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413Un nouveau “bailout” européen, sous surveillance disciplinaire et inflexible de l’Allemagne, pour “sauver” la Grèce une fois de plus. Ces “sauvetages” ont une étrange tournure puisqu’ils s’appliquent à une Grèce qui continue de couler, prisonnière dans ses divers carcans dont celui du diktat euro-allemand n’est pas le moindre. Le Premier ministre grec nommé par l’UE, Lucas Papademos, a faut le minimum syndical exigé de ses employeurs en qualifiant la décision des ministres des pays de l’UE d’évidemment “historique” :
«The Greek Prime Minister, Lucas Papademos, called it an “historic day” after the €130bn (£109bn) deal was concluded early on Tuesday. And European finance ministers said in a statement that it provides a “comprehensive blueprint” for putting Athens' public finances on a sustainable footing by reducing the country's debt to GDP ratio to 120.5 per cent by 2020.»
The Independent (Ben Chu) du 22 février 2012, qui commence son article par le paragraphe ci-dessus, le poursuit aussitôt par la cascade d’avis défavorable de divers experts, sur la viabilité de l’intervention euro-allemande.
«…But some financial analysts have already suggested that the deal will unravel long before then. “Greece is caught up in a full-blown debt spiral and no one has any certainty over what happens to GDP growth a quarter from now, let alone a decade out” said David Owen of the US investment bank, Jefferies. “More likely than not... events will blow the country off course.”
»That pessimistic view was reinforced by a confidential document on Greece, compiled by European and IMF analysts, that was leaked on Monday night. The secret report showed that Greece's debt burden could easily still stagnate at an unsustainable 160 per cent of GDP at the end of the decade if the economy does not return to growth quickly.
»Analysts also expressed doubts over whether the Greek government would be capable of delivering the austerity measures that have been demanded by Greece's European creditors in exchange for the new bailout funds. Chris Towner from currency specialist HiFX said: “The reality of spending cuts will not go away for decades. The Greek people may take their destiny into their own hands through the democratic process.” Greece is due to hold parliamentary elections in April. Support for the two main parties in the coalition – New Democracy and Pasok – hit an all-time low this week.»
Dans le même journal, un autre point de vue est développé par Patrick Cockburn, qui a troqué ses habituels reportages au Moyen-Orient pout une visite en Grèce, au cœur de la crise européenne. Cockburn a choisi l’angle humain, l’effet de la crise sur la population grecque, sur la vie quotidienne, sur la psychologie des Grecs et le désespoir qui s’est emparé d’elle. (Le 22 février 2012, dans The Independent.) Un détail suffira, qui troque l’habituelle vision des désordres de la rue pour l’effondrement psychologique d’une population.…
«In central Athens, mental health workers have occupied the Ministry of Health building, protesting that swingeing cuts are having a catastrophic effect on their patients' care. The protesters point out that the suicide rate in Greece has risen 40 per cent because of the crisis in the latest period for which figures are available. Andonis Sakellaris, who works for the mental health department of the Ministry, says: “The people who are killing themselves include businessmen who have lost their assets and even teenagers who see no future for themselves.” The suicide rate, once the lowest in Europe, is now the highest.»
Ces diverses indications devraient ouvrir, pour les historiens futurs, un nouvel épisode sémantique. Sur un terme acceptable, et si les choses se poursuivent ainsi, – et pourquoi changeraient-elles, puisque tout ce qui est appliqué est ce qui a conduit à la situation actuelle ? – nous pourrions être sur la voie d’avoir découvert une nouvelle sorte d’activité de liquidation : le génocide par sauvetages financiers, – disons génocide soft pour adoucir le concept, mais avec succès et impunité également assurés… Il y a beaucoup d’aspects, la culture saccagée, la psychologie liquidée, l’élimination effectivement par suicide, les mortels déséquilibres psychologiques, l’effondrement social, l’exil renforcé, etc., pour justifier une telle appréciation. Bien entendu, l’origine de la chose est la planification bureaucratique encore plus que les feux de l’artifice financier, d’une bureaucratie dont le caractère essentiel est le refus du passé et de l’expérience qu’enseigne le passé. Ainsi le “sauvetage” de la Grèce est-il exclusivement conçu, dans la psychologie inconsciente de la bureaucratie, selon les normes idéologiques du Système, c’est-à-dire d’un système opérationnel qui a conduit à la noyade de la Grèce (du type “noyades de Nantes”, pour fixer les idées).
Les responsabilités des vices individuels (corruption dans le pays, caractère grec, etc.), telles qu’elles sont avancées, n’ont aucun place dans la pièce qui nous est interprétée parce qu’elles évoluent dans un autre domaine, et parce que la question n’est pas vraiment financière (corruption vénale). Ces excès grecs sont nécessairement et implicitement mis en scène comme on met en accusation par la bureaucratie financière, avec en flanc-garde ses commentateurs finauds, laquelle bureaucratie s’arrange par ailleurs de la “représentation” élégante de ses propres excès infiniment plus performants (la “corruption”, lorsqu’elle est habillée du terme de lobbying et siégeant de Bruxelles à Wall Street en passant par la City, n’est pas comptabilisée dans la colonne “vices individuels”). Selon ce que nous en savons, nous serions même très fermement inclinés à considérer que la corruption la plus massive et la plus décisive de toutes, – la mère de toutes les corruptions, si vous voulez, – se trouve dans les salaires payés à l’écrasante majorité des fonctionnaires des institutions transnationales du bloc BAO (UE, OTAN, etc.), en échange de leur complicité aveugle, forcée, désolée ou coupable, c’est selon, et selon la lucidité des individus. (Tout cela, naturellement relayé aux niveaux nationaux qui importent, puisque nous sommes “intraSystème”.)
L’ensemble achève de nous représenter le destin tel que nous le propose le Système. Il s’agit de la destruction, non pas programmée mais automatique, comme l’est une chute qui se fait selon la force d’attraction de la gravité, de toute forme représentative et de toute essence de “l’être” au sens le plus large possible (bien au-delà de l’humain), jusqu’au but final du nihilisme accompli, qui est l’entropie actant la réduction de toutes les structures et de toutes les formes dans une dissolution universelle. Ce schéma idéal, qui s’élabore d’une façon séduisante avec les illustrations de type-Epinal que sont les sourires de Juppé et les “historic day” type-Lucas Papademos, a heureusement l’avantage de porter en lui son contraire absolument antagoniste, autodestruction pour surpuissance, entraînant la destruction conjointe des systèmes développés par la surpuissance pour semer cette sorte de destruction. Ainsi la destruction de l’Irak a-t-elle entraîné le processus de chaîne crisique qui est à l’œuvre pour détruire l’ensemble moyen-oriental qui servait fort bien et fort discrètement les desseins du Système ; ainsi la destruction de la Grèce entraînera-t-elle inéluctablement la destruction de l’ensemble européen, euro et UE confondus, avec ses compagnons financiers, également faits pour servir fort bien les desseins du Système et qui s’acquittaient tout aussi fort bien de leur tâche. Tout cela, par chance et plutôt par décret supérieur, ira de plus en plus vite, parce que la surpuissance du Système est toujours conduite par automatisme à aller plus vite, jusqu’à générer son autodestruction.
Mis en ligne le 22 février 2012 à 09H32
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