Petite leçon d’histoire par le professeur Krugman : nous ne sommes pas en 1929

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Pour comprendre le véritable sens de la crise actuelle, pour la dégager de sa gangue d’économisme qui en limite le sens justement, il est nécessaire de se référer à l’histoire plus qu’à l’économie. C’est ce que fait Paul Krugman, le 21 mars, dans l’International Herald Tribune. En un mot: nous ne sommes pas en 1929, contrairement aux images qui viennent trop rapidement sous la plume du commentateurs.

«If Ben Bernanke manages to save the U.S. financial system from collapse he will – rightly – be praised for his heroic efforts.

»But what we Americans should be asking is: How did we get here?

»Why does the financial system need salvation?

»Why do mild-mannered economists have to become superheroes?

»The answer, at a fundamental level, is that we're paying the price for willful amnesia. We chose to forget what happened in the 1930s – and having refused to learn from history, we're repeating it.

»Contrary to popular belief, the stock market crash of 1929 wasn't the defining moment of the Great Depression. What turned an ordinary recession into a civilization-threatening slump was the wave of bank runs that swept across America in 1930 and 1931.

»This banking crisis of the 1930s showed that unregulated, unsupervised financial markets can all too easily suffer catastrophic failure.»

C’est une précision historique que nous répétons souvent sous diverses formes: le Great Crash d’octobre 1929 n’est pas la Grande Dépression. Il y eut, notamment, entre les deux événements un réel redressement de la situation financière. Le mystère historique de la Grande Dépression, qui nous fait nous-mêmes privilégier l’hypothèse de l’effondrement psychologique, est celui de cette la chute vers la crise fondamentale commençant seulement à l’été 1930 après le redressement du printemps 1930 qui suivit octobre 1929.

Ayant remis la chronologie historique à l’heure, Krugman redevient économiste pour nous expliquer le processus qui, entre 1930 et 1932, conduisit à l’effondrement total d’un système, conduisant les USA et le capitalisme au bord de la désintégration. Pour lui, nous sommes plutôt en 1930 («In fact, however, we were partying like it was 1929 – and now it's 1930»), et plutôt dans la deuxième partie de 1930 quand le système bancaire US commence à s’effriter. La cause est alors évidente: l’absence de régulation qui laisse le système, les banques, les dépositaires, etc., sombrer dans l’anarchie et dans la panique. Ce n’est qu'en 1933, avec l’entrée en fonction de FDR (5 mars 1933) et le vote quasi-immédiat (9 mars 1933) d’une législation de contrôle du système bancaire par le Congrès, que la tendance catastrophique commence à être stoppée.

Sur ce point, nous différons de l'appréciation de Krugman. Nous croyons que, du point de vue de l’appréciation psychologique de la situation, nous sommes effectivement en 1933, quand on réalise que seule une régulation des pouvoirs publics peut stopper la crise. Nous sommes “en 1933” car nous avons déjà, aujourd'hui, des signes et des actes nombreux d’interventionnisme des pouvoirs publics. La question fondamentale est bien: ne sommes-nous pas dans un 1933 devenu impuissant? C’est-à-dire, sachant la nécessité de l’intervention, mais n’agissant pas ou ne pouvant pas agir assez vite et assez fortement, par manque de moyens, de volonté, parce que la situation est infiniment plus complexe et infiniment moins contrôlable, parce que le système est infiniment plus perverti.


Mis en ligne le 22 mars 2008 à 12H44