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639Le 19 novembre dernier, le CATO Institute (libertarien) donnait à Washington une conférence interne sur les perspectives de réduction du budget de la défense. Parmi les orateurs se trouvait le député Barney Frank, dont on sait qu’il a lancé une initiative bipartisane avec Ron Paul pour une telle réduction du budget de la défense, initiative plus que jamais actuelle. Le 23 novembre 2010, sur son poste de commentaire, sur Ares (AviationWeek.com), Bill Sweetman rapportait dans un court billet quelques éléments de cette intervention. Ils sont du plus haut intérêt.
(Il faut noter, comme le signale Sweetman, que le groupe “Defending Defense qui milite pour déclarer “intouchable” le budget de la défense avait décidé de ne pas participer à cette conférence, malgré une invitation dans ce sens.)
«Asked about the new leadership in the House armed services and appropriations committees, Frank said that the issue would be more important “if the normal rules applied. But they're not going to be in charge any more.” With the nation and congress focused on fiscal issues “the budget committees will be much more important.”
»Frank says that new and rising representatives are trying (for the first time) to steer away from the appropriations committees since they are likely to be doling out cuts rather than contracts. “It's going to be a pain in the ass, not a perk.” As for the possibility of serious change, Frank added, “I'm encouraged that there is a debate.” Mentioning Sen John McCain's attack on newly elected Sen Rand Paul's “isolationism”, Frank observed that “you don't do that unless you see that something is getting traction.”
»Another key quote from the debate, from Cato defense analyst Ben Friedman: “Many of the new Republicans have no coherent position on defense. And that gives me hope.”»
@PAYANT On observera d’abord le fait remarquable d’une grande discrétion des grands commentateurs de la presse-Pravda qui a entouré cette très intéressante conférence ; cette discrétion va de pair avec l’absence du groupe Defending Defense, pour conforter l’opinion que le sujet est très sérieux, très solide, et que ceux qui sont par principe, conformisme et corruption (notamment psychologique) opposés à des réductions du budget de “la vache sacrée” qu’est le Pentagone sont très inquiets. (Dans ce cas d’un sujet délicat où l’on ne se sent pas vraiment de taille, le silence et l’absence sont les armes habituelles du système.) L’appréciation du sérieux du sujet se comprend également dans la remarque de Frank concernant les attaques de McCain contre Rand Paul, que nous jugeons également significatives : si l’affaire n’était pas sérieuse, il n’y aurait pas de telles attaques…
Mais les précisions que nous apportent Frank sont surtout de l’ordre de la technique de fonctionnement du Congrès, qui est un point fondamental, de blocage ou de libération, pour que s’exprime ou non un mouvement nouveau au niveau législatif, donc traduisible dans de véritables changements bureaucratiques, budgétaires, et politiques au bout du compte puisque c’est là le cheminement washingtoniens. Jusqu’à maintenant et toujours en cours, la structure du budget de la défense s’élabore à partir de l’action des puissantes commissions des forces armées, avec leurs innombrables ramifications de sous-commissions, et l’activité zélée des lobbies autour de cette structure parlementaire. Ces commissions et sous-commissions sont peuplées de créatures parlementaires acquises aux complexe militaro-industriel (CMI), des vétérans de la corruption, qui votent les yeux fermés les pharamineux budgets du Pentagone ; et ces actions, par le poids des influences et des processus internes du Congrès, ne sont guère contestées, ni par les autres commissions, ni par les assemblées (Sénat et Chambre) en séance plénière.
Frank annonce que le nouveau Congrès qui entrera en activité le 1er janvier 2011, est essentiellement tourné et concentré vers la question du déficit, c’est-à-dire, selon la structure technique parlementaire, vers les commissions des appropriations et les commissions budgétaires, également avec leurs diverses ramifications. Et c’est là, désormais, estime Frank (qui fait partie de ces commissions) que les postes budgétaires seront structurés, et notamment le budget de la défense. C’est bien la possibilité d'une véritable “révolution” parce que c’est la main-mise directe du Pentagone et du CMI, via les habituels moyens de corruption et d’influence, qui est battue en brèche et déplacée dans une position secondaire, si l’on veut. (Non que les commissions des appropriations et des budgets ne soient elles-mêmes soumises à la corruption et aux influences, mais parce que cette corruption et ces influences ne s’exercent plus en faveur de la défense d’une façon prioritaire. C’est bien ainsi que fonctionne le système de l’américanisme, où la corruption est à la fois générale et diverse, donc n’ordonne pas une politique particulière ; l’essentiel, ce sont les processus techniques, les structures de circulation de l’influence, qui font que telle ou telle politique occupera ou non une position privilégiée.)
Un autre point renforce l’analyse de Frank, qui est l’observation de Ben Friedman. Les nouveaux venus au Congrès n’ayant pas de position sur la défense, ne s’y intéressant guère (y compris dans le sens des réductions budgétaires d’ailleurs), seront d’autant plus inclinés à ne s’intéresser qu’à l’aspect du déficit, lequel conduit par automatisme à des réductions du budget du Pentagone. Si ce budget n’est pas défendu spécifiquement, en tant que tel, par des hommes qui sont pro-défense et qui savent de quoi il est question, il devient infiniment vulnérable parce que sa protection, voire son impunité jusqu'ici dépendent de de l’argument de sécurité nationale (avec la corruption qui va avec), et qu'elles seront soudain soumises à la seule comptabilité autout du déficit. De ce point de vue et dans cette situation nouvelle si celle-ci se concrétise, le Pentagone est évidemment perdant à tous les coups, parce que sa comptabilité est absolument, totalement monstrueuse.
De tout cela, on peut conclure que, oui, une “révolution”, de type bureaucratique et nécessairement silencieuse et feutrée, est désormais possible au Congrès à l'égard (à l'encontre) du budget de la défense. Ce qui, encore une fois car nous l'avons déjà noté, ne donnera pas une réforme forcée et une réduction ordonnée de la puissance du Pentagone, mais bien le désordre le plus complet au sein du Pentagone, déjà bien avancé dans ce domaine, – simplement parce que le Pentagone tel qu'il est ne peut concevoir et bureaucratiquement gérer une réduction de ses moyens.
Mis en ligne le 27 novembre 2010 à 06H07