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1632Cette fois, notre contribution à cette sorte d'Ouverture Libre que nous pratiquon sera remarqublement courte, pour des raisons évidentes. Il est vrai que nous avions un peu oublié dans nos tiroirs cette interview du personnage, – Philippe Grasset, dit-PhG, – faite par RT-France le 9 février, c’est-à-dire il y a une semaine. Était-ce, cet oubli, qui est bien réel et nullement dit pour la forme, – par inadvertance, par inattention, par goût du paradoxe ou par difficulté à se dédoubler entre le rôle d’éditeur d’un site et celui d’invité dans ce site ? On laissera le lecteur juge puisque nous-mêmes ne tranchons rien à cet égard.
Voici donc l’interview où PhG reprend sa thèse principale sur la situation de la politique dans le monde, qui est l’absence complète de contrôle opérationnalisée par le “tourbillon crisique” caractérisant la situation de cette politique. Dès lors, les jugements portés sur Erdogan et sa soi-disant politique doivent être pris comme relatifs à cette situation, c'est-à-dire avec le jugement qu'il s'agit de réactions tactiques et d'humeur (selon la psychologie du personnage) souvent improvisées, guidées par l'intérêt immédiat et formulées d'une façon particulirement brutale, et nullement d'actions découlant d'une stratégie à longue vision. Nous avons modifié, avec l’accord obtenu sans difficulté de l’interviewé, le titre de RT-France qui était « Erdogan est entraîné dans le tourbillon d’une politique que personne ne contrôle ». Cette modification a d’abord des raisons techniques mais elle a aussi une signification conceptuelle puisqu'elle renvoie, dans ce nouvel énoncé, à ce thème central du “tourbillon crisique” développé (encore hier) sur notre site.
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RT France : « Selon les révélations du site grec ‘euro2day.gr’, le président turc Recep Tayyip Erdogan aurait menacé d’inonder l’Europe de migrants lors de sa rencontre avec les dirigeants européens en novembre dernier. Est-ce que vous pensez que cela aurait pu se passer dans la réalité ? »
Philippe Grasset : « Bien sûr. Je pense qu’avec les dirigeants qu’on a et qu’avec les non-politiques qui sont suivies, tout, absolument tout est possible. Donc, je dirais que ce genre de propos n’a rien d’étonnant. On a vu un peu la même chose, dans un autre style, de la part des dirigeants européens vis-à-vis de la Grèce il y a six ou neuf mois. Ils parlaient exactement de la même façon, comme des maîtres chanteurs prêts à déclencher des événements terribles. Oui cela aurait pu être possible, ce serait encore possible et c’est encore possible, à mon avis. »
RT France : « Selon l’un des rapports de l’Union européenne, le flux de réfugiés n’a pas diminué depuis cette rencontre de novembre entre les dirigeants européens et le président turc. Pourquoi ? »
Philippe Grasset : « Je me demande si le président Erdogan contrôle quoi que ce soit, si on manipule ou pas le flot des migrants. Je ne pense pas qu’on puisse introduire une rationalité dans cette question-là. Vous avez des dirigeants qui ont totalement perdu le contrôle de la réalité, qui s’échangent des menaces ou des propos de ce genre. Et à côté de ça, il y a des événements que personne ne contrôle et qui vont de l’avant. Donc, cette évaluation-là est tout à fait possible, comme elle pourrait être exagérée. Je suis prêt à envisager absolument toutes les possibilités. »
RT France : « Pourquoi pensez-vous que l’Europe cède au chantage du président turc ? »
Philippe Grasset : « Je ne sais pas si elle cède au chantage. Elle ne sait pas quoi faire. Il y a une catastrophe, qui est en train de miner l’Europe avec les réactions de toutes les populations, que ce soit en Allemagne, en France, etc. Elle ne sait pas quoi faire. Donc, elle sort son argument habituel : l’argument de l’Union européenne, c’est l’argent, c’est les milliards d’euros et elle se dit qu’avec ça, Erdogan va être amené à composer et qu’il va réussir à résoudre le problème qu’il aurait lui-même créé. Mais en fait, ce n’est pas lui qui l’a créé. Ce sont des années de politique occidentale, notamment vis-à-vis de la Syrie, etc. Vous êtes dans un enchaînement de causes à effet dont on a perdu la cause initiale et que plus personne ne contrôle. L’Union européenne, elle, fait ce qu’elle peut. »
RT France : « Fin janvier, il y a eu une rencontre entre responsables américains et le parti de l’unité de protection du peuple (YPG), dans la ville syrienne de Kobané. A l’issue de cette rencontre, Recep Tayyip Erdogan a demandé à Washington de choisir entre lui et les “terroristes kurdes”. Quel choix sera d’après-vous celui des Etats-Unis ? »
Philippe Grasset : « Ils vont répondre “oui”, puis ils vont répondre “non”, et puis ils vont répondre “peut-être”, et puis ils vont agir ou ne pas agir, on ne sait pas. Ils vont avancer dans un sens et puis dans l’autre… Ils vont continuer à faire ce qu’ils font depuis des mois et des mois et des années et des années, c’est-à-dire tout et son contraire, faire beaucoup en ne faisant rien, essayer de calmer Erdogan tout en le condamnant par ailleurs… Voilà, c’est ça la politique américaine, autrement dit, un désordre complet qui complète bien la situation générale. Je ne crois absolument pas qu’ils puissent répondre d’une façon claire et nette à Erdogan. Ils vont, une fois de plus, essayer de noyer le poisson. Erdogan va plus ou moins l’accepter parce qu’il n’a pas les moyens de faire autrement et le désordre va se poursuivre. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de monde qui ait une politique nette, à part peut-être les Russes, les Israéliens et c’est à peu près tout. Le reste se débat dans une espèce de désordre et les Américains sont vraiment les maîtres du désordre. »
RT France : « Comment est-ce que la Turquie va évoluer sur la scène internationale si elle n’est plus considérée comme un allié fiable de l’Occident ? »
Philippe Grasset : « Je pense que Erdogan n’a fait qu’une seule erreur fondamentale : c’est le fait de se mettre la Russie à dos. Je pense qu’il avait un axe important de stabilité qui était ses bonnes relations avec la Russie. C’était quelque chose de solide. Il a cassé ça d’une façon définitive, parce que je pense que les Russes ne reviendront pas sur ce qui s’est passé. Autrement dit, il est maintenant entraîné dans le tourbillon général et se retrouve effectivement mis en accusation par les Occidentaux – pas d’une façon ouverte, mais d’une façon feutré. Cela veut dire qu’on va essayer de lui tendre des pièges, mais ce ne sera jamais clair et franc, parce que personne ne pourra jouer clairement et franchement dans le désordre actuel. Erdogan est donc entraîné dans le tourbillon d’une politique que personne ne contrôle. Donc effectivement, ça va lui causer certains ennuis. Il ripostera comme il pourra, avec des menaces de chantage, comme il a déjà fait, et ainsi de suite. »
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