Personne n’a une chaise pour le président Obama?

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Le Washington Times termine son éditorial par un glacial «The American Century is over». L’intérêt des détails qu'on y trouve nous conduit à revenir sur la conférence de Copenhague, au travers de cet éditorial du 23 décembre 2009. On y voit, décrit avec des détails étonnants, comment Barack Obama fut une “vedette” inattendue de la conférence en ce sens qu’il fut celui qu’on évita le plus dans les couloirs et dans les entretiens, à qui l’on posa des lapins, dans le dos duquel on improvisait des conférences...

Ainsi, lisez le récit de cette conférence à quatre (Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud) à laquelle Obama s’invita de force après s’être vu refusé diverses rencontres avec les uns et les autres de ces participants sous des prétextes fallacieux… Etonnant et révélateur.

«After Mr. Obama's bilateral meeting with Chinese Premier Wen Jiabao, the Chinese began sending lower-level functionaries to the multilateral meetings. A frustrated Mr. Obama pressed for another bilateral meeting, which was scheduled for Friday at 6:15 p.m. Other leaders of the countries known as the “BASIC” bloc were harder to pin down.

»The Obama team tried to schedule a meeting with Indian Prime Minister Manmohan Singh and was told he was at the airport readying to leave. Brazilian President Luiz Inacio Lula da Silva also was unavailable. South African President Jacob Zuma said there was no point meeting without India and Brazil. Then the Chinese pushed the bilateral meeting back to 7 p.m.

»“We were told they were at the airport,” a senior administration official said. “We were told delegations were split up. We were told they weren't going to meet.” So imagine Mr. Obama's surprise when he arrived for the bilateral powwow and found all four leaders in the room already in deep discussion. “Are you ready for me?” he said with an “uncharacteristic edge” to his voice, according to a CBS News report.

»“We weren't crashing a meeting,” an Obama flack later explained defensively. “We were going for our bilateral meeting.” But that didn't stop him from walking in where he wasn't invited. Clearly, Mr. Obama learned a few things from his own White House party crashers.

»There was no chair at the table for Mr. Obama so he announced he would sit next to his “friend Lula,” whose staff had to scramble to make room for the president and Secretary of State Hillary Rodham Clinton. On Monday, Mr. da Silva used his weekly radio program to rebuke the United States for its stance at Copenhagen.

»After Mr. Obama arrived, the BASIC group was basically held hostage. They had tried politely to keep Mr. Obama at arms length, but since he showed up, decorum mandated that they find a way to save face…»

Le reste à l’avenant, la tentative d’Obama de sauver la face, sa conférence de presse, l’accord historique que personne n’est obligé de signer et qui n’est aucunement un accord, qui n’impose rien du tout et ainsi de suite. Le Washington Times ne prend pas de gants pour dire son fait au président des USA, dont il est l’adversaire politique, et qui le reste même lorsqu’il s’agit de rencontres internationales où l’humiliation du président revient à l’humiliation des USA… «The Copenhagen conference was a lesson in power and humility. […] Mr. Obama did make history at Copenhagen, but not in the way he expected. It says a great deal about American power and prestige when international leaders go to so much trouble to avoid meeting with the president of the United States. The American Century is over.»

Notre commentaire

@PAYANT Ce texte déjà vieux de cinq jours vaut la peine d’être ressorti pour les détails qu’il nous présente sur l’humiliation du président des USA. Bien loin de l’interprétation décidément bien trop trop unilatérale et anglo-saxonne de Mark Lynas sur le prétendu complot chinois, il nous confirme, avec des détails absolument surprenants, deux points effectivement fondamentaux de la conférence de Copenhague qu’on retrouve dans nos deux F&C cités en tête de cette note. (En plus de nous apprendre certains inédits également surprenants: on connaissait le groupe “BRIC” [Brésil-Russie-Inde-Chine], mais nous apprenons, pour notre part, l’existence du groupe “BASIC” [Brésil-Afrique du Sud-Inde-Chine].)

• Etonnant séjour du président des USA, organisé on ne sait comment, avec des rendez-vous qui relèvent des rencontres d’experts novices en marge d’un séminaire improvisé. Il semble que la seule rencontre sérieuse ait été celle de Medvedev dans la journée du 18 décembre, avant le départ de Medvedev, parce que les deux présidents de la Russie et des USA ont une affaire sérieuse en cours (le traité START-II de réduction des armements stratégiques). Pour le reste, effectivement, quelle différence avec le G20 de début avril à Londres, ou le sommet des Amériques du même mois d’avril 2009 où Chavez et Lula se pressaient auprès d’Obama. Il semble que toute l’ivresse et toute l’espérance qui s’attachaient à l’arrivée d’Obama à la Maison-Blanche soient complètement dissipées. Sans doute s’agit-il de l’effet combiné de l’absence de résultats au Moyen-Orient et des reculs d'Obama devant Israël, de l’intensification de la guerre en Afghanistan, de l’enlisement sinon l’aggravation des négociations avec l’Iran – un ensemble de décisions et de mesures qui semblent trancher avec les six premiers mois de la présidence pour nous offrir une réplique de l’administration GW Bush, ou plutôt la reprise en mains de la situation par le système et ses pesanteurs diverses.

• Le désordre de Copenhague n’est pas un cliché facile et sans substance mais une réalité évidente, qui se dégage comme deuxième et très puissante confirmation de la rencontre de Copenhague, qui confirme et renforce l’isolement du président Obama, lui-même partie de ce désordre. La situation se retrouve également dans l’organisation elle-même, où les Américains ont eux-mêmes leurs responsabilités. Comment est-il concevable, pour l’équipe US, d’arranger des rendez-vous manqués avec le président brésilien, avec le président sud-africain, de s’entendre répondre que l’un est à l’aéroport prêt à quitter Copenhague et l’autre introuvable, alors qu’ils sont en une réunion improvisée?

L’isolement des USA et le désordre du monde sont-ils deux expressions pour désigner la même situation? Il le semblerait, et l’on irait même jusqu’à se demander si l’on ne trouve pas là la confirmation que le désordre serait moins grand si les USA ne prétendaient pas vouloir continuer à jouer un rôle prépondérant et de direction. Manifestement, ils n’avaient absolument pas préparé cette réunion, et ils n’ont réussi à rien forcer. Ceux qui se plaignent d’une certaine absence de l’Europe en tant que telle à cette conférence feraient aussi bien de s’en arranger cette fois sans trop la regretter: qu’aurait été faire une sorte de “président européen” dans cette sorte de réunion à 4 passant à 5, sans chaise pour Obama, pour accoucher d’un texte insignifiant, réduisant la “global governance” et son prétendu leader à un jeu d’ombres incertaines? C’est certes la fin de l’American Century mais c’est surtout l’installation du désordre comme legs de l’American Century. Ce legs est d’abord la conséquence de la prétention US à vouloir poursuivre épisodiquement son rôle hégémonique alors que les instruments de cette hégémonie sont en pleine décadence, alors que cette hégémonie n’a plus aucune justification internationale.


Mis en ligne le 28 décembre 2009 à 05H44