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6506 mai 2007 — Nous allons prendre comme point de départ de cette réflexion un commentaire d’un lecteur, — “Nico”, dans le Forum du texte cité, au 4 mai, — pour notre “F&C” du 3 mai sur le débat Sarko-Ségo.
Voici ce commentaire :
«Non, pour moi ce n'est pas une victoire de l'histoire. Cela ne veut rien dire. La conception maistrienne repose sur une illusion. Quelle est donc cette force mystérieuse qui mettrait en mouvement des révolutions? Elle n'existe pas, pas même dans un monde platonicien d'idées pures. Le moteur de l'histoire c'est l'homme. L'histoire, c'est l'homme qui la fait. L'histoire, c'est l'homme. Elle n'est pas cette chose qui se déroule sans que nous puissions la maîtriser, elle n'a pas de vie propre. L'histoire ne peut pas être victorieuse, pas même en ce qu'elle représenterait une résurgence ou une continuité de l'existant, un immobilisme. A tout prendre, ce serait la défaite de l'histoire... L'histoire se conjugue au présent, elle est ce qui se passe, ce qu'en font les hommes.
»D'autre part, je trouve vos considérations sur la substance de la femme creuses et frôlant l'essentialisme générique méprisant et ignorant. Je ne rentre pas dans les détails mais vos références à la spécificité féminine et à la substance de la femme sont assez pauvres et ne font que colporter la vision dominante et patriarcale que la société porte sur la femme.
»L'argument de Sarko sur le sang-froid est ridicule comme le reste de ce débat de toute façon. Mais si on considère — pour résumer — que l'histoire se fait toute seule, pas étonnant qu'on préfère la passivité — feinte — d'un Sarkozy à la réaction indignée — feinte également — d'une Royal.»
Ce commentaire est, pour nous, caractéristique. Son ton est quelque peu solennel, il est appuyé sur l’affirmation (“L'Histoire c'est l'homme”) prise comme preuve d’autant plus ferme qu’elle est solennisée, assez peu enclin à la tolérance, s’autorisant ce qu’on reproche à l’autre d’appliquer. C’est un texte qui illustre un très fort besoin d’objectivation dans une époque complètement brisée dans sa prétention d’offrir une vision objective du monde. (Dans ce cas, il nous apparaît évident que nous devons apprécier l’idée de “l'Histoire c'est l'homme” comme “l’Histoire c’est la raison” : l’Histoire peut être expliquée par la raison. C’est une objectivation.) La vision objective du monde étant brisée, la perception étant troublée à mesure, reste la conviction rageuse pour sauver ce qu’on croit qui peut l’être. La conviction est par essence subjectivité. Reste la subjectivité rageuse pour affirmer l’objectivité du monde.
Le débat se résume à ceci : la conviction de “Nico” contre la nôtre, notre subjectivité contre la sienne. La différence entre ces deux convictions nécessairement subjectives est que la nôtre porte sur une affirmation subjective (une affirmation qui dépasse la prétendue objectivité de la raison humaine) tandis que celle de notre lecteur porte sur l’affirmation de l’objectivation de la raison humaine.
Le débat est paradoxal puisqu’il concerne notamment deux affirmations selon lesquelles il ne peut y avoir de débat. La nôtre est péremptoire puisqu’elle fait appel à quelque chose qui dépasse l’homme, mais elle est logique : vous acceptez cette prémisse et alors vous vous inclinez devant le raisonnement, — ou bien, nous quittons ce sujet. L’affirmation antagoniste présentée ici peut avoir un effet terroriste même si elle prétend s’en garder (même si elle le désire sûrement, nous lui faisons ce crédit) : toute liberté vous est laissée puisque nous sommes dans le domaine de l’homme (libre-arbitre) et il est interdit de choisir autre chose que “l’Histoire c’est l’homme”, — jusqu’au paradoxe contradictoire, qu’il faut bien développer sous peine de laisser mettre en question l’idée de la maîtrise de l’homme sur l’histoire, que «l’histoire se conjugue au présent». A y réfléchir, c’est une très forte contradiction dans le terme et un terrible handicap dans la perspective, à moins de résumer l’Histoire au communiqué quotidien du département d’Etat.
Nous vivons une époque en pleine déstructuration. C’est la nature même de la politique qui est développée universellement, qui se justifie explicitement comme une attaque contre les structures existantes. Cette déstructuration commence par l’information, et la déstructuration de l’information se marque par la fin de l’objectivité. A quelque chose malheur est bon, grande loi du monde et de la subjectivité. Cette mort de l’objectivité est une excellente chose puisqu’elle prive notre crédulité intelligente d’un des faux masques les plus efficaces qui aient été créés par l’homme.
Si nous reconnaissons quelque chose à l’intelligence humaine lorsqu’elle se croit elle-même, c’est d’être maîtresse de la tromperie qui conduit à la raison instituée comme chantage permanent, — dito, pour l’exemple, l’American Dream et l’art moderne imposés par le chantage à la modernité. Le seul avantage que nous fournisse cet investissement trompeur du monde par l’homme, c’est l’exigence de liberté qui va avec, qu’il [l’homme] s’est imposée à lui-même pour se conformer à sa démarche intellectuelle. La liberté bien tempérée par la dissidence, c’est en l’occurrence et par excellence l’instrument de déstructuration de la déstructuration. Nous en usons plus qu’à notre tour pour refuser le diktat de la raison déstructurante. Nous reprenons notre liberté, essentiellement au niveau de l’information.
Un des fondements de notre méthodologie, c’est de ne plus considérer aucune information comme objective. Nous nous instituons maître de notre jugement sur la valeur de toute information, — réponse du berger (nous) à la bergère (déstructuration de l’information). Chaque lecteur fera son choix à ce propos.
Par exemple, lorsqu’un lecteur oppose à un texte de 2003 un texte du 25 avril 2007 sur la livraison du F-22 à Israël, texte que nous jugeons comme une nullité dérisoire par son abondance de lieux communs, d’inexactitudes grossières et d’incantations, qu’il nous dit : “vous retardez”, — nous nous jugeons justifiés de dire : entre une nullité du 25 avril 2007 et un texte de 2003, nous choisissons à l’odeur plus qu’à la date. Le lecteur devine notre choix. Cela signifie que nous en restons au texte de 2003 jusqu’à nouvel ordre, et qu’une nullité nouvelle, du 25 avril 2007, n’est pas pour nous “un nouvel ordre”. Un “nouvel ordre” à cet égard serait le démarrage de contacts au niveau du gouvernement israélien, comme dans le cas japonais. (Tout cela est écrit sans aucune vindicte contre le lecteur cité [ni même contre le texte, après tout]. Il a raison de mentionner ce texte, et nous d’y réagir.)
En d’autres mots : ni le statut évidemment faussaire de l’information, ni le fait de l’antériorité même s’il est flagrant ne sont une référence. Pour nous, l’Histoire ne se conjugue pas une seule seconde au présent. La seule chose que fournisse le présent, c’est l’outil de critique de tout ce qui s’y déroule, pour en nourrir aussitôt l’Histoire qui échappe évidemment au présent.
Nous travaillons sur des hypothèses, que nous exposons le plus clairement possible. L’une d’entre elles s’appelle : l’approche transcendantale de l’Histoire. Elle correspond, chez nous, à une intuition et à une conviction. Nous ne l’imposons à personne par la pression de la raison terroriste.
Nous travaillons avec notre raison comme outil, — et jamais notre raison comme idéologie, — sur des hypothèses évidemment et éminemment subjectives. Contre cela, l’argument du ridicule (contre notre conception de l’Histoire) est lui-même ridicule, et cela va de soi. Poser comme une évidence que “l’Histoire c’est l’homme” quand on voit ce qu’est l’homme et ce qu’il fait de l’Histoire quand il parvient, selon notre point de vue, à l’influencer nous suffit comme argument, pour chercher une autre voie, — surtout quand nous sommes sollicités par l’intuition et par des références auxquelles nous tenons (Maistre).
(Nous pensons effectivement que quelques cas d’espèce échappent à la règle de l’Histoire, mais au point où nous nous demandons si ce n’est pas une sublime machination de l’Histoire. Au terme de notre système, il est vrai que des hommes influencent l’Histoire. C’est le cas de GW, qui a échappé à la surveillance du système et dispose par traquenard constitutionnel de la clef d’accès aux puissances du système. L’ironie sublime est que GW a comme conseiller principal Qui-Vous-Savez, là-haut dans l’Olympe. L’ironie accessoire est qu’il a mis en 6 ans les USA à genoux. Bref, il a beaucoup travaillé pour nous et il lui sera beaucoup pardonné.)
Par bonheur, nous sommes dans une période où, par la tromperie qu’il organise lui-même, l’homme a perdu tout rapport avec l’Histoire, — et, dans ce cas, GW est la typique “exception qui confirme la règle”. (Cette remarque implique, c’est notre hypothèse, que l’Histoire existe “en soi” pour notre compte. Qui ressent la grandeur de cette intuition nous suive.) Notre conviction à cet égard correspond de façon très humaine et très raisonnable à notre besoin de sens : l’alternative à notre hypothèse, c’est le nihilisme, l’absence de sens, le désespoir, — qui peuvent désormais être pris comme caractères de “l'Histoire c'est l'homme”. Ce n’est pas un dilemme ou une interrogation pour nous, c’est notre parti-pris, c’est notre choix clairement affirmé. C’est aussi une aventure intellectuelle puisqu’elle n’implique ni l’irrationalité, ni la déraison ; au contraire, la raison est plus que jamais présente, comme outil ; quant aux jugements de subjectivisme contre nous qui sentent la poudre, ils sont fondés selon notre perception sur des références douteuses (la raison comme idéologie, l’objectivation forcée du monde).
Si nous considérons Sarko et Ségo, leurs arguments, leur débat, etc., à la lumière de “l’Histoire c’est l’homme”, le nihilisme et le désespoir triomphent dans notre jugement. (Du type, grossièrement dit : tout ça pour arriver à ça ?) Nous choisissons de les considérer à la lumière de notre hypothèse. Cela donne ce que vous avez lu, avec la cerise sur le gâteau que l’un ou l’autre (plutôt Sarko à notre sens) pourrait être, une fois élu, touché par la grâce transcendantale de la fonction. Il (le candidat élu) pourrait devenir, sans qu’il mesure et encore moins dirige le phénomène, un(e) président(e) acceptable ; il pourrait devenir un bon outil de l’Histoire et de la France, la Grande Nation de l’Histoire ; un outil sans réticence et sans complication.
Essayons ce conseil au lecteur récalcitrant : essayez d’écarter les attaques pressantes de la vanité dont tout esprit humain est l’objet permanent et réfléchissez à l’hypothèse. Vous verrez que notre hypothèse vous apporte l’apaisement de l’âme et qu’elle suggère une cohérence du monde qui enlève son angoisse à l’esprit, en plus d’ouvrir les portes de l’aventure intellectuelle. Sinon, bon vent et sans nous.
• Premier PS : ah oui, la liberté? (Disons, la liberté générale ou “stratégique”, parce que la liberté spécifique ou “tactique”, elle, subsiste.) L’Histoire maistrienne nous en prive? C’est une idée à développer. Sur l’essentiel, c’est vrai, vous aboutissez à un déterminisme. Ce n’est pas si monstrueux pour qui accepte la nécessité de l’ordre du monde. Sur le fond, nous préférons ce déterminisme-là, le nôtre, au déterminisme du Progrès, surtout depuis la Bombe, la globalisation et la crise climatique. En un mot, nous ne voyons pas comment l’Histoire peut échapper au déterminisme selon quelque approche qu’on choisisse ; n’importe quel déterminisme, y compris celui du chaos ou de l’entropie. Nous ne nions pas la liberté ; nous la voyons, comme la raison, plus comme un outil (une tactique) que comme un fondement.
• Second PS : nous n’avons rien dit quant aux remarques de notre lecteur “Nico” sur notre appréciation de Ségo (pour caricaturer, notre soi-disant sexisme) car à chaque jour suffit sa peine. Le sujet de cette analyse est la question de l’Histoire et il exige que nous nous tenions à ce cadre. Entre-temps, une autre contestation est arrivée (voir le Forum du “F&C” du 3 mai, en date du 5 mai, notre lecteur “Cosmofish”). Peut-être va-t-il bien falloir que nous y revenions, si Dieu nous prête vie et inspiration.
• Troisième PS : que les lecteurs cités prennent tout cela en bonne part. Nothing personnal. Juste une bonne occasion qu’ils nous ont donnée de vitupérer à notre tour, en attendant les résultats du second tour (qui nous angoissent, vous n’imaginez pas à quel point).
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