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631531 mai 2022 (09H45) – Enterrant un instant sa hargne contre tout ce qui n’est pas politiquement du parti de la Sainte-Russie, – et une hargne que j’éprouve parfois dans un sens inverse pour ce qui est du sentiment éprouvé par moi pour la France qui détruit absolument ce que fut la France, – Andrei Martianov extrait du dernier article (30 mai) de Kunstler, ce jugement du sociologue américain et observateur d’une impitoyable ironie de la décomposition américaniste :
« Eh bien, d'une part, il semble que nous soyons dans une course serrée entre la démolition contrôlée de l'économie mondiale par Klaus et les élections américaines de mi-mandat en novembre prochain, et peut-être que le Gang perçoit que cela ne va pas si bien se passer pour eux. Leur projet-clef dans l'offensive de 2022, la guerre en Ukraine, ne fonctionne pas non plus. L'idée, semble-t-il, était d'embourber et d'humilier les Russes afin de provoquer la défenestration de M. Poutine, qui, croyez-le ou non et malgré les tsunamis d'infamies déversés sur lui par les propagandistes financés par le WEF, est étrangement et réellement un défenseur de la civilisation occidentale. Oui, je sais, c'est stupéfiant, non ? (Dieu travaille de façon mystérieuse, – mais les gangsters de Davos ne croient pas en Lui / en Elle / en Il-Elle transgenré). »
Et Martianov commente, puis cite Roger Scruton, ce conservateur britannique mort récemment et dont il (Martianov) rappelle qu’il était russophobe, – cela montrant que cette affaire dépasse infiniment les engagements et les opinions terrestres de notre siècle, et du précédent, et ainsi de suite jusqu’au temps de la mort du Christ...
« Depuis des années, j'affirme que le meilleur de ce que la civilisation occidentale a donné au monde survit aujourd'hui en Russie. Malgré toute la distance (justifiée) entre la Russie moderne et l'Occident contemporain, c'est la Russie qui est véritablement occidentale au sens de la civilisation, plus que l'Europe ou les États-Unis d'aujourd'hui. Surtout lorsqu'on en arrive à la définition de la civilisation occidentale, telle que donnée par feu Roger Scruton, qui, soit dit en passant, était russophobe.
» “Les racines de la civilisation occidentale se trouvent dans la religion d'Israël, la culture de la Grèce et le droit de Rome, et la synthèse qui en résulte a prospéré et s'est décomposée de mille façons au cours des deux millénaires qui ont suivi la mort du Christ.” »
Je ne manque aucune occasion de rappeler ce qu’écrivit en décembre 2013 Patrick Buchanan. Cet ancien ‘speechwriter’ de Nixon est bien vieux aujourd’hui, au crépuscule de l’esprit à l’image du gâteux égaré Joe Biden, « Teleprompter-Man » de cet apocalypse satanique. Buchanan demandait bien entendu, lui qui se voulait conservateur traditionnaliste à la mode américaniste mais enfin... « Poutine est-il l’un des nôtres ? » ; écrivant notamment, et ceci où le ‘mariage du même sexe’ promis à recevoir le Saint-Sacrement n’est, de mon point de vue, donné que comme exemple, où polémique et autre écume des jours n’est point requis, – alors, passez votre chemin, vous la basse-cour des appointés de Satan sur plateau-TV :
« ...Dans la guerre culturelle pour l'avenir de l'humanité, [Poutine] est-il l'un des nôtres ? Si une telle question peut être blasphématoire dans les milieux occidentaux, considérez le contenu du discours sur l'état de la nation du président russe.
» Avec l'Amérique clairement en tête, Poutine a déclaré : “Dans de nombreux pays aujourd'hui, les normes morales et éthiques sont reconsidérées.” “Elles exigent maintenant non seulement la reconnaissance appropriée de la liberté de conscience, des opinions politiques et de la vie privée, mais aussi la reconnaissance obligatoire de l'égalité du bien et du mal”. Traduction : Si la vie privée et la liberté de pensée, de religion et d'expression sont des droits chéris, mettre sur un pied d'égalité le mariage traditionnel et le mariage homosexuel revient à mettre sur un pied d'égalité le bien et le mal.
» Pas de confusion morale ici, c’est la clarté morale en pleine lumière, que l’on soit d’accord ou pas... »
Non seulement, cela, pour montrer que la haine de Poutine n’est pas une pathologie récente, qu’elle vient de loin, que les termes profonds sont ceux de la GrandeCrise depuis des lunes et des lustres, que nous vivons et observons par conséquent une agonie longue et brutale d’une civilisation en décomposition. Dans un article lié à cette intervention de Buchanan, de décembre 2013 également, nous citions cette remarque de Fédor Loukianov, rédacteur-en-chef de ‘Russia in Global Affairs’, pourtant alors nettement du côté des atlantistes-libéraux en Russie (il a changé ces derniers mois, à l’image des observations de Jacques Sapir) :
«Le président [Poutine] – consciemment ou intuitivement – part du fait que tout changement, aujourd'hui, entraînera forcément un résultat négatif. Selon lui, le progrès n'est pas un but en soi mais il doit servir à renforcer les fondements du développement. En revanche, s'il conduit au résultat inverse, qui a besoin d'un tel progrès ? Et qui a eu l'idée de dire qu'il s’agissait d'un progrès ? »
La question qui se pose alors et qui dépasse toutes les autres concerne la définition qu’il faut donner au mot “progrès” lorsqu’il est devenu producteur de choses déstructurantes, dégradantes et d’abaissement de l’esprit. Il s’oppose alors à la “progression” vers la lumière des conceptions de ceux qui se réclament de la Tradition majusculée, – c’est-à-dire “Tradition” comme concept, comme symbole de la philosophie primordiale.
J’ai là, dans ma besace, deux phrases, deux définitions dont j’ai fait usage dans ‘La Grâce de l’Histoire’. Elles semblent jouer au paradoxe et au jeu de mots de l’esprit fort alors qu’elles doivent plutôt nous faire nous interroger sur le sens que la modernité a imposé d’une manière totalitaire à ce mot (“progrès”) devenu une prison nous enfermant dans la GrandeCrise, et qui nous y laissera enfermés jusqu’à ce que nous nous en libérions par la puissance de l’esprit.
Ces deux phrases s’enchaînent l’une l’autre ; la première, de Julius Evola, autour du thème que les progressistes reprochent à leurs adversaires, de vouloir “se tourner vers le passé”, volonté de parvenir évidemment à se transmuter en une progression vers la hauteur de l’esprit :
« “Se tourner vers le passé”, c’est-à-dire faire cela à la façon que définissait excellemment Evola, déjà cité, lorsqu’il parlait de la pensée traditionnelle ; et nous préciserions, selon notre propos, avec une traduction différente d’un des mots, indiquée entre crochets, au risque du pléonasme : “C’est une pensée ‘originelle’, elle ne [recule] pas en arrière dans le temps, elle s’élève verticalement hors du temps en direction du noyau transcendant”… ».
La deuxième est de l’historien de la littérature Daniel Vouga, analysant l’influence essentielle de Joseph de Maistre chez Charles Baudelaire dans Baudelaire et Joseph de Maistre (Corti, 1957). Il observait ceci qui nous surprendrait en temps courant, qui est l’emploi laudatif du concept de “progrès” chez Maistre et chez Baudelaire, qui semblerait une contradiction impossible pour ces deux penseurs antimodernes par excellence ; et il commentait, rétablissant ainsi le sens fondamental du concept, « le seul progrès possible » qui est celui de “progresser dans la hauteur”, essentiellement dans notre époque d’inversion en usant des leçons de la sagesse et de la transcendance du passé :
« [P]rogresser, pour eux, ce n’est pas avancer, ni conquérir, mais revenir et retrouver... [...] Le progrès donc, le seul progrès possible, consiste à vouloir retrouver l’Unité perdue... »
C’est dire combien nous quittons le monde des étiquettes, des simulacres, de la communication, du FakeNewsisme, de “nos valeurs” et de la planche à billets, de la caporalisation du jugement et du wokenisme, des arrangements et des capitulations d’un esprit perverti. C’est le vrai sens d’une “libération de l’esprit”, et que l’on arrive à proposer l’idée, comme l’écrit Kunstler, que seul un Poutine aujourd’hui va dans le sens de la chose mesure l’étourdissant échec de notre civilisation.
C’est ce que nous suggérions en constatant en janvier 2021 la “mort de la foi-en-l’Amérique”, en Amérique même ; et cela, citant Walt Whitman, le grand poète américain pourtant maquillé en chantre de l’américanisme, lorsqu’il émettait ce jugement qui est en vérité une variation sur les deux sens du mot “progrès” que nous envisageons ici, – entre “progression haute de l’esprit” et “progrès de l’âme” d’une part, et d’autre part “progrès” tel que notre civilisation en a fait la totale perversion en en accomplissant l’acte maudit de l’inversion :
« “Je le répète, la seule vraie nationalité des Etats-Unis d'Amérique, leur union profonde, si nous devons un jour affronter une crise, ne se trouvera pas dans la loi écrite (comme on le suppose généralement) ni dans l'intérêt particulier de chaque citoyen, ni dans l'intérêt matériel et pécuniaire commun à tous, mais dans l’‘idée’ fervente et exaltante qui, dans sa flamme puissante, fondra les éléments divers de ce grand pays et les transformera en force spirituelle”.
» Puis il [Whitman] fixait le dilemme américain, croyant désormais à cette “crise” qu’il semblait d’abord évoquer comme simple hypothèse : “Les États-Unis sont destinés à remplacer et à surpasser l'histoire merveilleuse des temps féodaux ou ils constitueront le plus retentissant échec que le monde ait jamais connu”. On devine où penchait son jugement. »
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