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749A signaler, un article de Patrick Cockburn, de The Independent, ce 16 avril 2011. Cockburn est, depuis plusieurs semaines, en reportage dans divers pays de la chaîne crisique (Egypte, Bahreïn, Libye, etc.)
D’abord, Cockburn fait l’analyse de la situation en Egypte… Constat d’un changement, mais d’un changement qui n’empêcherait nullement, au contraire qui semblerait favoriser une sorte de “re-moubarakisation” dans une autre manière, après quelques changements qu’on jugerait cosmétiques.
«Egypt is filled with signs of an unfinished révolution… […] Mubarak may have gone, but Egypt is now run by the Supreme Council of the Armed Forces, consisting of 18 generals led by Field Marshal Mohamad Hussein Tantawi, Mubarak's defence minister for 20 years.
»Some in Cairo gloomily mutter “plus ça change”, or knowingly quote the famous lines from The Leopard, Lampedusa's tale of revolution in Sicily: “everything must change so that everything can remain the same”. It is easy to see why this is cited when Egyptians see the torture of suspects continuing, along with military courts that have tried 5,000 people since the revolution, sentences often handed down after 10-minute trials. Maikel Nabil, a 26-year-old blogger, received three years for criticising the army.»
Puis Cockburn élargit son champ d’analyse. A la situation en Egypte, il ajoute celle des autres pays (notamment la Libye, Bahreïn, Yemen) où des troubles sont en cours, mais où, partout, rien n’est tranché. Le constat est contradictoire et confus (titre de l’article de Cockburn : «So the Arab landscape shifts – and confusion reigns») Ainsi en arrivons-nous à ces “mais”, l’un qui concerne l’Egypte, l’autre qui concerne la situation générale, et cela peut-être résumé de cette façon : “Certes, il y a eu des changements, mais ces changements semblent ne mener nulle part et les espoirs des soulèvements de plus en plus menacés, mais…”
• Pour l’Egypte : «But the past week has shown how difficult it is for the army to retain political credibility in a newly politicised country unless it meets protesters' demands. Mubarak was arrested on 13 April with his two sons, Alaa and Gamal. The army council says that sentences passed on young protesters will be reconsidered. Every time it resists change, its members equivocate and make concessions. »
• Pour toute la région touchée par la chaîne crisique, pour toute cette période qu’on nommée “printemps arabe” et qui apparaît si compromise à certains… «But there is something deeply hypocritical about the concern shown by Nato and the Arab monarchies of the Gulf over the fate of Libyan rebels, when they ignore or promote savage repression in Bahrain. The majority Shia community is being systematically disenfranchised, deprived of jobs, its parties dissolved, and its leaders arrested and tortured. In response, there is hardly a cheep out of the US or Nato whose leaders are so eager to bring democracy to Libyans. It is reasonable to regard cynically the humanitarian pretensions of foreign leaders and the reformist zeal of Egyptian generals, but radical change is already with us because tens of millions of previously apathetic people have been politicised and some of the world's nastiest police states turned out to be more fragile than anybody expected.»
Il faut souligner la valeur assez simple et donc fondamentale du commentaire contenu dans la dernière phrase. Il a l’avantage de remettre à leurs vraies places respectives, d’un côté “le cynisme humanitaires des dirigeants étrangers et le zèle réformiste des généraux égyptiens”, de l’autre la politisation de dizaines de millions de personnes jusqu’alors anesthésiées, et la fragilisation d’un certain nombre de régimes jusqu’alors considérés comme aussi solides que du roc avec leurs infrastructures policières de surveillance et de contrôle (et, ajouterions-nous, avec leur situation à l’intérieur de la chaîne d’influence américaniste-occidentaliste). C’est la magie de la chaîne crisique, dont il est déplacé et malencontreux d’attendre une nouvelle formule de gouvernement parfait, qui aurait en plus, sans aucun doute avec l’emploi du mot “démocratie”, la vertu de combler notre extrême vanité idéologique et notre conscience ainsi devenue meilleure que jamais. La “mission” de la chaîne crisique est bien de déstabiliser une structure générale et transnationale, qui a la caractéristique maléfique de constituer un constant foyer de déstructuration, – donc, bien déstructurer une structure, de façon à mettre à jour sa fonction essentielle qui est évidemment d’une déstructuration constante au service du Système. Au-delà, la chaîne crisique ne peut donner ce qu’elle n’a pas : sa vertu repose dans sa fonction crisique, c’est-à-dire effectivement dans le fait même des crises qu’elle déclenche, d’être une dynamique crisique ; la résolution de ces crises, dans la situation actuelle où le Système est loin d’être réduit, ne conduirait qu’à une restructuration bancale qui appellerait la récupération par ce même Système dans ses capacités d’influence.
Le maintien de la tension, d’ailleurs dans tous les sens, – y compris la tension exercée sur les Etats du Golfe et l’Arabie par les troubles à Bahreïn qui laissaient aimablement notre conscience en paix mais commencent à inquiéter nos services de communication sollicités par les organisations humanitaires, – voilà la seule formule qui donne une certaine satisfaction dans la situation existante, – une stratégie non élaborée, par la force des choses, de tension permanente. Cette situation alimente ferme le principe d’incertitude, mine les analyses convenues renforçant l’illusion de la possibilité de réformisme dans un domaine ou l’autre du Système, fait régner la possibilité de l’inattendu, qui est par essence ce que le Système craint le plus, – divise par conséquent les divers membres du bloc américaniste-occidentaliste et leurs correspondants au Moyen-Orient, qui n’ont plus de “feuille de route” pour appréhender d’une façon cordonnée des événements aussi confus et insaisissables.
Mis en ligne le 18 avril 2011 à 05H06