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646Signe du ciel ? A l’inverse de celui venu d’Enola Gay, certes, — le soir même (hier soir) du jour (hier, 13H15) où nous le citions, le documentaire repassait sur la chaîne Histoire, à 20H30. Il semble que ce soit une diffusion exceptionnelle, qui ne repasse pas comme c’est la coutume sur ces chaînes thématiques, — dommage. Il s’agit d’un document produit par Antelope en 1995 pour la BBC et History Channel, dont le sous-titre générique est : « Comment fut prise la décision de lancer la bombe atomique ».
On retrouve le témoignage que nous citions de mémoire. L’officier aide de camp de Truman est George Elsey. En fait, notre citation de substance reprenait par un travail inconscient de rangement de la mémoire plusieurs témoignages et opinions allant dans le sens de Elsey : celui du professeur Bruce Mazlich (« On l’avait, il fallait le faire, on avait dépensé trop d’argent »), identifié comme faisant partie à l’époque des “services de renseignement” (l’OSS ?) ; celui du fameux économiste John K. Galbraith, qui ajoute cet autre argument : « C’était la logique des militaires alors : nous avons une arme, il faut l’utiliser. »
Un autre témoin, identifié également comme “officier de renseignement”, a cette phrase sibylline, concernant l’intransigeance extraordinaire de l’administration Truman en juillet 1945, écartant toute possibilité de capitulation japonaise avant l’utilisation de la Bombe : « Nous ignorions alors l’existence de la bombe. Nous ignorions que l’intransigeance du président était justifiée par la volonté d’utiliser la bombe atomique. »
Revu dix ans plus tard, le document nous apparaît confirmé comme un véritable pamphlet anti-Bombe, extrêmement bien documenté, à partir de témoignages irréfutables dont aucun n’est vraiment polémique. Il montre bien l’immense barbarie inconsciente de l’acte, et même la bonne conscience satisfaite qui survit chez certains aujourd’hui ; c’est ce qu’il y a de plus insupportable, dans ce que montre ce document : l’absence de conscience de l’acte. On comprend qu’il n’y a rien à attendre de cette barbarie-là, avec cette certitude de la vertu satisfaite, petite-bourgeoise et médiocre, provinciale dans le pire sens du terme qui réfute tout changement de son opinion obstinée, provinciale à-la-Truman tel qu’il apparaît dans le documentaire (Truman, un des héros de nos pro-américains soi disant raisonnables d’aujourd’hui). C’est la tragédie de voir la puissance du feu divin aux mains des plus petits hommes modernes qu’on puisse imaginer (le “dernier homme” de Nietzsche, sans aucun doute).
[N.B. Une note pour notre lecteur “Louis Maime” soi-même : nous maintenons l’utilisation de l’expression “lancer la Bombe”, notamment avec l’emploi du “B” majuscule, et bien qu’il y en ait eu deux. Cela désigne, de façon symbolique, l’acte d’utiliser l’arme atomique puis nucléaire, de passer à une ère nouvelle de l’histoire militaire, de l’Histoire tout court, l’acte d’aller jusqu’au bout des effets de la modernité mécaniste. L’expression est symbolique plus qu’historique ou militaire. Elle était employée à l’époque (notamment à Los Alamos) et resta longtemps d’emploi courant. Parlant de “la Bombe” (puis de “la Super” pour l’arme thermonucléaire, ou “Bombe H”), tout était dit.]
Publié le 7 août 2005 à 06H40