Pour la protection de l’armement US, une évolution parallèle à celle de la diplomatie (nomination de Bolton à l’ONU)

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Pour la protection de l’armement US, une évolution parallèle à celle de la diplomatie (nomination de Bolton à l’ONU)


10 mars 2005 — Plusieurs facteurs convergent et s’additionnent pour conduire à annoncer une incurvation de la politique américaine de protection de sa base industrielle et technologique, essentiellement la protection de sa production d’armement et des technologies qui y sont associées.

• La nomination de John Bolton comme représentant des USA à l’ONU constitue un signal puissant de la poursuite, voire de l’accentuation d’une politique générale unilatéraliste pour les USA. Cette tendance va toucher tous les domaines de la vie politique et économique américaine, et, notamment mais de façon très marquée, le domaine des armements et de la base industrielle et technologique des USA.

• La querelle euro-américaine sur la levée de l’embargo des armes européennes à destination de la Chine, dont la “gestion” a été explicitement confiée au Congrès par le président US, va être l’occasion d’une réaffirmation et d’un renforcement du contrôle du Congrès sur les transferts de technologies, dans le sens d’une radicalisation de la protection de la base industrielle et technologique. Les sanctions que le Congrès envisage de prendre contre l’Europe si l’embargo est levé vont être le moyen conjoncturel d’élargir de façon radicale un contrôle structurel sur les transferts de technologie et un protectionnisme renforcé de la base industrielle et technologique.

• Des signes de plus en plus forts apparaissent, montrant que la communauté des experts US suit à fond cette tendance et l’accélère, pour lui donner un habillage technique et intellectuel qui la justifiera du point de vue à la fois économique et stratégique. Un article publié ce 10 mars sur le site de Defense News le montre clairement.

L’article de Defense News (dont le texte est disponible sur ce site par ailleurs) fait une large place à un expert de l’establishment, représentant aussi bien Wall Street que la communauté stratégique washingtonienne : « Pierre Chao, a former Wall Street defense industry analyst and a senior fellow at the Center for Strategic and International Studies ». On observe également, c’est un autre signe important, que Chao ne représente pas un courant extrémiste mais un courant modéré au sein de l’establishment américaniste (ce dont témoigne son appartenance au Center for Strategic and International Studies (CSIS). Cela confirme bien l’unanimité de la communauté des experts, les radicaux de droite étant bien entendu favorable à tout ce qui est unilatéralisme et protection de la puissance US.

Chao (lors d’un séminaire, le 9 mars, à Heritage Foundation, dont Defense News se fait l’écho) fait une intervention extrêmement alarmiste : selon lui, la base industrielle et techologique US est en danger, il convient de la protéger, mais sans se priver pour autant de l’apport extérieur là où il peut servir. Chao nous donne donc une formule stupéfiante d’ingénuité et de franchise brute pour protéger tout en la renforçant par l’extérieur la base industrielle et technologique US. Il suffirait de ne rien laisser sortir de la technologie US et de faire entrer le plus possible de technologie non-US…:

« The U.S. has never fought a war in its entire history without foreign technology. The holy grail is to create a semi-permeable [trade barrier] that allows technologies to come in, but doesn’t allow them to go out. I don’t know if that can be done. »

L’alarme est si forte, telle que les échos de ce séminaire nous en font part, que Chao s’élève même contre la coopération trop forte entre les différentes forces armées américaines. C’est-à-dire qu’il juge implicitement que, par exemple, la coopération entre la Navy, l’USAF et le Marine Corps sur un projet comme le Joint Strike Fighter constitue un problème pour le développement des technologies en affaiblissant la compétition entre les services : « Don’t get me wrong, I’m a huge fan of jointness. But one of the unintended consequences is a shrinking of the defense industrial base. »

Ce qui ressort d’une telle réunion, à laquelle participaient également des parlementaires qui ont confirmé cette tendance pour le Congrès, c’est le besoin du renforcement structurel du protectionnisme US pour la base industrielle et technologique : « Several experts at the seminar argued for greater protection of the U.S. industrial base, saying the country’s intellectual capital was being siphoned away to foreign markets or dwindling due to lack of work. »