Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
410Un nouveau champ d’affrontement semble ouvert entre le F-22 et le F-35 à la suite de l’élaboration des versions de la Chambre et du Sénat US de la loi budgétaire FY2010 du Pentagone. Ces textes pressent explicitement le Pentagone d’examiner le développement d’une version du F-22 Raptor destinée à l’exportation ce qui prend en compte une poussée récemment réapparue. Cette initiative a tout son poids lorsqu’on sait que, jusqu’ici, c’est une loi du même Congrès qui interdit l’exportation du F-22 pour des raisons de protection des technologies; à moins d’accepter l’hypothèse, d’ailleurs pas si absurde, d’un Congrès schizophrène, on doit admettre que cette loi n’a plus guère de poids et qu’elle devrait être rapidement abrogée ou, dans tous les cas, décisivement amendée.
Cette licence formelle donnée par le Congrès pour l’exportation du F-22 concerne essentiellement le Japon, mais d’autres pays (Australie, Israël) sont mentionnés, et l’un d’eux a réagi au quart de tour. Des sources du ministère de la défense israélien ont informé le Jerusalem Post, ce 3 juillet 2009, que les militaires israéliens étaient diablement intéressés.
«The Israel Air Force will review the possibility of purchasing the advanced American F-22 fifth-generation stealth fighter jet if a congressional ban is lifted, enabling it to be sold abroad, defense officials told The Jerusalem Post on Thursday.
»Referring to recent reports in the US that Congress had asked the Air Force to submit a report on the possibility of exporting the jet to Japan, Israel and other allies, a senior defense official said if this happened, “we will have to consider the option.” “This is an advanced fighter jet of superior capabilities,” the Defense Ministry official said. “It will depend, though, on the price, availability and time frame.”»
Un peu plus loin, le journal annonce ceci, qui est évidemment l’essentiel pour notre propos: «Israel is already in advanced talks with the Pentagon regarding the possible sale of the Joint Strike Fighter (JSF) – also known as the F-35 – to Israel. Both planes are manufactured by Lockheed Martin, but Israeli defense officials said the F-22 was capable of flying at higher altitudes and could carry more weapons internally. “A lot will depend on the outcome of the ongoing talks regarding the JSF,” the defense official said. “If the export ban on the F-22 is lifted, things may change.”»
Les Israéliens ont beaucoup pensé au F-22 depuis quelques années; d’abord, pour repousser la perspective d’un achat (en novembre 2003), puis pour l’envisager, au contraire. (On voit que le débat remonte à 2003, ce qui est significatif de la lenteur du développement des grands systèmes d’arme US aujourd’hui, et des décisions à leur égard également.) Entretemps, la situation s’est fortement “politisée”, avec l’élargissement du cas du F-22 à ses rapports absolument conflictuels avec le JSF.
Les derniers échos concernant les négociations entre Israël et le Pentagone pour l’engagement israélien dans le JSF font état de très fortes pressions US auxquelles les Israéliens devraient envisager de céder malgré les conditions astronomiques imposées par la partie US ($15-$20 milliards pour 75 JSF). Cela, jusqu'à cette affaire de l’exportation du F-22, qui s’est concrétisée à la fin du mois de juin. La réaction des Israéliens est compréhensible. Elle s’interprète de deux façons:
• Ou bien les Israéliens veulent vraiment s’orienter vers le F-22, estimant que cet appareil ne leur coûterait pas tellement plus cher que le F-35 au prix que leur impose le Pentagone, et qu’il ne serait pas plus emprisonné par des restrictions que celles que prévoit le Pentagone pour le F-35. Dans ce cas, effectivement, pourquoi ne pas chercher à acquérir un système qui a des capacités bien plus grandes que celles du F-35?
• Ou bien les Israéliens veulent utiliser la “menace” d’achat du F-22 pour obtenir quelques concessions du Pentagone sur le prix et les restrictions du F-35. Moyen de pression habituel, qui s’apparente par ailleurs au principe de la concurrence dont le F-35 a jusqu’ici été protégé avec constance par le Pentagone.
• …Ou bien encore, les deux interprétations sont valables en même temps et se complètent d’ailleurs, les Israéliens pouvant aller à l’une ou l’autre option selon l'évolution des choses.
Effectivement, le F-22 apparaît de plus en plus, s’il est sauvegardé de multiples façons par le Congrès, comme le pire ennemi du F-35 qu’il attaque de tous les côtés. S’il continue à exister, une rhétorique ancienne va réapparaître d’une façon officielle, qui consistera à dévaloriser les capacités du F-35 pour mettre en évidence celles du F-22, alors que toute la logique virtualiste du “gang JSF” (le JSF Program Office et Lockheed Martin) a été depuis plus d’un an de proclamer que le JSF est équivalent, voire supérieur au F-22. D’autre part, si cette affaire continue à évoluer dans ce sens, Lockheed Martin va finir par se rappeler qu’il produit également le F-22, et se trouver en situation de conflit d’intérêt entre le F-22 et le F-35.
L’interprétation est intéressante si elle se développe dans la réalité. Le programme F-22 va devenir l’arme déstructurante par excellence du programme JSF, lui-même programme déstructurant au départ puisqu’il attaque avec des intentions prédatrices l’industrie de l’armement non-US, notamment européenne. Selon la logique algébrique (moins plus moins égale plus) ou la tactique des affinités (les ennemis de mes ennemis sont mes amis), le F-22 deviendrait ainsi indirectement un programme structurant de l’industrie européenne.
Mis en ligne le 6 juillet 2009 à 09H58