Piraterie britannique en action

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Le communiqué discuté pour le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE d'aujourd’hui à Bruxelles comprenait (comprend? – on verra) un paragraphe sur l’intention de faire progresser l’étude d’un nouveau “concept stratégique” pour l’UE. Il s’agit de remplacer l’actuel concept, vieux de quatre ans, en fonction des “nouvelles menaces”, “nouveaux enjeux”, etc. Ce sont les Français qui ont introduit ce paragraphe avec des propositions assez radicales, et cela était largement considéré comme une amorce de leur présidence de juillet-décembre 2008 dont on sait que l’accent sera mis sur la défense européenne. («J’espère que c’est une amorce, dit une source européenne, et pas l’essentiel de leurs propositions pour leur présidence en matière de défense européenne. Dans le premier cas bonne manoeuvre, dans le second présidence décevante en vue»).

Les discussions allaient leur train dans les réunions préparatoires. Quelques pays élevaient des objections et les Français n’appuyaient pas trop. («On avait plutôt l’impression que c’était un test pour les Français, dit notre source, pour se compter, pour voir sur qui ils pouvaient compter, etc., mais qu’éventuellement ils ne se battraient pas à mort pour faire adopter ce texte»). C’est alors que les Britanniques intervinrent dans la discussion. Ils argumentèrent, avec du pour, du contre, etc., dans leur style habituel, à partir de ce que tout le monde comprit être la version anglaise du texte français auquel ils proposaient des aménagements. On les suivit sur cette voie de la discussion, adoptant de facto leur version en anglais comme épousant le texte original français pour les points qui n’avaient pas été en discussion.

Le lendemain (hier), certains fonctionnaires et autres se penchèrent sur les résultats de ces délibérations. C’est alors qu’une chose apparut chez l’un ou l’autre solitaire, qui confrontèrent bientôt leur trouvaille: le texte anglais “original”, qui avait été pris comme une version en anglais pour l’essentiel du texte français, comportait en réalité des différences très substantielles qui n‘avaient nullement signalées, encore moins discutées. Une phrase importante avait été enlevée. Des modifications de sens avaient été introduites. La piraterie britannique avait été bien conduite: substituer un texte à l’autre à l'occasion du changement de langue, avec l’écran de fumée d’une discussion aimable et raisonnable, y compris quelques réserves pour rester très britanniques, portant sur la version trafiquée qui était ainsi prise par automatisme de confiance comme respectant dans sa forme originelle l’esprit de la proposition française originale, en français.

L’affaire est remontée jusqu’à la présidence (portugaise). Malgré l’amitié traditionnelle unissant les Portugais aux Britanniques, la présidence portugaise était furieuse et elle a exprimé officieusement cette très grande indignation aux Britanniques. Certains crurent pouvoir préciser que les Portugais allèrent même jusqu’à menacer de rendre public le subterfuge de la piraterie britannique.

On suppose que la chose s’est arrangée (s’arrangera). On verra. La leçon à tirer concerne plus la méthodologie que le fond de l’affaire. La Royal Navy avec ses habitudes de piraterie n’a pas encore complètement disparu dans le trou noir des compressions budgétaires.


Mis en ligne le 14 décembre 2007 à 18H19