professor of politics at Princeton University, said on MSNBC's Rachel Maddow Show.»

Ainsi soit-il, certes.

Les commentaires sur cette affaire ont formé en quelques jours une tornade médiatique qui secoue la Grande République, par conséquent une vraie crise de la présidence et de l’appareil de sécurité US. Le persiflage massif dans la plus grande confusion de la valeur des arguments est de rigueur, avec le pauvre Obama et sa non moins malheureuse secrétaire de la sécurité Janet Napolitano comme cibles principales. Un complot? Peut-être, mais des “complots” de cette sorte faites-en autant par semaine qu’il y a de jeudis dans la semaine des quatre jeudis… Comme traitement par l’entretien maximal de la schizophrénie et de la paranoïa, avec les dégâts qui vont avec, l’on vit rarement plus radical.

• Le 30 décembre 2009, le Wall Street Journal nous donnait «A Guide to the Blame Game Following Failed Terror Attack». C’est une sorte de glossaire reprenant toutes les nuances dans les attaques, critiques, etc. qui ont suivi cette “attaque contre les USA” de Pantybomber”, ce Pearl Harbor de la Noël 2009.

• Pour le persiflage avec toute l’élégance requise, lisez Mark Steyn, fameux néo-conservateur, dans le Orange County Register du 1er janvier 2010. (Le souligné est de l’auteur, soulignons-le.)

«On Christmas Day, a gentleman from Nigeria succeeded (effortlessly) in boarding a flight to Detroit with a bomb in his underwear. Pretty funny, huh?

»But the Pantybomber wasn't the big joke. The real laugh was the United States government. The global hyperpower spent the next week making itself a laughingstock to the entire planet. First, the bureaucrats at the TSA swung into action with a whole new range of restrictions. Against radical Yemen-trained Muslims wearing weaponized briefs? Of course not. That would be too obvious. So instead they imposed a slew of constraints against you. At Heathrow last week, they were permitting only one item of carry-on on U.S. flights. In Toronto, no large purses…»

• Ou bien, lisez ce commentaire du site War News, ce 1er janvier 2010 – un site qui tient à jour une multitude de liens sur les questions liées à l’engagement militaire US de par le monde et dont l’orientation est celle de la droite républicaine ultra-dure et très sérieuse – celle qui voit vraiment la menace terroriste du reste du monde sur le point de détruire la Grande République.

Il y a d’abord une citation de Charles Krauthammer, autre fameux neocon, ce même 1er janvier 2010.

«The reason the country is uneasy about the Obama administration's response to this attack is a distinct sense of not just incompetence but incomprehension. From the very beginning, President Obama has relentlessly tried to play down and deny the nature of the terrorist threat we continue to face. Napolitano renames terrorism “man-caused disasters.” Obama goes abroad and pledges to cleanse America of its post-9/11 counterterrorist sins. Hence, Guantanamo will close, CIA interrogators will face a special prosecutor, and Khalid Sheik Mohammed will bask in a civilian trial in New York – a trifecta of political correctness and image management.»

Puis le commentaire de War News. Le persiflage est devenu absolument tragique.

«Charles Krauthammer is not the only one who is finding the actions of the White House incomprehensible. My contacts outside of the U.S. .... Canada, Asia, Europe, and (specifically) Russia .... they are all shaking their heads in wonderment, questioning if the U.S. administration is truly aware of the consequences of their actions and its long term implications.

»As for myself, living in Canada gives me a viewpoint that is out of the beltway and the bubble that it creates. I tell critics of the President that we must reconcile ourselves with the fact that President Obama and his Democrat allies received a huge mandate from the American people for change .... and change is what he and Congress are now delivering. If it works .... he deserves the accolades and kudos for his foresight and vision. If it fails .... and it almost did on Christmas Day .... condemnation and denunciation will be the order of the day.

»I learned a long time ago that the American public and the politicians that they elect are a fickle group .... and they will always give the politicians that they elect a few years to implement and initiate their policy .... for better and/or for worse. The only thing thing that we on the opposite side can do is point out why this is wrong, and hope that in the long run our worst nightmares do not become today's headlines.»

Discorde chez l'ennemi

La “discorde chez l’ennemi”? Certes, plus que jamais, avec une ampleur incroyable, un déchaînement extraordinaire, et dans sa version “persiflage et confusion”. Devant cela, l’administration Obama est absolument tétanisée, complètement sur une défensive désespérée, découvrant avec horreur que ces attaques mettraient en doute dans l’esprit des patriotes de l’américanisme sa volonté de tout faire pour imposer la sécurité made in USA de par le monde, avec la guerre, avec les bombes, avec la CIA et ses habiletés sans fin, avec les allures martiales de notre nouveau “président de guerre”. Mais non, rien à faire. C’est dit, Obama est soft, et les républicains s’en donnent à cœur joie, avec leurs pointeurs-artilleurs neocons tout auréolés de leurs justes prévisions et de leurs judicieux conseils pour l’Irak, l’Afghanistan et le reste… Et pour le Yémen d’ailleurs, aussi, en plus; car pourquoi n’attaque-t-on pas le Yémen, grands dieux? Steyns a dans sa manche quelques objectifs prioritaires qui feraient bien l’affaire des drones de la CIA, dont on mesure chaque jour l’efficacité à la frontière pakistanaise. Comment ne pas s’appuyer sur l’extraordinaire efficacité de la puissance US, sur sa capacité à écraser le terrorisme depuis neuf ans? Comment est-il possible de ne pas taper?

Il y a – une fois de plus notre réaction coutumière – “quelque chose de fascinant” à observer le délire imprimé, parlé, hurlé, filmé, singé, pourtant argumenté, rationnel, sécuritaire, dans lequel est entré le monde de la communication US – mais ce “quelque chose de fascinant”, nous ne vous le cachons pas, d’une bien colossale dimension. Que l’“affaire Pantybomber” devienne quasiment une crise à Washington, alors que nous n’attendions, ou espérions qui sait, qu’un tranquille épisode de plus de “la discorde chez l’ennemi”, porte une leçon, là aussi toujours la même dans cette étrange époque, mais encore renforcée. Tout cela montre que nous devons conduire notre réflexion, et en cela compris notre penchant à la prospective, par l’attente permanente, lorsqu’il s’agit des réactions du cœur de notre civilisation qu’est l’américanisme, d’événements inattendus et caractérisés par la surprise, l’incongruité énorme, le grotesque colossal; et tout cela, ces choses imprévues, effectivement impossible à prévoir tant la réalité ne cesse de dépasser et de devancer nos pauvres capacités fictionnelles. La vraie prospective est donc, aujourd’hui, de savoir ne rien prévoir, et surtout rien de précis dans les événements, et de tenter d’embrasser la signification de cette imprévisibilité, de la confronter avec les événements en question lorsqu’ils se sont produits.

La cible principale est évidemment Obama et nullement al Qaïda, parce que, évidemment, plus il en fait (voir l’Afghanistan) et plus il en fera, plus il lui en sera demandé et plus il sera attaqué, pour Pantybomber aujourd’hui comme, demain, pour les chutes de neige abondantes venues probablement d’un procédé chimique développée par al Qaïda. Le parti républicain, avec en flanc-garde les neocons bénéficiant ainsi d’un congé temporaire de l’asile de leur incompétence où ils avaient été relégués, se déchaîne parce qu’il tient un os superbe et imprévu à croquer, en l’occurrence son “cadeau de Noël”. Mais il n’y a pas qu’opportunisme et cynisme politiciens, il y a aussi une véritable croyance que cette attaque-complot ratée est effectivement une sorte d’équivalent de Pearl Harbor. Au-delà, il y a véritablement la croyance que le terrorisme est encore et toujours une, sinon la menace existentielle contre les USA, peut-être la menace existentielle par essence; cela implique une telle bouffonnerie dans le jugement qu’on se trouvera évidemment confirmé dans notre propre jugement sur l’état d’une pathologie très avancée dans le chef de la psychologie américaniste. (L’on observera que toutes ces remarques valent également dans le cas de l’hypothèse ou des hypothèses de complots, pour cette attaque comme pour d’autres, car l’attaque provoquée devient un moyen d’éveiller l’inconscience du public et de telle ou telle administration devant cette “menace existentielle” contre laquelle on ne lutte pas assez, pas du tout, pas à la folie…)

Continuons à développer notre logique de leur folie. Ce tintamarre extraordinaire pour sauver l’Amérique de cette menace existentielle passe par la mise en cause radicale de l’administration Obama, si pleutre, si mièvre, si soft, pas loin de la trahison. (BHO est-il un agent infiltré, un Manchurian President?) L’hystérie paniquarde et patriotarde rejoint l’hystérie de l’attaque politicienne alimentée par les soutiens des lobbies et avec un œil torve sur les élections de novembre 2010 (Oh boys, ça va chauffer!). Tout cela nous conduit à observer la mise en pièces et l’outrage sans retour fait à l’un des principes sacrés du système, qui est la rassemblement autour du président en cas de danger de sécurité nationale – même si le danger est fabriqué, comme c'est la coutume postmoderniste. Cette solidarité fondamentale de l’américanisme n’est plus qu’un lointain souvenir et un sujet de plaisanterie. Le système de l’américanisme a perdu tous son sens des responsabilités, pour lui-même, pour sa cohésion, pour son efficacité. Les attaques contre “le commandant-en-chef”, alors qu’on présente sans moindre préoccupation pour le grotesque de la chose Pantybomber comme une narrative type-Pearl Harbor, sont d’une violence inouïe quoique désormais habituelle. Rien de bipartisan, rien de l’“union sacrée”, ciment de ce système qui n’est fondé sur aucune assise régalienne et qui doit impérativement s’adosser à cette solidarité salvatrice de tous les partis et parties qui le composent lorsque le danger commun apparaît. Aux tares originelles qui le structurent, le système de l’américanisme ajoute aujourd’hui, poussées à un degré extrême, remarquable de puissance et d’inconscience, toutes les tares de la décadence d’un système originellement vicié.

…Là-dessus, ajoutez que plus personne ne se préoccupe de l’Iran, qui va nucléariser Israël à moins que le régime des mollahs soit emporté par la démocratie; ni de l’Afghanistan, où les réseaux de renseignement “Charles Martel” de l’OTAN prévoit la possible installation prochaine d’un califat afgha-pakistanais dont la capitale Kaboul pourrait être rebaptisée Potierstan… Gone with the wind.

 

Mis en ligne le 2 janvier 2010 à 09H56