Pourquoi ils ont fait cette “guerre”

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Pourquoi ils ont fait cette “guerre”

8 novembre 2003 — De nouvelles révélations ont apporté des précisions intéressantes sur le comportement de la soi-disant “coalition” à l’encontre des Irakiens, dans les dernières semaines avant la guerre. Divers articles de la presse anglo-saxonne s’en sont faits l’écho : notamment dans le Guardian du 7 novembre, dans l’International Herald Tribune (New York Times) du même jour, et, aussi, un éditorial du New York Times pour accompagner cet article.

L’affaire est décrite de façon précise et elle est significative. On la présente ici avec quelques paragraphes de l’article de l’IHT/NYT du 7 novembre.

« As American soldiers massed on the Iraqi border in March and diplomats argued about war, an influential adviser to the Pentagon received a secret message from a Lebanese-American businessman: Saddam Hussein wanted to make a deal. Iraqi officials, including the chief of the Iraqi Intelligence Service, had told the businessman that they wanted Washington to know that Iraq no longer had illicit weapons and they offered to allow American troops and experts to conduct an independent search.

» They also offered to hand over a man accused of being involved in the 1993 World Trade Center bombing who was being held in Baghdad. At one point, the intermediary said in an interview, the Iraqis pledged to hold elections.

» The messages from Baghdad, first relayed by the intermediary in February to an analyst in the office of Douglas Feith, the under secretary of defense for policy and planning, were part of an attempt by Iraqi intelligence officers to open last-ditch negotiations with the Bush administration through a clandestine communications channel, according to people involved in the discussion.

» The efforts were portrayed by Iraqi officials as having the approval of Saddam, according to interviews and documents. »

L’histoire qui nous est rapportée a-t-elle beaucoup d’importance en elle-même ? Tout ce qu’elle nous dit, nous le savons déjà : que le régime de Saddam était aux abois et ne demandait qu’un arrangement lui permettant de survivre, qu’il n’avait aucune arme de destruction massive, qu’il n’avait aucun projet terroriste ou autre, etc. Bref, tout ce qu’il y a de plus extrême en fait d’arguments rationnels contre la guerre américaine contre l’Irak, on le retrouve ici, exposé effectivement de façon rationnelle, et, c’est le point fondamental, — complètement rejeté par Washington.

Les multiples tentatives, contacts, etc, aboutirent à une rencontre entre Richard Perle et un intermédiaire libanais représentant les Irakiens désireux de traiter, le 7 mars, à l’hôtel Marlborough à Bloomsbury. L’entretien dura deux heures. Perle jugea les propositions suffisamment importantes pour les relayer. Elles furent rejetées directement par le Président et le Vice-Président : « A US intelligence source insisted that the decision not to negotiate came from the White House, which was demanding complete surrender. »

Tout cela ne nous apprend rien dont nous ne fassions déjà l’hypothèse, de façon circonstanciée et sérieuse, contre la vague folle d’informations virtualisées lancées depuis Washington pour parvenir à la guerre. Effectivement, Washington voulait cette guerre et vivait dans la construction virtualiste qui y menait de façon inéluctable. La situation est alors bien résumée par ce paragraphe de l’édito du New York Times, — et, dans ce paragraphe, on retiendra, plus que les circonstances (les troupes prêtes à l’attaque), les espérances folles qui emportaient l’administration sur ce qui allait se passer après la victoire acquise des forces américaines :

« By March, Washington's military and political preparations for war were complete. The Bush administration was then showing little patience for diplomacy or anything else that might delay what it envisioned as a swift and easy military triumph, with jubilant Iraqis cheering American troops, a model Middle Eastern democracy rising in Baghdad, reconstruction paid for by Iraqi oil revenue and no lengthy military occupation. »

Tout ce qui a été écrit des plans de reconstruction du monde au travers de cette victoire, des rêveries exaltées d’“américanisation” du monde, — tout cela est confirmé par ces révélations. Était-ce vraiment nécessaire ? Disons qu’il n’est pas inutile qu’il y ait quelques pièces de plus au dossier.

Pour le reste, le commentaire va de soi. Il nous dit que nous nous trouvons véritablement face à une machine à fabriquer un monde virtualiste à côté du vrai monde, une machine qui prétendait (et prétend encore, certes) imposer par cette illusion totale une réalité si énorme qu’elle aurait prétendu être le plus grand empire que le monde ait connu. Ce n’est plus là le territoire des affrontements auxquels on aime bien réduire ces questions, entre anti-américanistes grimés en agents subversifs et pro-américains prétendant défendre la civilisation occidentale. Ces schémas relèvent de la sornette pure et simple. Nous nous trouvons, au contraire, devant des situations où se mêlent des ambitions folles qui sont du type de la barbarie moderniste, des situations de complète fabrication, des mécanismes déstructurants, des rêveries confondantes par leur naïveté, des fraudes de la réalité du monde érigées en vertus et en entreprises de moralisation qu’on pourrait aussi bien qualifier de décervelage. La guerre irakienne est bien celle qu’on croyait.