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4 juin 2004 — Oui, pourquoi George Tenet a-t-il démissionné ? C’est-à-dire, nul n’en doute : pourquoi a-t-il été sacrifié ? (Ce qui reste à voir.) Les conditions de sa démission sont complètement étonnantes. (Selon The International Herald Tribune (IHT) « Senator Dianne Feinstein, Democrat of California, called the timing of Tenet’s resignation ‘‘unusual,’’ and said the reasons for it should be fully explained. ‘‘I hope that this doesn’t send to the rest of the world a message of disarray.’’ ») Le moment choisi, évidemment, est étonnant : en pleine campagne électorale, alors que l’une des vertus affirmées de l’administration GW, c’est sa solidité et son intégrité en tant qu’équipe chargée de sécurité nationale ; en pleine guerre d’Irak, vue comme un conflit qui est le parangon de l’espérance de la civilisation occidentale, l’antichambre de la IVe Mondiale dernière, et patati, et patata.
Les arguments avancés en général pour le départ de Tenet sont douteux. On cite essentiellement la responsabilité de la CIA dans l’incapacité à prévenir l’attaque 9/11 et l’absence des ADM annoncées en Irak. La CIA n’est pas seule en cause, loin de là, et même elle est loin d’être la plus critiquable dans les deux cas. Et puis, ceci, qui est l’évidence même : une démission au moment de la polémique, peut-être (par exemple, janvier pour les ADM), — mais maintenant où ces polémiques sont éteintes, ou en tous les cas complètement remplacées par d’autres qui défilent à la vitesse d’un train à grande vitesse ? Aujourd’hui, on chercherait plutôt un responsable/bouc-émissaire pour le système des tortures, non ? Et, celui-là (Rumsfeld), au contraire on l’épargne et on réaffirme sa légitimité. (Mais Ray McGovern, dont nous parlons ci-après, signale, dans une interview à Democracy Now, l’idée que Tenet n’est que le premier d’une liste de têtes à faire rouler, que Rumsfeld et Wolfowitz suivront…)
… Mais justement, les tortures, — parlons-en. C’est ce que fait le même Ray McGovern, qui fut officier de la CIA pendant un quart de siècle. On le voit un peu plus loin, dans un extrait du texte déjà signalé, où McGovern évoque la possibilité d’une action judiciaire contre GW Bush, lorsqu’il aura quitté la présidence, s’il la quitte (justement, tout est là), c’est-à-dire d’une inculpation pour responsabilité de “crimes de guerre” (à cause des tortures).
… Passons maintenant à une autre question, en revenant à Tenet. A nouveau, la sénatrice Fernstein, cette fois citée par le Guardian, qui fait cette remarque complétée par rapport à la citation de l’IHT : « We're within a few months of a presidential election. We're in the middle of a major alert with respect to the anticipation that there might be another attack on our own country. And to have the head of the intelligence community resign at this particular point in time is very unusual. ».
C’est effectivement sur cette question d’une attaque possible (Fernstein : « We're in the middle of a major alert with respect to the anticipation that there might be another attack on our own country ») que McGovern appuie l’essentiel de ses réflexions éditoriales actuellement. Dans le texte de l’interview citée, l’interrogateur passe, avec une question, du cas Tenet à un autre scandale CIA, le scandale Plame issu d’une révélation faite en juillet 2002 par le journaliste Robert Novak sur l’officier de la CIA Valerie Plame : «
Et la réponse de McGovern, évidemment, vaut d’être pesée (surtout le deuxième paragraphe) :
« RAY MCGOVERN: Yeah, I’m just fresh actually from writing an Op-Ed on the general question of the president seeking private counsel. I think he’s learned from one very large mistake. That is he’s learned by going to a private counsel to get advice on the Valerie Plame case. I think he’s probably by now read the memorandum of 25 January 2002 that Alberto Gonzalez, his chief White House counsel wrote to him. This is the one that says, well you know, Geneva Conventions, that’s kind of a nettle here. We have US law actually, dated 1996 which makes it a crime punishable by death to rescind from or to ignore or to exempt people from the Geneva Conventions on prisoners of war. But Ashcroft says it’s okay as far as the Al Qaeda people are concerned, and I think it’s probably okay to exempt the Taliban as well. And the only downside is that exempting people is a slippery slope and people might come up with some ambiguity with respect to which prisoners qualify for such protection and which do not. And so he finished up by saying, there’s a reasonable basis in law Mr. President, that you will not be prosecuted for war crimes under the US code, War Crimes Act of 1996. Now if I’m President Bush and I finally read that thing because Newsweek has it printed, and I say, my goodness, there’s a reasonable basis in law that I won’t be prosecuted?
« I’m going to have a couple of really second thoughts here. One is that next time I’m in a situation like this I’m certainly going to seek independent counsel. But another is, my God, four more years becomes even more important to me and to Ashcroft and to Rumsfeld. Gonzalez specifically warns that who knows, some future administration or some future group might sue you for violating the Geneva Conventions. And not only the Geneva Conventions but to the degree that they are embedded in this US law of 1996, and so you’re really, we have a strong basis in law but we can’t exclude the possibility. So four more years? Why do I say all this? I say all this because I am more frightened now than at any time over the last three and a half years, that this administration will resort to extra-legal methods to do something to ensure that there are four more years for George Bush. And Ashcroft’s statement last week, gratuitous statement, uncoordinated with the department of, CIA, with the Department of Homeland Security, his warning that there is bound to be a terrorist strike before the US elections. That can be viewed and this can be reasonably viewed as the opening salvo in the justification for doing, taking measures to ensure that whatever happens in November comes out so that four more years can be devoted to maybe changing that war crimes act or protecting at least these vulnerable people for four more years. »
Dans l’atmosphère d’extraordinaires intrigues qui règne à Washington, avec le système en pleine panique et un sentiment funèbre qui se répand sur le sort de ce système, il est difficile de ne pas rapprocher cette hypothèse de McGovern sur la question d’une attaque terroriste manipulée dans la campagne électorale, avec le départ de George Tenet. L’hypothèse devient de savoir s’il y a interférence entre les deux points, selon ces deux approches :
• Tenet a-t-il été chassé parce qu’il risquait d’interférer dans ces manigances et manipulations autour d’un attentat terroriste aux USA ?
• Tenet est-il parti de son plein gré (c’est aussi une thèse qui a ses partisans) pour s’écarter de ces manigances et ne pas devoir les affronter, d’une façon ou l’autre ?