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439Le fait est que le programme JSF, qui semblerait à d’aucuns, peu conscients de la chose, un programme d’avion de combat de plus et quelque chose qui ne se réfère qu’à un domaine spécialisé, le JSF continue à s’affirmer comme une illustration fondamentale de la crise du Système en général. Vous devez lire tout ce qui concerne le JSF, non comme une chronique du domaine mais comme une expression in vivo et fort bien documentée de la Crise Générale du Système, dans la composante du système du technologisme, avec sa propre crise qui est bureaucratique, gestionnaire et, évidemment, technologique. Ainsi, à notre sens, doit-on prendre de très récents nouvelles et commentaires sur le sujet.
• D’abord, un article du Guardian, du 13 mai 2011, rassemblant plusieurs “nouvelles” concernent le JSF pour la Royal Navy. La confusion est totale, comme elle est totale à propos de l’opéra bouffe qui rythme le sort des deux nouveaux porte-avions de la Royal Navy. On distingue tout de même l’idée que le seul nouveau porte-avions UK prévu pour être en service ne le serait pas avant 2020 et que, pendant trois ans, il n’aurait rien à son bord, sur son pont d’envol, en fait d’avions de combat et d'attaque, – sinon des maquettes en bois, éventuellement, pour faire chic et leurre à la fois. On en vient en effet à observer que le JSF, selon le MoD britannique, ne serait pas livré avant 2023, en nombre indéterminé mais certainement très réduit, – s’il est livré un jour d’ailleurs, si nous sommes encore avec notre Système en bon état de marche d’ailleurs… Autre précision dans l’article : actuellement, le JSF est prévu pour la Royal Navy à £100 millions l’exemplaires, et nous avons bien le temps pour faire beaucoup mieux. Un extrait pour l’ambiance :
«Confusion over the carrier project was compounded on Friday when the MoD said in its “business plan” that the navy will not get its fleet of US joint strike fighters (JSFs) until 2023, three years after HMS Prince of Wales, the carrier to be equipped with the aircraft, is due to enter service.»
• Un autre article, de Bill Sweetman, sur Ares le 13 mai 2011. Sweetman ne fait qu’analyser en détails le rapport SAR (Select Acquisition Report) pour 2010, et en tirer de précieuses indications pour le JSF. (Un rapport SAR est prévu pour 2011, bien entendu. En raison des événements depuis 2010, il est acquis qu’il sera bien plus lugubre pour la situation du JSF… A noter que le rapport SAR est ce qu’il y a de plus complet et de plus précis concernant la situation des programmes en cours d’acquisition par le Pentagone.) Parmi les détails significatifs que relève Sweetman : l’USAF paie $125 millions pour ses JSF actuellement, et ce prix devrait descendre en 2018 à $105 millions si toutes les prévisions, – notamment les intentions de commande, – sont respectées, ce qui n’est déjà plus du tout le cas. La Navy payent actuellement ses JSF (F-35B et F-35C) à $150 millions l’exemplaire. Les coûts d’utilisation de l’avion opérationnel sont pris en compte dans toutes les prévisions jusqu’ici comme la moitié de ceux du F-16. Sweetman remarque qu'à la lumière des chiffres du SAR, ils sont en réalité le double de ceux du F-16, et de nouvelles prévisions sont en cours d’estimation en tenant compte de ce fait ; cela suscite ce commentaire de Sweetman : «That could be what's making service chiefs' knees go weak.» Enfin, un passage est à mettre également en évidence, qui concerne les capacités opérationnelles du JSF, dans le domaine essentiel de l’autonomie :
«Meanwhile, on performance: All three versions are showing diminished range compared with the original goal. The F-35A is more than 100 nm down on combat radius (about 15 percent), and is just below the 590 nm threshold requirement, due to higher requirements for engine bleed (used for cooling in the cruise). Engineers are trying to get more fuel into the aircraft to compensate for the loss of range.»
Les nouvelles concernant le programme JSF sont plus qu’abondantes. Sans le moindre doute, jamais un programme militaire en cours de développement n’a drainé autant d’attention sur son compte, y compris de la presse générale, éventuellement presse-Système, comme on le voit aujourd’hui avec l’article du Guardian. Il n’est pas question (pour dedefensa.org) de publier toutes ces informations, surtout en suivant les termes qu’elles nous imposent en tant que telles, dans la forme où elles nous sont communiquées. Nous voulons dire par là que le JSF n’est pas pour nous un thème d’information, comme d’ailleurs aucun sujet ne l’est directement pour nous. (Nous ne sommes pas un site d’information, mais un site de commentaire, d’analyse à partir de nos conceptions, un site de développement de nos conceptions, etc. Nous reviendrons sous peu sur ce sujet.)
D’autre part, le programme JSF est pour nous un sujet de “commentaire et d’analyse à partir de nos conceptions”, et c’est pour cette raison que nous en parlons beaucoup bien que nous ne voulions par parler de toutes les informations qui circulent sur son compte. Le JSF est un phénomène directement lié au Système, un miroir du Système, un composant du “déchaînement de la matière” qui est la force qui anime le Système et qui le structure constamment en un artefact gigantesque de déstructuration ; il est également un composant du système du technologisme bien entendu, et un sujet du système de la communication également. Le programme JSF est également une crise profonde en lui-même, qui embrasse de nombreux domaines fondamentaux, et c’est donc une crise fondamentale qui s’insère, accélère et exprime aussi bien les crises qui secouent toutes les références que nous avons mentionnées (Système, système du technologisme, système de la communication, etc.).
Dans le cas qui nous occupe ici, dans les deux cas des informations présentées ci-dessus, nous avons des éléments de jugement intéressants de l’évolution de la crise du système JSF, comme expression indubitable et spectaculaire de la crise du Système. C’est de cette façon, en abordant le cas du JSF régulièrement, en le commentant selon nos conceptions qui font une part essentielle à la nature crisique du monde aujourd’hui, que nous pouvons progresser dans l’observation de la nature du Système, c’est-à-dire, là aussi pour l’essentiel, la nature de la crise du Système qui contient tout le reste de la compréhension du Système. Ce qui est alors remarquable dans les deux nouvelles ci-dessus, selon nos conceptions, peut être développé en deux remarques qui singularisent les deux cas documentés.
• Le cas UK/porte-avions commence avec une observation de base. Il s’agit de la fabrication de deux porte-avions pour la Royal Navy (maintenant fixés au prix de £7 milliards pour chacun d’eux), avec le processus conduisant à mettre le premier porte-avions “en cocon” deux ans après son lancement, avec l’arrivée du second, et avec ce second porte-avions en service en 2020 mais sans avions jusqu’en 2023 (au mieux, – nous pourrions avancer le terme de 2025, ou de 2027, ou de jamais, après tout, avec autant d’assurance de prévision). Il n’est pas utile de s’attarder à démontrer une telle évidence, qu’il s’agit de tous les points de vue d’une absurdité si complète qu’elle ferait croire à une sorte de canular ; mais non, paraît-il… Alors, pour ce qui concerne le JSF, on est essentiellement conduit à observer l’extraordinaire situation de complète impuissance d’une décision qui pourrait changer un tant soit peu une orientation absolument archaïque et marquée par la paralysie, et conduisant de plus en plus probablement à une impasse catastrophique qui a l’aspect du néant pour ce qui concerne le domaine. A notre sens, les habituelles considérations sur les special relationships, l’absurde servilité UK par rapport aux USA, etc., sont dépassées. Il s’agit d’une situation de paralysie-Système. Le cas envisagé (JSF pour les porte-avions UK) est une situation-Système, correspondante aux exigences du Système général. Les personnels de direction, face à cela, se révèlent aujourd’hui complètement impuissants à seulement concevoir des voies, – il en existe, comme chacun sait, – leur permettant de tenter de sortir de cette impasse absolue.
• Le cas Sweetman allant piocher dans le SAR-2010 pour en apporter les conditions catastrophiques de la situation du JSF, en attendant que le SAR-2011, certes, confirme en l'accroissant d’une façon dramatique l’impasse du programme lui-même, au niveau des prix, de la gestion, du développement. A cette lumière, le programme JSF apparaît comme une énigme sans précédent, dans la mesure de la durée de ce programme, des sommes considérables qui y sont déversées, des restructurations continuelles du programme avec coopération Pentagone-LM pour parvenir à sortir de l’ornière, et tout cela produisant le contraire de ce qu'on attend. Le programme JSF est un “trou noir”, exactement, comme nous les décrivons depuis longtemps, comme sont le Système et ses composants, comme les USA-Système (voir le 11 août 2010, «Le trou noir») ou le Pentagone, où le JSF tient une place de choix (voir le 24 octobre 2008 et le 6 septembre 2010 «L'USAF et le trou noir du Pentagone» et «Comptabilité du trou noir»). Le “trou noir”, qui siphonne toutes les possibilités structurantes pour les détruire, est la structure type du système de déstructuration et, par conséquent, elle trône au cœur du Système comme au cœur du programme JSF. Utilisée pendant longtemps contre les réalités structurantes, cette “structure type du système de déstructuration” intervient désormais contre le Système lui-même, achevant son cycle de crise. Il apparaît évident, d’une façon fort logique, que le programme JSF, à mesure qu’on le fait avancer, accentue sa situation catastrophique, encore plus que s’il faisait du sur-place, et se définit exactement de cette façon.
Ces diverses observations plutôt parcellaires encore, conduisent à des observations générales qui établissent une connexion très forte entre le JSF et le Système. La fameuse prédiction qui fut souvent avancée pendant les premières années des avatars du JSF (“de toutes les façons, les USA sont si puissants qu’ils feront le JSF, quoi qu’il leur en coûte, et qu’ils l’imposeront aux autres”), pourrait s’avérer juste mais, à cause de l’évolution des choses, ne plus concerner les USA et leur puissance, laquelle puissance est en cours d’effondrement, mais le Système lui-même et sa même procédure d’effondrement. Malgré l’absurdité de la chose, les USA pourraient effectivement ne pas abandonner le JSF (malgré certains bruits à ce propos), tous comme les alliés eux-mêmes, et rester enchaînés à une chose qui conduit manifestement à un effondrement, en même temps qu’elle paralyse toute action de redressement ou de compensation. (Le cas britannique est particulièrement révélateur ; il est stupéfiant qu’il ne se soit pas trouvé un seul ministre britannique pour au moins évoquer l’achat de Rafale M français, ce qui aurait à la fois imposé une pression supplémentaire sur les USA et amélioré d’une façon considérable les relations UK-France, à l’avantage des Britanniques ; au lieu de quoi, les Britanniques pourraient bien finalement être obligés d’acheter des Rafale M en catastrophe, autour de 2020, pour ne pas souffrir le ridicule de disposer d’un porte-avions lourd d’attaque ne disposant, lui, que de maquettes-leurre, ou éventuellement d’hélicoptères pour l’“attaque”.)
De ce point de vue de plus en plus évident, le JSF est donc parfaitement un rejeton fondamental du Système, tel que nous décrivons régulièrement le Système : artefact d’une puissance structurelle considérable, il suit une courbe d’accélération d’effondrement qu’il s’impose à lui-même et qu’il impose à ceux qu’il a rassemblés autour de lui et qu’il tient prisonnier, rencontrant ainsi la dynamique d’autodestruction du Système en crise. Sa puissance énorme s’est désormais transformée en une impuissance à mesure, qui est totalement productrice d’une dynamique d’effondrement.
Mis en ligne le 14 mai 2011 à 12H43