Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.
881Sur Mélenchon, cet avis surprenant de Jacques Sapir en fin d'un papier économique. (Dans Marianne2, le 5 avril 2012
« …Or, et on le sait bien, le maintien de la zone euro ne pourra avoir comme conséquences que le démantèlement du droit du travail et de la protection sociale [1]. Pour faire passer cette bien amère pilule, on commence à évoquer des solutions aux antipodes de la démocratie. C’est Michel Rocard lui-même qui évoquait, le 2 mars dernier, l’hypothèse d’une dictature militaire pour faire avaler au peuple grec la purge préconisée par la zone euro [2].
» Quatre candidats, chacun à leur manière, tentent de ramener le débat là ou il devrait être. François Bayrou est l’un d’entre eux, mais il ne propose rien que rigueur, rigueur et encore rigueur, alors que l’on sait que face aux problèmes de l’heure, celle-ci est non seulement inefficace mais en réalité contre-productive. Qu’il médite donc sur la politique menée par le chancelier Brüning en Allemagne de 1930 à 1932. Marine Le Pen agite aussi ce problème, mais elle le fait sans méthode. Elle propose un référendum sur l’euro alors que c’est sur le Mécanisme européen de stabilité (MES qu’il faudrait impérativement voter.
» Nicolas Dupont-Aignan a pour lui la cohérence, et le fait d’avoir anticipé de longue date les problèmes que nous connaissons. Mais il se heurte au mur de la crédibilité politique.
» Reste Jean-Luc Mélenchon, dont le programme logiquement ferait exploser la zone euro, mais qui se garde bien d’évoquer cette perspective. Ce faisant, il laisse planer une ambiguïté. Ira-t-il jusqu’au bout ou, devant les conséquences évidentes de l’application des mesures qu’il avance, reculera-t-il au dernier moment, tout comme le fit François Mitterrand en 1983 ?
» La crise, elle, est toujours là. Comme ces feux de tourbes que l’on croit éteints et qui ressurgissent plus virulents encore qu’avant, elle éclatera à nouveau parce que rien n’est réglé et rien ne peut l’être dans le cadre fixé en décembre et janvier dernier. Elle éclatera donc à nouveau, sans doute cet été, et peut-être même avant. Il nous faut, pour l’affronter, des perspectives claires. Jean-Luc Mélenchon et ses alliés sont devant une responsabilité historique : celle de devoir soit plier l’échine, soit épouser pleinement la cause de la souveraineté nationale qui se combine et non s’oppose à l’internationalisme comme le dit un jour Jaurès : “Un peu d’internationalisme écarte de la Nation, beaucoup y ramène”. Mais s’il choisit la seconde voie, celle du courage, alors se posera la question des alliances.
» L’hégémonie, concept gramscien dont il est friand, impose aussi d’être construite et non pas simplement postulée. Elle est politique tout autant qu’idéologique. Pour être à la hauteur de la situation historique qui est la notre, il devra abandonner ses habits d’homme d’une gauche trop traditionnelle et accepter de revêtir ceux du père de la Nation, s’il veut sauver la République et nous défaire des bastilles que nous préparent tant la droite que les socialistes.
» Pour l’instant il hésite. Qu’il le sache : le temps n’attend pas. »
[1] N. Doisy, Politoscope n°3, CHEUVREUX – CA Crédit Agricole Groupe, 8 mars 2012.
[2] « On est dans l'imbécilité politique collective », interview de Michel Rocard par Libération, 2 mars 2012.
“GEO”
Forum — Charger les commentaires