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57672 septembre 2023 (16H50) – Poutine s’est adressé hier à un groupe d’élève, dans une classe moscovite, à l’occasion de la rentrée scolaire annuelle qui avait lieu vendredi. Poutine a évoqué le sort de sa famille durant la Deuxième Guerre Mondiale, et notamment celui de sa grand’mère, abattue par les Allemands. Elle agonisait et elle a passé ses derniers instants à demander à son mari de ne pas pleurer pour ne pas semer le désarroi au sein de sa famille.
Poutine a marqué cette intervention d’une intense émotion spirituelle et d’une réaffirmation puissante de la valeur et de la profondeur métahistorique de la nation russe : une telle nation dit-il « est invincible ».
« “Comprenez-vous la profondeur de ces relations entre les gens ordinaires, de cet amour ?” a déclaré le président, ajoutant que, même agonisante, sa grand-mère s'occupait de l'être aimé. “Comment ne pas prendre cela pour modèle ?” Poutine a également déclaré que tous les membres de sa famille éprouvaient un profond respect les uns pour les autres et possédaient une “forte culture intérieure”.
» Poutine a également déclaré qu'il pensait que la plupart des familles en Russie étaient comme cela. “Et c'est là que j'ai compris pourquoi nous avons gagné la Grande Guerre patriotique”, a déclaré le président, faisant référence à la lutte des Soviétiques contre l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. “Il est impossible de vaincre un peuple doté d'une telle mentalité”, a-t-il ajouté, précisant que “nous avons été absolument invincibles. Et nous le restons encore aujourd'hui”. »
D’une façon assez significative, comme s’il existait un parallèle de volonté d’affirmation patriotique et spirituelle, mais ici selon une orientation différente et moins émotionnelle qui est celui de l’avancement de l’histoire, le ministre Lavrov a fait une intervention également d’un haut niveau intellectuel et spirituel. Plutôt que glorifier le rôle de la Russie, Lavrov a choisi de critiquer gravement, également d’un point de niveau politique et métahistorique impliquant la dimension spirituelle, le rôle des nations du bloc-BAO, de l’Occident-nihilistif et autodestructif. La démarche était inverse dans la forme et le trajet, mais absolument similaire sur le fond et sur l’intensité.
Lavrov s’adressait à des étudiants en formation du ministère des affaires étrangères, le MGIMO, l'Institut d'État de Moscou pour les relations internationales qui est cette université russe de premier plan où le ministère des affaires étrangères recrute une grande partie de son personnel.
« La politique étrangère actuelle de l'Occident “vise à ralentir la marche de l'histoire” et “entraînera de nouvelles confrontations, de nouvelles difficultés pour la communauté internationale”, a averti le haut fonctionnaire russe dans un discours prononcé vendredi. Il appartiendra aux diplomates de démêler ces situations.
» Le ministre a réitéré la position de Moscou selon laquelle les nations occidentales sont une source majeure d'instabilité, affirmant qu’“elles veulent littéralement dominer le monde, imposer leur ordre mondial unipolaire ... pour continuer à prélever un tribut sur l'humanité”.
» De nombreux autres pays, dont la Russie, s'opposent à cela et recherchent un ordre mondial multipolaire plus juste, vers lequel la transition est inévitable tôt ou tard, a déclaré Lavrov. Les pays occidentaux “créent des obstacles” à cet égard, mais ce faisant, ils sapent leur propre pouvoir, a-t-il affirmé.
» “Ce n'est pas que nous voulions détruire le dollar, [c’est eux qui s’en chargent]. Les États-Unis ne font plus en sorte de jouer le rôle qui convenait autrefois à tout le monde”. »
Sans aucun doute, ces déclarations au contenu dramatiques n’ont pas été faites dans un cadre et un apparat dramatiques. Au contraire, elles se trouvaient “adoucies” par un cadre détendu, universitaire. Mais le système de la communication ne l’entendait pas de cette oreille ni de ce micro ; il s’en est emparé, les a isolées du contexte et fait de ces déclarations des affirmations dramatiques.
Dans ce cas, – et cela survient souvent, selon les conséquences de l’effet-Janus du système de la communication, – ce qui a paru être une distorsion de la réalité du fait de la communication s’affirme en fait comme une vérité-de-situation du fait de l’effet-Janus. Le système de la communication, avec ses habituels subterfuges, a rétabli la véritable intensité dramatique de ces déclarations. Il importe de les prendre alors dans cette dimension, non seulement comme des affirmations de volonté inébranlable, comme l’affirmation de la stature et de la position spécifique de la Russie, comme l’affirmation de l’infamie des pays de l’autre côté, mais d’abord comme la confirmation que nous nous trouvons à nouveau dans un passage extrêmement grave et difficile de la crise où les plus catastrophiques déroulements sont possibles.
Ce n’est pas un signe indifférent que les déclarations d’avant-hier de Tucker Carlson sur la possibilité de l’assassinat de Trump et d’une guerre mondiale nucléaire aient été considérées avec tant d’intérêt dans le monde russe de la communication, et dans le sens d’une approbation de l’évocation de la possibilité d’un conflit nucléaire au plus haut niveau. Cela correspond à un état d’esprit prévalant chez les Russes actuellement, et alors les déclarations mentionnées ici, surtout celle de Poutine, mais surtout l’aspect solennel de ces déclarations, s’inscrivent absolument dans ce climat.
Il est également remarquable que les deux déclarations se complètent et permettent l’une l’autre d’être chacune mieux comprise. A elles deux, elles définissent parfaitement, non seulement la politique de la Russie, non seulement sa stratégie, mais plus encore et au-delà le destin de la Russie. Car il ressort aussitôt de ces deux déclarations, – est-il nécessaire de la préciser ? – que la Russie a un destin.
• Poutine proclame la Russie “invincible”, c’est-à-dire indestructible, c’est-à-dire ne craignant aucune attaque. C’est une affirmation défensive, comme l’est l’exemple de la Grande Guerre Patriotique, qui balaie toutes les suggestions d’impérialisme... D’ailleurs, si “la Russie a un destin”, comme c’est l’évidence, et que le Ciel l’a douté du plus immense territoire avec les plus immenses richesses qu’on puisse imaginer, que voudrait-on qu’elle aille faire de conquêtes extérieures ?
• Lavrov complète le mot de son président en désignant ceux qui empêchent la Russie d’assurer son destin qui est proclamé comme étant de vivre dans la concorde, l’équilibre et l’harmonie d’un monde pacifié : l’Occident-collectif n’a pas encore compris cela (sous-entendu, et de plus en plus, parce que l’Ouest-collectif ne peut pas comprendre cela).
S’il y a la remarque que la situation est dans une séquence beaucoup plus tendue, comme je le ressens, il y aussi la remarque, à la suite de ces observations, que la Russie a notablement durci sa position, – non seulement en Ukraine, mais surtout dans les relations internationales. Elle l’a durcie à la manière Poutine : avec une certaine retenue, le plus grand calme et presque une certaine douceur (mais ironique), – mais avec, derrière, une fermeté d’acier, de bronze, de granit, bien plus grande qu’elle ne l’était le 24 février 2022.
Tout cela n’enferme pourtant pas les Russes dans des options ‘imposées’, même avec leurs meilleurs amis. Les Russes parviennent souvent à l’exploit de rester dans les meilleurs termes avec les Chinois et les Indiens alors que ces deux immenses puissances, par ailleurs liées par des organisations (BRICS et SCO) où les Russes jouent un rôle essentiel, ne cessent de se chamailler. Aujourd’hui, les Russes ne craignent pas de juger la position des Chinois “ridicule” dans la querelle avec l’Inde, à propos de la carte frontalière chinoise ; et ils ne craignent pas d’avertir Modi qu’ils ne signeront pas le communiqué de “son” G20 (réunion à Delhi) si un mot est dit sur l’Ukraine, qui ne leur plaît pas
Il y a dans ces diverses habiletés qui ne dissimulent en rien une formidable fermeté, une très grande spiritualité qui fait l’essentiel. Cela est ressenti comme une perception de l’âme, cela est deviné plus que compris, il y a chez les Russes et dans leur destin, cette ardente spiritualité, – je ne cesse de m’y référer depuis si longtemps, dans l’époque crisique commencée en 2001-2008, – qui fonde leur influence et dispense une aura sans égale. Par les temps qui courent, qui sont particulièrement propices à cet aspect de la métapolitique russe, c’est une singularité qui pèse de tout son poids.