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967L'on sait depuis fort longtemps, sans le proclamer sauf par périodes, que la question de la souveraineté de l’acheteur-utilisateur non-US de l'avion de combat JSF est un des sujets majeurs du débat autour du programme JSF. Les Britanniques avaient même inventé un terme à ce propos, – “souveraineté opérationnelle”, exprimant par là qu’ils désiraient au moins avoir la maîtrise de leurs éventuels JSF en cours des opérations aériennes courantes. Les années 2006 et 2007 furent animées par ce débat entre les Britanniques et les Américains. Il est loin d’être assuré, et nous parierions même sur le contraire, que les Britanniques aient obtenu gain de cause. Ce qui suit rend notre pari assez peu risqué.
L'on sait depuis plusieurs mois que les Israéliens rencontrent le même problème, et qu’eux aussi se trouvent devant le même diktat américaniste. Un article du Jerusalem Post du 7 mai 2009 nous instruit sur la chose d’une façon détaillée.
«Defense officials told The Jerusalem Post on Thursday that talks between the Israeli defense delegation in Washington and the Pentagon have picked up speed in recent weeks but have yet to result in agreement due to the US's refusal to grant Israel access to the plane's internal computer mainframe. The Americans are concerned that by allowing Israel to independently repair the computers, the Israel Air Force will get its hands on the classified technology that was used to make the plane.
»Israel, on the other hand, has argued that due to its operational requirements it needs to have the ability to repair damaged or broken computer systems in “real time” and cannot wait for a computer system to be sent to the US for repairs in the middle of a war.
»The Americans have told Israel it will receive a number of spare computer systems that it could install in place of a damaged system but would still have to send the damaged system to the US for repairs. “This is the core of the disagreements right now,” explained one senior defense official. “We have major operational constraints and need to have the ability to repair the systems on our own.”
Ces précisions sont particulièrement intéressantes et révélatrices. Elles nous informent de façon précise à propos des restrictions que les USA entendent imposer à leurs partenaires étrangers. Il va sans dire, – mais disons-le tout de même, – que les restrictions imposées à Israël représentent le “haut de gamme” en la matière. Selon ce qu’on sait des relations entre le Pentagone et les militaires US, il est évident que personne n’aura ce que les Israéliens n’auront pas. Les restrictions faites à Israël représentent ce que le Pentagone n’acceptera de donner à personne, dans aucune circonstance. (Les restrictions portent certes, pour ce cas, sur la seule électronique, mais l’omniprésence de cette fonction dans le système JSF est telle que ces restrictions définissent quasiment l’ensemble du spectre d’intervention opérationnel de l’avion.)
Ce domaine étant clairement défini, les précisions sont complètement stupéfiantes. Il apparaît clairement que la main-mise US sur les JSF exportés ne sera pas loin d’être totale. A cette lumière, la fable de la “souveraineté opérationnelle” récitée par les Britanniques en 2006-2007 fait sourire. Les utilisateurs non-US du JSF n’auront aucune souveraineté de quelque ordre que ce soit sur leurs avions, – sinon celle de le payer, à un prix non encore défini. (Tiens, l’article du Post en rajoute sur le prix, en passant; alors qu’il était question jusqu’ici d’une “offre” de 75 exemplaires pour $15 milliards, on écrit maintenant: «…75 aircraft in a deal that could reach close to $20 billion.»)
Cette situation est rocambolesque, et il est tout à fait étonnant qu’une force aérienne comme celle d’Israël accepte seulement d’envisager de telles conditions opérationnelles où elle n'exercerait quasiment aucun contrôle sur le domaine essentiel de fonctionnement de ses avions de combat. De telles négociations, sur de telles conditions, ne s’expliquent bien entendu que par les liens de sujétion des militaires israéliens par rapport au Pentagone, et par les pressions du même Pentagone sur Israël à propos de l’aide militaire US à Israël.
Cette situation, la même avec les exigences US, nous permet également de mesurer la paranoïa qui règne à l’intérieur du camp-JSF aux USA, ce que nous appelons l’équipe stalinienne, – pour sa propension à “communiquer” sur l’état du programme, – JPO-LM (JSF Program Office-Lockheed Martin). Il semble assez évident que la bureaucratie qui administre et contrôle le programme JSF est à peu près aussi malade que le programme lui-même.
Mis en ligne le 8 mai 2009 à 17H58
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