Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
47565 février 2021 – Comme vous l’observez, Poutine est de retour, comme si le départ de Trump l’avait replongé dans ses angoisses existentielles (plutôt qu’à des espérances inespérées, je crois) à propos du comportement des États-Unis. Je me demande si la conversation téléphonique qu’il a eue avec “Ol’White Joe” n’est pas pour beaucoup dans ce changement de posture ; je parle du vide, de l’absence, de la sénilité qu’on peut ressentir à discuter avec le vieux nouveau-président ; peur du désordre du pouvoir, de l’absence de contrôle, etc.
Il y a beaucoup de belles casquettes qui font grand cas du discours que Poutine a donné à la réunion restreinte et virtuelle de quelques têtes couronnées, dans la plus stricte intimité, que l’on tenait à Davos, à la fin janvier. Poutine, qui n’est plus venu à cette fiesta depuis 12 ans, était là, en communication virtuelle avec la ‘Davos Crowd’, au côté de son grand ‘pote stratégique’, le Chinois Xi.
Voyez l’enthousiasme de Pépé Escobar, relayant celui de Rostislav Ishchenko, avec un sens inné de la guerre de communication de nos Derniers Temps, qui atteint désormais, démence hystérique en plus, l’intensité de la Deuxième Guerre mondiale (voir notre rarissime emploi du caractère gras) : « La meilleure analyse approfondie de l’extraordinaire discours de Poutine, d’une source absolument fiable, a été fournie par Rostislav Ishchenko, que j’ai eu le plaisir de rencontrer à Moscou en 2018.
» Ishchenko souligne comment, “en termes d’échelle et d’impact sur les processus historiques,[ce discours] est d’une plus grande force que les batailles de Stalingrad et de Koursk réunies”. Le discours, ajoute-t-il, était totalement inattendu, tout comme l'intervention stupéfiante de Poutine à la conférence de Munich sur la sécurité en 2007, “l’écrasante défaite” infligée à la Géorgie en 2008, et le retour de la Crimée en 2014.
» Ishchenko révèle également quelque chose qui ne sera jamais reconnu à l'Ouest : “80 personnes parmi les plus influentes de la planète n’ont pas ri au nez de Poutine, comme l’on avait fait en 2007 à Munich ; sans bruit, immédiatement après son discours dit publiquement, on passa à la vitesse de l’éclair en séance à huis-clos pour s’entretenir avec lui”. »
Vous vous rappelez certainement, du moins “je l’espère en théorie”, de ce discours de février 2007 à Munich, et qu’on a commenté ici même en son temps ? Pensez-y... Il apparaît à la fois effronté, excellemment documenté, extrêmement précis pour sa prospective, dénué de toute passion trompeuse et intolérante, confiant dans le bon sens et la structure de l’analyse, et lorsqu’on observe ce qui a suivi absolument juste et nullement dénué de certaines espérances (d’un point de vue objectif, dirais-je, c’est-à-dire pour nous promettre autre chose qu’une catastrophe), – en général déçues, ces espérances, mais nullement réduites en poussière jusqu’à produire leur contraire catastrophique.
Je pense, ou disons que je ressens intuitivement que celui-ci, de Davos-2021, est d’une tonalité bien plus sombre, peut-être catastrophique, peut-être apocalyptique, malgré les propositions qu’il (Poutine) fait pour éviter le pire, – et qui n’ont à mon avis, et sans doute secrètement du sien, aucune chance d’être suivies...
On en a vu quelques échos dans un autre texte de ce jour, sur ce site distingué, et je reprends les remarques (extrêmement laudatives pour Xi-Poutine) venues d’un texte, du Canadien assez-dissident Matthew Ehret sur cette réunion de Davos :
« ...Ici, [à ce point de son discours], Poutine a averti les experts : “Comparez la situation actuelle à celle des années 1930... Comme vous le savez, l'incapacité et la réticence à trouver des solutions de fond à des problèmes comme celui que nous affrontons ont conduit à la catastrophe de la Seconde Guerre mondiale. Bien sûr, un conflit mondial d’une telle intensité est impossible en principe, dans tous les cas je l’espère. C’est sur cette impossibilité théorique que je fonde mes espoirs, car ce serait la fin de l’humanité. Cependant, comme je l’ai dit, la situation pourrait prendre une tournure inattendue et incontrôlable, – à moins que nous ne fassions quelque chose pour l’empêcher. Nous risquons d’être confrontés à un formidable effondrement du développement mondial, qui se traduira par une guerre de tous contre tous et par des tentatives de gérer les contradictions par la dénonciation d’‘ennemis intérieurs’ et externes et la destruction non seulement des valeurs traditionnelles telles que la famille, qui nous est chère en Russie, mais aussi des libertés fondamentales telles que le droit de choisir et la vie privée”. »
Là-dessus, je reviens sur un autre article déjà cité dans notre même texte, de l’exotique site WDIM (WhatDoesItMeans), qu’il m’arrive effectivement de citer un peu plus aisément ces derniers temps (d’ailleurs, ces cinq dernières années, avec son orientation sur la crise du système de l’américanisme) ; WDIM porte son attention, par une remarque sur laquelle il n’élabore pas, en début de texte, selon son introduction classique qui n’est qu’une convention de tournure (« Un nouveau rapport approfondi du Conseil de sécurité (CS), qui circule aujourd'hui au Kremlin... »), pour passer au principal :
« ...exprime de graves préoccupations concernant un avertissement du chef du US Strategic Command, l’amiral Charles Richard, qui met en garde contre “la possibilité très réelle” que les États-Unis “puissent avoir besoin d’utiliser des armes nucléaires contre la Chine et la Russie” , [avertissement suivi d’effets] avec l’autorisation du leader socialiste Joe Biden de déployer des bombardiers B-1B à capacité nucléaire en Norvège, une première historique [pour une capacité nucléaire] ; ce déploiement placera ces bombardiers près des énormes bases navales de la Russie, ce qui a conduit l’ambassade russe en Norvège à déclarer que cette décision à caractère belliciste “ne contribue pas à la stabilité globale de la région”, et confronte les dirigeants norvégiens au constat qu’“une escalade de l'activité américaine sur le sol norvégien n'est pas dans l'intérêt de ce pays”. »
Le déploiement des B-1B, qui seront sans doute quatre, devrait être temporaire et durer plus ou moins un mois ; leurs capacités nucléaires ne sont pas leur première caractéristique (le B-1B est surtout utilisé pour l’appui tactique avec bombes conventionnelles), mais elle existe tout de même et ce fait acquiert une importance réelle à la lumière de la phrase de l’amiral Richard dans son article publié dans la revue de l’US. Navy ‘Proceedings’. Ces bombardiers, qui sont affectés au Strategic Command que dirige l’amiral Richard, seront très proche effectivement du complexe des bases de Zapadnaïa Litsa constituant le port d’attache de la Flotte du Nord de la marine russe, et un relais de Flotte de la Baltique, tout cela sur la presque-île de Kola...
(Les Russes ont tout de même une chance, puisque les B-1B de l’USAF seront ‘protégés’ par de très-intelligents F-35 de la Force Aérienne Norvégienne, non moins intelligente dans ses choix d’aéronefs-miracles... Il devient de plus en plus difficile d’ironiser à propos des monstruosités des Frankenstein technologiques US, tant l’objet de l’ironie précède ce traitement, tant il finit par sa démence incontrôlable par ironiser sarcastiquement sur lui-même.)
Il est évident que ces diverses caractéristiques, notamment la proximité des bases navales russes qui sont d’une importance stratégique équivalente sinon supérieure à celle de Sébastopol, font de ce déploiement, outre l’aspect opérationnel, un acte de symbolisme stratégique important. Si on le met dans la perspective du discours de Poutine, on comprend le pessimisme que je me suis permis d’évoquer, et faisant l’hypothèse que c’est aussi son cas ; il est en effet assez probable, que les trois événements sont coordonnés dans un sens (réponse du Pentagone au discours de Poutine) ou dans l’autre (renforcement de l’inquiétude de Poutine devant la provocation absurde et dérisoire en raison du rapport des forces, si les Russes étaient au courant des projets US).
Il paraît assez improbable, bien entendu, que cette sorte d’activisme vienne directement de Biden. Dans ce cas comme dans quasiment tous les autres, Biden ne fait qu’approuver formellement ou pas, si même on lui soumet la demande directement, – ce qui m’étonnerait grandement, vu l’état de la bestiole. Après avoir décrit divers initiatives et incidents de ces derniers jours, de la part de l’administration Biden, Joe Cunningham, de RedState.com, note ceci (ce 2 février 2021), et très justement à mon avis : « Biden lui-même est probablement largement en dehors de tout ça, et les gens qu’on a mis en place dirigent ces différentes démonstrations de folie. Biden n’est là que pour signer les décrets. »
Il est logique d’avancer l’hypothèse que le Pentagone, ce bloc énorme de puissance brute, cadenassé, cuirassé, engoncé, navigue selon ses analyses et ses décisions propres, encore plus, bien plus que les autres services et ministères. Les militaires ont largement pris cette habitude sous Trump, et ils la perpétuent, la renforcent même sous Biden et au-dessus de sa tête ; et cela d’autant que le secrétaire à la défense appartient à la boutique (le général Austin, ex-chef du Central Command, glorieusement pur premier Africain-Américain à cette fonction).
Les militaires du Pentagone, juge-t-on souvent, ont la mesure et le contrôle des choses que leur donne leur expérience de la guerre, dans tous les cas par tradition. Si l’on veut, on peut encore l’espérer ; mais ils sont dans une posture psychologique incroyablement délicate. Ils sont persuadés d’être les meilleurs du monde, ce qui est bien une assurance folle et en chute abyssale, témoignant d’une suffisance profonde qui tient au simulacre qu’ils se sont faits eux-mêmes d’eux-mêmes ; d’autre part, ils reconnaissent maintenant sans réticence ni sarcasme que les Russes ont complètement refait leurs forces, qu’ils ont développé des systèmes très avancés, dont certains dépassent très largement les équivalents US (voyez les missiles hypersoniques notamment), bref que leur certitude-arrogante d’être les meilleurs est méchamment contredite par ces réalités sur leur infériorité opérationnelle et technologique qui ne cesse de gagner. Cette contradiction terrible les rend nerveux ; et je dirais bien droitement que l’affirmation de l’amiral Richard (« ...besoin d’utiliser des armes nucléaires contre la Chine et la Russie ») ressort plus d’une inquiétude parfois colorée de panique que de la suffisance.
Il y a en effet comme un grand courant d’inquiétude dans ce grand corps bardé d’études et d’analyses, de technologies et de gaspillage, de bases par centaines enfermées dans des quadrillages barbelés de trouille défensive. Richard avait-il besoin de dire qu’il faudrait éventuellement utiliser du nucléaire pour... Pour quoi, au fait ? Pour battre Russes et Chinois et se faire hara-kiri par le fait même, quasi-instantanément et hypersoniquement ?
Tout le monde sait qu’un tel affrontement monterait aussitôt au nucléaire, mais nul ne doit le dire dans le langage des confrontations des forces dans la communication ; et surtout, nul ne doit explicitement afficher son intention d’user du nucléaire comme une simple étape dans un conflit... Si c’est le cas, c’est la fin de tous les conflits possibles du monde ! Je me demande si la distance que les militaires ont pris du pouvoir civil, de leur propre chef, parce qu’ils n’ont plus confiance dans ce pouvoir civil dont ils mesurent la démence, si cette distance est assez grande et si elle a été assez rapidement établie pour empêcher l’infection de faire son office au sein du Pentagone, celle du virus Covid21, de la démence américaniste...
Paradoxe des ambiguïtés et ambiguïté des paradoxes, en même temps que cette frayeur le glace et lui fait envisager le pire de l’abysse du nucléaire, l’énorme mastodonte pentagonesque s’ébroue comme une fille en chaleur et en chasse, dans les délicesLGTBQistes, wokenistes, transgenriste et ainsi de suite, et tout cela dans un paradoxal climat de puritanisme censureur selon les lois de la déconstruction, concurrençant les inquisitions tatillonnes de la Sainte-Inquisition... La doctrine du Pentagone est celle du ‘Politiquement-Correct’ au garde-à-vous dans tous ses excès de démence, – jusques et y compris dans la gigantesque pièce de la Covid, puisque officiellement les B-1B déployés en Norvège avec un soutien logistique de 200 hommes (une paille, pour 4 avions !) s’y trouve également pour tester la vulnérabilité de ses dispositifs à la pandémie, dans des zones non-conformes au Made In USA. Même indépendant, même autonome, c’est donc qu’il est bien infecté le Pentagone, plus qu’il ne fut jamais ; comme dit un peu lestement un officier de rang inférieur qui a préféré garder l’anonymat, « Le Pentagone a le virus dans le cul, et sacrément profond ma foi. » (Il parle du ‘virus’ du ‘Politiquement-Correct’, me semble-t-il, plus que spécifiquement de la Covid.)
Et là, même s’il est de la boutique, Austin, en tant qu’Africain-Américain éduqué aux mœurs du système de l’américanisme et par conséquent bon citoyen du wokenisme-bidenesque, fait de cette Réforme Sociétale un point fondamental de sa ‘doctrine’. Il a viré un peu plus de 40 conseillers extérieurs du Pentagone, nommés en vitesse par un Trump sur le départ, pour lutter contre le fascisme-trumpiste inspiré du nazisme évidemment, et il est en train de les remplacer en considérant leurs ‘positionnements’ culturels, sur la diversité, sur la modernité idéologique, sur la pureté progressiste-sociétale, éventuellement sur la juste-couleur de leur peau. Leurs capacités de réflexion stratégique et d’analyse géopolitique ? Rien à battre... De même, l’on mène au sein des forces des tests de ‘pureté idéologique’ qui permettra de chasser ‘les extrémistes’ ; à côté de cela, les purges anti-cathos dans l’armée française du début du XXe siècle font un peu maigrichonnes. S’il y a une chose que l’américanisme a gardé de ses racines, Les Sorcières de Salem encore plus que l’esclavage, c’est le goût et la méthode de la purge idéologique et de l’Inquisition puritaine, – même si le puritanisme conduit paradoxalement à une sorte de “du cul, encore du cul, toujours du cul”, – mais justement, ce sera du cul-puritanisé, pasteurisé en quelque sorte, même si le lait fait tout de même un peu trop blanc....
Cela est pour dire, sans que je prenne position sur le fond du problème sinon le constat que la bêtise n’a pas de frontière culturelle ni raciale, qu’il y a dans ce développement un ‘cancer intérieur’ qui ronge le cœur de la puissance militaire du système de l’américanisme. Je pense que, dans des situations de tension diverses, dans un état de quasi-autonomie du pouvoir militaire qui se diffuse aussi bien à l’intérieur de l’appareil militaire (il n’est pas sûr qu’un général se sentie lié par l’autorité à son ministre s’il perçoit que son ministre ne se sent guère lié par l’autorité à un président-zombie), les effets de ces bouleversements internes, de cette déconstruction de la cohésion des forces, peuvent être extrêmement divers, anodins ou catastrophiques, ou bien catastrophiquement anodins.
Parce qu’on est ébloui par les lanternes magiques de l’hollywoodisme faisant office de communication de l’américanisme, on se trompe soi-même de penser à l’outil militaire US comme à une force quasi-parfaite de cohésion et de structuration de la puissance. Au contraire, dirais-je, et à bien des égards c’est une force infiniment fragile et vulnérable, beaucoup plus proche des tensions de désintégration sociale qui parcourent en permanence l’ensemble social disparate des USA .
Je conseille au lecteur de jeter un œil sur le Glossaire.dde consacré au « Trou noir du XXème siècle », sur cet extraordinaire événement dissimulé, chassé de l’histoire officielle par notre ‘servilité fascinée’ pour le soi-disant exceptionnalisme des USA, que fut la désintégration de la plus puissante armée du monde, celle des USA, entre juin-septembre 1945 et décembre 1945 ; on peut mentionner également la désintégration de ces mêmes forces reconstituées pour la Guerre froide, lors des années 1968-1972 au Vietnam. Il m’apparaît évident que nous sommes dans des conditions générales latentes, intérieures et extérieures, bien pires que dans ces deux épisodes.
Je me rappelle avec nostalgie de mon ami disparu, cet excellent homme que fut l’ambassadeur Jan Adriaenssens, lorsqu’il me rapportait son expérience de jeune diplomate attendant une affectation, et invité pour une visite en règle des structures et des têtes pensantes de la Flotte du Pacifique, trois mois passés d’île en île, de base en base, de QG en QG, avec les amiraux de l’US Navy, à la fin des années 1950 :
« Il y a vraiment quelque chose à part chez ces amiraux de l’US Navy, qui tient de la culture, de la tradition, et aussi d’une grande connaissance de la politique la plus haute. Ils sont très conscients que leur immense puissance a au moins un but intérieur aussi important que le but extérieur de la sécurité nationale. Ils croient que l’Amérique est intérieurement très fragile et qu’elle a besoin de structures institutionnelles très fortes. Ils pensent que des armées puissantes, et particulièrement la Flotte, avec sa force symbolique et traditionnelle, constituent un ciment qui n’est pas inutile à cet égard. D’une façon générale, ils ne sont pas très optimistes, certes non, pas du tout optimistes sur le sort futur de l’Amérique, particulièrement sa cohésion, son unité… »
Le pompier garant de la stabilité du monde qu’il protège devenu l’incendiaire qui participe de l’instabilité démente dont il est lui-même la victime... Qu’on mesure et compare ces paroles d’ambassadeur avec la situation actuelle, où la fragilité structurelle de l’Amérique exprimée dans sa crise de démence actuelle touche ces structures mêmes qui étaient censées la maintenir en ordre, et en bon ordre.
Tout cela répand une ombre immense sur la situation internationale où ces forces tiennent une place considérable, et donne bien du crédit aux craintes Russes devant une entité si puissante, minée par ses inquiétudes extérieures et son désordre intérieur, peut-être tentée un jour par une aventure pour ne pas se désintégrer de l’intérieur, ou bien se désintégrant de l’intérieur et saisissant l’aventure comme une bouée de survie...
Le Pentagone a beau dire que ses quatre B-1B sont en Norvège pour contrecarrer les ‘ambitions arctiques’ de la Russie, il est difficile d’en penser moins et d’accepter ce piètre lieu commun stratégique. On comprend ce que Poutine veut dire.