Portrait in extremis de Saint-RR (Imaginaire et commentaires sur le destin de l’ancien président des Etats-Unis)

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Portrait in extremis de Saint-RR (Imaginaire et commentaires sur le destin de l’ancien président des Etats-Unis)


D’après nos sources (pas vraiment recoupées, certes, contrairement à celles du New York Times), RR (Ronald Reagan) serait arrivé devant Dieu, souriant, triomphant, heureux de continuer à vivre en Amérique (RR n’aurait pas encore compris qu’il est mort), béat en un mot, et Celui-Ci (Dieu), légèrement agacé il faut dire, lui aurait dit : « Mais vous, vous? Qui êtes-vous, au fond? Regardez-moi dans les yeux, enfin! Cessez de rigoler aux anges! Vous n’allez pas être un ange-Teflon, j’espère? »

(Explication : du temps de la première présidence, RR était surnommé “président-Teflon”, référence à la poêle “qui n’attache pas”, fameuse à l’époque, parce que rien, aucune erreur, aucun scandale de son administration ne semblait devoir s’attacher à sa personne ni faire baisser son apparent indice de popularité au sommet. C’est faux d’ailleurs, RR n’était pas si populaire que cela, et même encore moins. Mais RR, c’est-à-dire l’image qu’on fabriqua de lui, s’arrangea toujours pour laisser faire croire à ce propos et dans ce sens. Les médias, avec la liberté d’expression en sautoir, continuent à clamer cette vérité d'une prétendue popularité à partir de chiffres qu'on évoque mais qu'on ne cite pas parce qu'ils n’existent pas. RR était la “poêle-Teflon” d’une fausse réalité à la place de la vraie. Cela vous rappelle quelque chose, qu’on verra plus loin.)

Poursuivons cette visite à Dieu. Selon nos sources, toujours aussi peu recoupées, RR aurait répondu à Dieu, le sourire quasiment extatique : « America is back! God Bless America! » Dieu, vraiment agacé il faut avouer, aurait marmonné : « Mais Bon Dieu, s’il y a quelqu’un, ici, qui sait qui Dieu bénit, c’est Moi, Bon Dieu… » Mais RR n’était plus là pour L’entendre, parti voir un film-western avec John Wayne, au cinéma Paradisio, priant the Lord d’accorder longue vie à Nancy.

Ainsi en va-t-il de RR, le président le plus insaisissable des Temps Modernes, l’homme qui oscille, dans les appréciations qu’on en a, entre celle du plus grand héros de l’histoire américaine (avec Lincoln, Washington et John Wayne) et celle d’un constat abrupt et un peu dégoûté de la nullité à perte de vue, comme une sorte de désert des Tartares climatisé. (Entendez donc ce que Norman Mailer en dit dans un entretien télévisé : Mailer, qui, au cours d’un repas, ne réussit jamais à accrocher le regard de RR, ni même, en vérité, à lui poser une question, tant il avait l’impression d’un vide insaisissable en face de lui.) Devinez où se situe notre appréciation, entre ces deux options extrêmes… Non, non, vous n’avez pas deviné : notre appréciation est que RR est une blague, qu’il n’a jamais vraiment existé. D’où l’embarras de Dieu (sources recoupées, cette fois).

En attendant, voici un florilège de liens, quelques appréciations sur RR aussi diverses que les faces cachées et/ou visibles du président-Teflon. Elles montrent que l’Amérique n’a guère changé, — on veut dire, que la crise américaine ne s’est guère résolue depuis RR qui prétendit la résoudre, et que c’est même plutôt le contraire. Et que GW, après tout, a bien mérité de RR ; et qu’il est, peut-être, RR réincarné, Dieu s’étant laissé convaincre par faiblesse et goût de la tranquillité, assortie d’une tentative de corruption, à-la-Enron.


Comment RR a, sous nos yeux éblouis et ébahis, littéralement changé le monde

D’abord il y a le classique des classiques, le “Cantique des Cantiques” si vous voulez : RR avait l’air d’un abruti complet mais c’est vous, Européens, snobs, qui n’y comprenez rien. RR a changé le monde, point final.

Cela n’est peut-être pas si faux, — simplement il faut voir pourquoi, comment et à quoi ça sert. Martin Kettle : « Reagan's presidency marked a series of decisive tipping points in American life. The country he left behind in 1989 was very different from the one he inherited in 1981… »


(…) America « became, quite simply, a nation which grew away from Europe. It grew away from us economically, militarily, culturally and, above all, emotionally. It left us in a different place, not always conscious of the decisiveness of the change that Reagan had wrought, and in many cases underestimating the continuing dynamic of what he had bequeathed, particularly under Bush since 9/11. It left Europeans, including the British, needing to rethink our own place in the world, to answer a new set of harsher “Who are we?” questions. Reagan changed America forever, but in doing so he changed us forever too. »


RR est un super-dur, un cador, l’homme qui nous a installés un capitalisme-Terminator après nous avoir sauvés de l’Ogre communiste

Il y a ensuite le super-dur, le guerrier de la Guerre froide et du capitalisme triomphant, l’homme de l’apocalypse hyperlibérale. Derrière son sourire niais et stéréotypé, RR cachait une volonté de Marine, une âme de Special Force du capitalisme, une sorte de Stallone cous-main multiplié par Schwarzenegger. C’est le chroniqueur “Spengler” de atimes.com, célèbre pour ses professions de foi social-darwinistes et impérialistes, qui trace un portrait très convainquant dans ce sens de RR, dans un texte sur atimes.com, le 8 juin.

Spengler attribue à RR la vertu suprême, du point de vue d’un capitaliste pur et dur, de la “destructive creation”. A cet égard, le portrait que fait Spengler n’est pas faux, lorsqu’il décrit l’administration RR comme une administration aventurière, qui a changé les structures même de l’Amérique. Lorsque Spengler nous rapporte son dégoût pour le « oily » George Tenet, par opposition à son admiration pour son prédécesseur de l’ère RR, Bill Casey, capable de poser un microphone dans le bureau d’une personnalité qu’il venait officiellement visiter, on comprend ce qu’il veut dire.


« Reagan possessed the strategic vision to brush aside the objections and plunge ahead. His economic policies embodied ''creative destruction'', the chaotic emergence of new firms and methods to challenge the old. Conventional economics thinking restricted its attention to large corporations that depend on the debt markets. Under Reagan, employment at the 500 largest US corporations shrank, but the explosion of small businesses more than made up for it. After the first round of Reagan tax cuts, which nearly halved the top tax rate, the value of the American stock market doubled in 1984. Creative destruction transformed the landscape of the American economy. The microchip transformed domestic life as well as warfare, and America regained a dominant position in the global economy. Reagan's strategic policy stemmed from a similar kind of creative destruction. Under the old containment doctrine, the United States sought to maintain stability while the Soviets stirred the pot. As I wrote some years ago, “The elder Bush and advisers such as James Baker and Brent Scowcroft, schooled in the Cold War, flinched at the thought of instability. Any regime, no matter how corrupt and oppressive, merited American backing, as long it was ‘our bastard’, as Franklin Roosevelt qualified Nicaragua's strongman of the 1930s. It is a stretch to accuse such men of having a philosophy. Their strategic reflex came from the simple fact that the Soviet Union stood to gain from any instability outside its immediate sphere of influence. The more chaos, the more options open to the Kremlin. A coup in Western Asia, a civil war somewhere in the Pacific Rim, a war between India and Pakistan, an insurgency in Latin America gave Russia a chance to get involved. Russia had unlimited upside and little downside (Geopolitics in the light of Option Theory, Jan 26, 2002).”

» Reagan and his band of wild-eyed radicals put the burden of uncertainty onto the Russians. The sclerotic Soviet Union, they believed, could not match America's pace of technological innovation in armaments. Not only the Star Wars anti-missile project, but avionics, smart weapons, and a host of other improvements convinced the Russian military that it could not win a war against the United States. »


En fait, ce que Spengler n’énonce pas de cette façon, parce que, sans doute, pour lui, cette évolution ne mérite pas fondamentalement une analyse critique, c’est que la révolution reaganienne fut bien d’entreprendre une “privatisation” fondamentale de l’Amérique, et notamment de ses structures gouvernementales et de sécurité. A Partir de Reagan, le gouvernement ne fut pas moins gros (il y avait plus de fonctionnaires quand il partir que lorsqu’il arriva), mais il eut beaucoup moins de pouvoirs et encore moins d’autorité, tout cela à l’avantage de l’argent privé, des grands groupes capitalistes et des groupes de pression vendant l’idéologie grâce aux relations publiques (type néo-conservateurs).

RR est le père direct de l’actuelle administration GW et de son orientation hyper-privatisée, jusque dans les moindres détails opérationnels (présence de soldats-mercenaires en très grand nombre en Irak, par exemple). Il est juste de dire que RR n’a pas eu peur de se saisir du chaos et de s’en servir ; il serait nécessaire de compléter l’idée en observant que RR a, ce faisant, installé le chaos au cœur de la puissance américaine, tant pour sa définition propre que pour son action. Clinton a largement accentué cette tendance, jusqu’à GW.

Pour le reste de ce que nous dit Spengler, on est obligé de constater qu’il y a beaucoup à boire et pas mal à manger. Notamment, son appréciation sur l’action de RR vis-à-vis de l’URSS est plus que contestable et renvoie à des clichés de l’époque sans correction. Placer le discours sur l’Evil Empire en 1982 est faux (il eut lieu le 9 mars 1983) et affirmer que Reagan fut plus impopulaire que GW, et par conséquent les relations USA-Europe plus mauvaises qu’elles ne sont aujourd’hui l’est également . (« When Reagan made clear his intention to bury the ''evil empire'' (as he characterized it before the Commons in 1982), a wave of shock and indignation spread among the Atlantic elite unimaginable to those who where not there at the time. Europe's disgust at George W Bush is a gentle June shower compared to the tempests of 1982. »)

Affirmer également que les Soviétiques étaient en 1979-80 partout en position de domination (pour constater que RR changea cela, bien entendu) revient également à s’en tenir aux clichés de l’époque. Depuis, la réalité s’est faite jour pour nous dire que les Soviétiques étaient morts de peur. Comme position de domination, on fait mieux. Néanmoins, cette légende de RR sauvant l’Occident en 1981-85, notamment par un gargantuesque programme de réarmement dont on continue aujourd’hui à goûter les fruits amers avec le gaspillage universel du Pentagone, la légende a la peau dure et survit comme un des dogmes de l’histoire officielle US.

La croisade “contre l’Empire” de RR ressort moins d’une vision stratégique que d’une logique d’entreprise, due à cette privatisation de la puissance américaine, et elle s’appuie sur les actions d’hommes qui agirent plus comme des businessmen agressifs (Bill Casey, patron de la CIA, comme on l’a vu) que comme des fonctionnaires et des agents du service public. Dans ses rapports avec l’URSS, au contraire, RR eut une attitude extraordinairement ambiguë et chaotique. Son rôle dans l’effondrement de l’URSS est, comme on l’a vu par ailleurs, extrêmement contesté et effectivement contestable, et bien plus encore.


RR a inventé le virtualisme pour le plus grand plaisir de l’Amérique enfin retrouvée : fabrication garantie authentique en faux-plâtre, en faux-marbre, en fausses-dents et en faux-semblants…

Maintenant soyons sérieux, voici certainement l’aspect essentiel qu’il faut retenir de RR : il est un peu, beaucoup, passionnément l’inventeur du virtualisme. Venant de Hollywood, amateur de bandes dessinées (c’est ce qui le convainquit de lancer la SDI/Star War), il n’y a rien là pour nous étonner. L’homme est fabriqué de A à Z, sa politique aussi, et également l’Amérique qu’il installa. L’éditorial du Guardian du 7 juin nous le dit bien : « Mr Reagan had a rose-tinted view of America's past and America's future alike. He elided things he saw in the movies with reality. At times he could seem oblivious to the facts; when he gave evidence on Iran-Contra in 1990 he used the phrases ''I don't recall'' or ''I don't remember'' a total of 130 times. He was the bane of biographers, one of whom, Edmund Morris, actually felt himself driven to produce a part-fictionalised account in order to make the former president more understandable. »

Bien. RR a inventé l’“optimisme” au temps où l’Amérique en avait besoin, paraît-il. Pauvre Amérique, nous étions si triste pour elle qui broyait du noir. RR vint et plus rien ne fut plus pareil. RR inventa une nouvelle Amérique, une nouvelle Histoire, une nouvelle présidence et ainsi de suite. Il inventa aussi, si l’on veut, une autre sorte de génie, une autre façon d’être un grand homme d’État. Il y en a pas mal qui sont satisfaits avec tout cela, qui trouvent même que c’est grandiose, historique, etc. A ce compte, on comprend l’extraordinaire vénération et la vague de conformisme béat qui a parcouru les médias américains et la population.

En bref, on ne peut finalement discuter avec sérieux d’un homme, d’une époque et d’un pays, et du système qui englobe le tout, qui se sont si manifestement placés en-dehors des références de l’histoire du monde et des habituelles normes de la réalité. A chacun son choix. Comme on disait du temps du marxisme, RR ce fut un “choix de société” ; mais plus d’ailleurs, ce fut un choix d’une humanité, d’une psychologie différentes. C’est tellement vrai que même le souvenir de Reagan est fabriqué de A à Z et ne laisse place qu’à une moitié, un quart de Reagan, et encore, une moitié ou un quart complètement re-formaté, fabriqué en son et en paille. Cet homme a inventé l’alphabet complet du virtualisme.


«  Visitors to the Ronald Reagan Presidential Library in Simi Valley, California, in the grounds of which the 40th president of the United States will be laid to rest later this month, frequently depart somewhat baffled. The Reagan museum and library are magnificently set out on a matchlessly beautiful hilltop setting north of Los Angeles. The optimistic feel of the visitor experience, with its prominent displays about Mr Reagan's movies and Mrs Reagan's gowns, is undeniably attractive. But there is also something missing. The nitty-gritty documentary political records of the president's toughest moments, the sort of sweaty detail that makes a visit to John Kennedy's or Richard Nixon's presidential libraries so compellingly interesting, is largely absent here. The visitor to Simi Valley emerges feeling extremely benevolent towards Mr Reagan, but without quite knowing what he really did. It is as though he presided over his years in office rather than leaving a conventional political imprint upon them. »


Témoignage particulier d’un dur de dur au président-Teflon qui sut nous apparaître comme un dur de dur

Ce qui nous ennuie avec Richard Perle, que l’on pouvait juger sympathique dans les années 1980, lorsqu’il avait son franc-parler avec ses collègues bureaucrates et pas sa langue dans sa poche avec les journalistes, c’est qu’arrivé au pinacle de sa puissance avant de nous rejouer la balade de la roche tarpéienne, il ne cesse de nous faire découvrir de lui des côtés détestables. On connaît depuis quelques temps le stratège expert vivant dans l’opulence des délices des bonnes affaires militaro-industrielles. Nous découvrons désormais l’expert stratège rompu aux viles flatteries de Cour, et encore, une Cour démocratique et washingtonienne.

Nul ne doit ignorer que Perle avait un franc (quoique peut-être chaleureux) mépris pour RR, dont il connaissait les limites extrêmement chiches. Cela ne l’empêche pas d’écrire ceci, qui montre que les néo-conservateurs, finalement, n’oseront jamais être eux-mêmes (des libéraux-trotskistes, le missile entre les dents), qu’il leur faudra toujours s’abriter derrière une icône conservatrice, si possible la plus bête possible pour ne pas avoir trop d’ombre et ne tromper personne.

Voici donc l’apologie de RR-Socrate, par Perle-Platon.


« Much has been written about the source of Ronald Reagan's policy of re-igniting the political dimension of the Cold War, of challenging the legitimacy of the Soviet leadership, of pushing them until they fell. Theories abound about the influence of this adviser or that, about the authorship of one inflammatory phrase or another. Who was it who wanted to stop the Soviet oil pipeline into Germany? Was Edward Teller behind the SDI? Who penned the phrase “evil empire”? From inside the administration, the identity of the architect who erected the last grand strategy of the Cold War was clear: it was Reagan himself. And much as those of us who were privileged to advise him might wish to share the recognition of success that will clearly come with the passage of time — liberals are too confused or self-serving to credit the Reagan strategy with the Western victory in the Cold War any time soon — the truth is that Ronald Reagan was singular in understanding, and acting to exploit, the depth of Soviet vulnerability. »


Visite aux terres immenses et bénies de Dieu de Saint-Ronnie, qui pleurent bruyamment la disparition de RR

Nous terminerons par la cerise sur le gâteau, une réflexion de Pépé Escobar, excellent reporteur de atimes.com, qui se trouve en reportage aux USA et qui n’a pas manqué de nous rapporter ses impressions sur Saint Ronnie, le Bien-Nommé. C’est une partie de plus qui irait bien dans le Chronique de l’idiotie triomphante de Regis Debray.

Escobar nous décrit ce pays complètement fabriqué, absolument artificiel, qui s’épanche en pleurs très visibles (il faut gémir pour être bien vu) et en appréciations grotesques de pompe surfaite et de gloire frelatée sur le héros en celluloïd qui nous a quittés. Nous devrions être désolés de nous laisser aller à une telle description caricaturale, sauf qu’elle nous est imposée par le pays en question et ses manifestations diverses.


« It's a long way from Tampico, Illinois to sainthood. Ronald Wilson Reagan, dead at 93, made it — at least by the standards of the hagiographic, wall-to-wall, mega-festival in his honor, an ongoing psalm until at least the funeral next Friday. For hardcore conservative corporate media, and for conservative-tinted mainstream corporate media, he is now Saint Ronnie, with Nancy playing the part of a stern Virgin Mary. History has not afforded young America enough time to nurture her own St Francis, St Paul or St Matthew. So sainthood is bestowed on dead pop stars and presidents (Richard ''I'm not a crook'' Nixon excluded).

» ''View the world'' is the official slogan of the Sears Tower skydeck in Chicago. Assuming efforts by Osama bin Laden and a few misguided Arab evildoers to bring it down were thwarted by the resolution of true Reagan heir George W Bush and his team, the skyline in the most all-American city of them all may not be such a bad place to, indeed, ''view the world'' post-Reaganism.

» For scriptwriter Peggy Noonan he was a giant. For Senator John McCain he won the Cold War. For NBC's Tom Brokaw he was larger than life. For the Chicago Tribune, he was a revolutionary.

» The weekend overlapping of the copy — George W Bush — in Normandy and the original - Ronald Reagan - dying at home in California, as observed from Chicago, was enormously engaging, especially considering the Bush neo-conservatives' irrational hate of all things French. The first white men to pass through the Chicago River were Frenchmen Louis Jolliet and Father Jacques Marquette. The fabulous collection of the Art Institute of Chicago is a feast of Chagall, Kandinsky, Matisse, Gauguin, Cezanne, Degas and Monet: but Grant Wood's 1930 ''American Gothic'' would be more to the neo-cons' liking. The crowning tower of the magnificent, 1925 Chicago Tribune building borrows its design from the Rouen cathedral in Normandy.

» The city of big shoulders could not but give us the skyscraper and the atomic bomb. Reagan himself had big shoulders. Reading the Chicago Tribune at Lou Mitchell's, one of the great American breakfast joints, very close to the official beginning of Route 66, America's Mother Road, one could not but be reminded of the timeless French dictum: ''plus ca change ...''

» Who said the Reagan era was over? Bush, the candid cowboy, is not really daddy's son ... he is the ideological son of Saint Ronnie. Just like Saint Ronnie, he sold the promise of a simple man, full of good sense, a man who ''says what he does and does what he says''. Just like Saint Ronnie with Santa Barbara, whenever he can he escapes town to cultivate a love affair with his Texas ranch (33 visits to Crawford, all or part of 233 days). Just like Saint Ronnie fought the ''evil empire'', Bush fights the ''axis of evil''. And just like Saint Ronnie swore to end communism, he swears he will destroy terrorism. »