Poutine, l’Ukraine et les Russes

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Poutine, l’Ukraine et les Russes

Un premier sondage sur l’attitude des Russes vis-à-vis de la crise ukrainienne a été réalisé. Les résultats montrent une réaction assez significative pour soutenir le gouvernement (Poutine) et, d’une façon plus générale, l’évolution de la situation en Crimée dominée par l’implication de la Russie en soutien du courant autonomiste sinon sécessionnisrte (de l’Ukraine), sinon rattachiste (à la Russie) pour son extrême.

Ces résultats sont donnés par le Guardian du 6 mars 2014, qui, c’est notable, ne les met aucunement en cause malgré que l’institut qui a réalisé ce sondage soit un établissement public russe. Sans doute un réflexe amoindri, puisque pour le Guardian tout ce qui vient de Russie en fait de communication est automatiquement suspect de manipulation. D’autre part, ces mêmes résultats sont commentés comme tout à fait valables par une experte de l’antenne Carnegie de Moscou, établissement complètement américaniste. Enfin, les résultats confirment les divers mouvements de soutien (essentiellement à la Crimée, mais aussi aux russophones d’Ukraine) enregistrés en Russie, en même temps qu’ils rencontrent la logique des situations et de ce qu’on peut raisonnablement et intuitivement comprendre et sentir de l’évolution de la psychologie russe.

«While Vladimir Putin has faced condemnation from the west for his troops' takeover of Ukraine's Crimean peninsula, at home the Russian president is enjoying his highest approval ratings in the past two years. Research also appears to confirm solid support for Russian intervention in Ukraine.

»According to a survey conducted by the state-run pollster VTsIOM on 1-2 March, just as Russian forces were quietly taking control of key infrastructure in Crimea, 67.8% of respondents approved of Putin's job performance. Although the president regularly achieves approval ratings above 60%, this was his highest rating since May 2012. Researchers attributed this latest number to the political situation regarding Crimea and the Olympic and Paralympic Games, which respondents said were the two biggest news events that week.

»In addition, 71% of respondents said Russia should more actively defend the interests of Russians in Crimea, while only 17% thought it would be better not to come into conflict with the Ukrainian authorities. These results were similar to those for the same question five years ago. Masha Lipman, an analyst at Carnegie Moscow Centre, said the majority of Russians have viewed the change of regime in Kiev as a “rebellion by west Ukrainian fascist nationalists” – an opinion reflecting state television's negative coverage. “I haven't seen surveys about deploying troops but I think there will be widespread support especially since this is Crimea, and many Russians think it is Russia's by right,” Lipman said.»

Il faut impérativement mettre ces résultats des sondages en connexion comparative avec ceux qui concernent le public US (voir le 5 mars 2014). On note une symétrie antagoniste presque parfaite, à la fois extrêmement significative et symbolique, entre les 17% de Russes opposés à toute intervention/interférence russes en Ukraine, et les 18% d’Américains favorables à un engagement américaniste en Ukraine. Les chiffres portant sur les attitudes inverses (engagement russe, non-engagement US) sont par conséquence logique équivalents, compte tenu de la probabilité assez grande qu’une part importante des “ne sont pas sûrs” aux USA se rallieraient plutôt à l’attitude non-interventionniste. D’autre part, ils répondent à l’analyse générale selon laquelle la crise ukrainienne est une “crise existentielle” pour la Russie, ce qu’elle n’est aucunement pour les USA (voir notamment le 3 mars 2014).

On pourrait penser que ces attitudes presque complètement opposées, et d’une façon radicale selon les hauteurs significatives des positions, constitueraient un élément pouvant aider à l’apaisement, notamment par son influence de restriction et de prudence sur la politique US. Au vu des événements, des postures, des déclarations, il semble que c’est le contraire qu’on doive craindre. La politique US ne cesse de se durcir, surtout après la décision du Parlement de Crimée sur un vote très rapide par référendum, sur l'avenir de la Crimée, c'est-à-dire la probabilité au moins de la sécession qui est favorisée par cette assemblée. En fait, il nous apparaît de plus en plus évident que la politique US (du bloc BAO, mais les Européens dans une mesure nettement moindre) est inspirée essentiellement par le courant de communication antirusse extrêmement puissant dans la presse-Système, les déclarations publiques, les pressions, etc., et nullement par l’opinion publique qui reste passive dans son désintérêt, voire son indifférence pour ces événements. Il s’agit d’une situation de pression extrême et de rapidité des événements, où les habituels calculs de politique, et notamment les impacts sur les opinions publiques, ont peu de place ni le temps d’être développés. Ce courant de communication étant nécessairement considéré comme essentiellement sinon exclusivement gouverné par la propagande (les deux côtés ont le même jugement à cet égard, vis-à-vis de la communication de la partie adverse), la suspicion ne cesse de grandir des deux côtés.

Cela revient à une situation où les USA durcissent leur position malgré leur opinion publique, et la Russie devant être amenée à percevoir ce durcissement comme une menace directe contre elle, – là aussi, et encore plus, menace de type existentielle. Si l’on tient compte des résultats du sondage russe, cela signifie que l’opinion publique russe devrait évoluer vers une position de plus en plus patriotique, voire une position de mobilisation, qui est bien dans sa psychologie. Dans ce cas, et au contraire du cas US, l’évolution de cette opinion aurait un effet sur la politique russe, et cet effet serait nécessairement de durcissement. Ainsi a-t-on une potentialité d’évolution où les opinions publiques jouent involontairement un rôle, ici actif (la russe), ici par défaut et par passivité (l’américaine), qui pourrait contribuer à une rapide aggravation de la crise avec de plus en plus une confrontation entre les USA et la Russie.

Il apparaît d’ores et déjà très difficile de contrecarrer cette évolution, dans la mesure où l’élément perturbateur est le système de la communication. Au contraire des opinions publiques, qui peuvent être influencées ou manipulées, le système de la communication est un facteur que nous jugeons quasiment autonome, qui agit quasiment hors de tout contrôle, essentiellement cela pour le bloc BAO. On devrait se garder de parler de “propagande”, parce que ce terme extrêmement vague ne nous donne aucune précision, – les deux côtés estimant que l’autre développe de la propagande, et donc enfermés dans cette conviction qui les fait repousser tout enseignement utile à une évolution politique à trouver dans le courant de communication. Il faut plutôt considérer le degré de contrôle du système de la communication, et quelle maîtrise de l’influence, et dans quel sens cela implique ; notre poiint de vue est que cette maîtrise est inexistante dans le chef des directions politiques, essentiellement celle du bloc BAO et surtout des USA, et plus que de maîtriser et de développer leur propre “propagande”, les directions politiques, sont influencées, sinon “maîtrisées” par elles jusque dans leur décision. (C’est une idée importante, déjà esquissée dans notre texte du 6 mars 2014 et sur laquelle nous reviendrons, et qu’on trouve par exemple dans une interview du journaliste allemand Manuel Ochsenreiter, dans Russia Today le 5 mars 2014 [Ochsenreiter parle ici de la propagande du bloc BAO, qu’il désigne ici sous le terme de “mensonges”] : «The really disturbing fact is that those media lies are now influencing the thinking and the decisions of the responsible politicians as well.»)


Mis en ligne le 7 mars 2014 à 07H28