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1985Comme on l’a déjà observé plusieurs fois, le site DEBKAFiles demande à être décrypté, entre ses analyses orientées, sinon fabriquées, et ses observations fondées et informées répercutant certaines préoccupations réelles de la communauté de sécurité nationale israélienne. On placera la nouvelle du 7 mai 2013 dans la seconde catégorie. Il s’agit d’un texte très sévère pour le comportement et la “stratégie” de Netanyahou durant la séquence des attaques israéliennes en Syrie. Le texte se termine par cette conclusion effectivement très sévère, où il est jugé que le fin manœuvrier qu’est prétendument Netanyahou s’est trouvé lui-même piégé par le voyage en Chine (départ le 5 mai, jusqu’au 10 mai) qu’il a décidé de maintenir dans la situation d’urgence entre Israël et la Syrie...
«...Clearly, Prime Minister Netanyahu would have been wiser to postpone his Chinese visit instead of taking off while Israeli air force blasts will still reverberating in Damascus. By staying at home, he would have displayed a firmer and steadier hand at the helm.
»And after taking off, he would have done well not to linger for two days in Shanghai first. This gave the Russian leader the chance to catch him wrong-footed and administer a strong, publicized rebuke, so bearing down on the agenda of Netanyahu’s forthcoming talks with Chinese leaders.»
Il faut noter que cette appréciation très défavorable du comportement de Netanyahou est partagé par divers analystes, et même par des dirigeants politiques intervenant publiquement. La plus intéressante de ces interventions est celle d’Erdogan, en la circonstance allié d’Israël contre la Syrie d’Assad mais qui entretient une très forte antipathie pour Netanyahou et une méfiance générale pour Israël qui font de cette “alliance” une circonstance bien fragile sinon rocambolesque. Novosti rapporte le 7 mai 2013 la réaction d’Erdogan
«“La frappe israélienne contre Damas est absolument inacceptable et ne peut avoir aucune justification. Pour le régime illégitime d'Assad, cette attaque est un beau cadeau et un atout précieux”, a déclaré M. Erdogan devant le groupe parlementaire de son Parti pour la justice et le développement (AKP). Et d'expliquer qu'Assad pourrait exploiter cette frappe aérienne pour détourner l'attention de l'opinion mondiale du conflit sanglant en Syrie.»
Dans son analyse, DEBKAFiles fait allusion à une conversation téléphonique entre Poutine et le Premier ministre israélien le 6 mai 2013, alors que le second se trouvait à Shanghai. Les circonstances étaient effectivement très défavorables à Netanyahou, isolé à Shanghai, engagé dans une visite de type commercial, tandis que Poutine, lui, semble lui avoir parlé de choses infiniment plus graves. Si la référence ci-dessus (Novosti) ne donne aucune précision, DEBKAFiles n’en est au contraire nullement avare, en se référant à ses propres sources dont on peut juger qu’elles constituent un relais quasi-direct des dirigeants de sécurité nationale israéliens... On connaît la méfiance de cette communauté, sinon l’hostilité pour les directions politiques israéliennes en général, et particulièrement Netanyahou.
«Putin did not say how, but he did announce he had ordered the acceleration of highly advanced Russian weapons supplies to Syria. DEBKAfile’s military sources disclose that the Russian leader was referring to S-300 anti-air systems and the nuclear-capable 9K720 Iskander (NATO named SS-26 Stone) surface missiles, which are precise enough to hit a target within a 5-7 meter radius at a distance of 280 kilometers.
»In his phone call to Netanyahu, the Russian leader made no bones about his determination not to permit the US, Israel or any other regional force (e.g. Turkey and Qatar) overthrow President Bashar Assad. He advised the prime minister to make sure to keep this in mind.
»Our sources add: Since Syrian air defense teams have already trained in Russia on the handling of the S-300 interceptor batteries, they can go into service as soon as they are landed by one of Russia’s daily airlifts to Syria. Russian air defense officials will supervise their deployment and prepare them for operation. Moscow is retaliating not just for Israel’s air operations against Syria but in anticipation of the Obama administration’s impending decision to send the first US arms shipments to the Syrian rebels...»
Les précisions concernant l’armement russe sont importantes. Elles concernent deux systèmes d’arme dont les Israéliens ont déjà montré qu’ils en ont une grande crainte. Ils sont déjà intervenus au plus haut niveau (Premier ministre) pour demander aux Russes, à plusieurs reprises depuis 2007, de ne pas livrer des S-300 aux Iraniens et des SS-26 aux Syriens. On a déjà relevé de nombreuses indications de la possibilité que les Russes livrent des SS-26 aux Syriens (le 28 août 2008, les 11 décembre 2012 et 20 décembre 2012). Pour le S-300, il n’en a pas été vraiment question pour le Syrie jusqu'ici mais il en est désormais question précisément. Les deux cas sont théoriquement très inquiétants pour Israël :
• Le SS-26 est une arme offensive à portée suffisante pour menacer profondément Israël à partir des pays voisins. Elle est très précise, très difficilement détectable et extrêmement difficile à intercepter. Encore plus du point de vue de la communication et du symbole (on ne parle évidemment pas d’une potentialité effective), il y a le fait que le SS-26 est un armement à double capacité (conventionnelle et nucléaire).
• Le S-300, à cause de sa portée, supprime l’avantage essentiel de l’armée de l’air israélienne qui intervient plus souvent contre la Syrie en “stand-off”, c’est-à-dire à partir d’une position lointaine (souvent l’espace aérien du Liban) en tirant des missiles guidés à grande portée, – mais cette portée équivalant en gros, justement, à celle du S-300. La grande portée du S-300 est donc une grave menace, à partir de la Syrie, contre l’aviation militaire israélienne.
On ne débattra pas ici du fait de savoir s’il y a eu des livraisons effectives... L’annonce même de ces livraisons, ou de ces possibles livraisons, est en soi une arme terrible de communication. Elle signifie que la Russie, si elle en a eu, ne se tient plus tenue à un quelconque engagement passé avec Israël de ne pas livrer de telles armes, – cela dans l’extrême de l’hypothèse où il y aurait eu une telle décision. Les liens, ou les rapports, entre Israël et la Russie au niveau de la sécurité sont complexes et parfois surprenants. La Russie peut avoir vis-à-vis d’Israël une attitude “compréhensive”. Au contraire, si les événements le commandent, la Russie peut avoir une attitude extrêmement ferme, et les Israéliens, qui connaissent et respectent les Russes, savent que la détermination russe est dans ce cas un facteur primordial, qui n’a rien à voir avec les atermoiements et la politique caoutchouteuse des USA dans ce domaine. Tout cela montre indirectement qu'en cette circonstance comme en d'autres, mais peut-être plus encore dans ce cas, la critique de ses chefs de la sécurité nationale contre Netanyahou est fondée, et rappelle au reste celle que nous rappelions de notre côté dans notre texte du 7 mai 2013, qui vaudrait très directement pour Netanyahou : «[S]elon les chefs du Shin Bet : “Alors aux commandes, Yaakov Peri estime n'avoir reçu durant les six ans de son mandat aucune consigne des gouvernements successifs. Ou bien il a cette formule, dont les termes sont partagés par ses collègues : Israël remporte la plupart des batailles, sans gagner la guerre. ‘Nous ne savions pas dans quelle direction aller, résume Peri. C'était toujours de la tactique, jamais de vision stratégique’”.»
Si Poutine a réellement dit à Netanyahou ce que DEBKAFiles en dit, ou même la moitié de ce que DEBKAFiles en dit, la situation est sérieuse pour Netanyahou... Erdogan a alors raison de parler d’un “cadeau” qu’on qualifiera alors de stupide, fait par Netanyahou à la Syrie. Le véritable “cadeau“ fait à la Syrie, c’est d’avoir ouvert une avenue à la Russie... Jusqu’ici, la Russie livrait des armements à la Syrie selon un argument qui ne cessait de s’affaiblir, selon lequel elle exécutait des contrats anciens et/ou livrait essentiellement des équipements n’ayant aucun rôle dans la “guerre syrienne” en cours. Valable il y a un an, cet argument est aujourd’hui très vulnérable et bancal en raison de l’extension, de l’approfondissement du conflit, et il plaçait la Russie dans une position plus vulnérable vis-à-vis de ses “partenaires” du bloc BAO. Mais voilà soudain qu’Israël institue une dimension nouvelle, d’agression extérieure contre la souveraineté de la Syrie qui est un argument irrésistible par ce qu’il implique d’illégalité, de menace d’extension du conflit faisant courir un risque terrible à la sécurité de la région, etc., toutes choses qui constituent des arguments très puissants en faveur de l'attitude russe dans les négociations comme dans la crise en général. Du coup, la Russie peut dire qu’elle livre des armes à Assad dans le but de protéger la souveraineté d’un pays, de contrecarrer l’extension de la guerre, de répondre à un comportement qu’elle peut qualifier, non seulement d’illégal mais d’irresponsable et de catastrophique, – tout cela, aux frais Israël. La Russie se trouve à nouveau dans une position de très grande force, jusqu’à faire savoir discrètement qu’elle pourrait elle-même intervenir, qu’elle le ferait d’ailleurs de facto si tel ou tel armement avancé était livré et était servi par des équipes russes.
On voit que, S-300 et SS-26 livrés ou pas, ces armes ont d’abord une très forte puissance de communication. Leur évocation, dans une situation où il devient acceptable, voire presque “légal” par logique indirecte de livrer de tels systèmes, instaure une terrible menace pour Israël qui n’a jamais caché sa crainte de ses armements. Israël perd des atouts qui le servait beaucoup jusqu’ici : une position de pseudo-neutralité très affirmée, appuyée sur une menace militaire (aérienne) contre laquelle personne dans la région ne pouvait grand’chose. Depuis la semaine dernière et la coup de téléphone de Poutine à Netanyahou avant hier, cette perception a volé en éclat. Israël est désormais perçu comme stratégiquement très vulnérable, pour un avantage bien improbable et purement tactique. La Syrie a reçu un cadeau royal, la Russie est plus que jamais maîtresse du jeu. SS-26 ou pas, S-300 ou non, avec la possibilité que ces choses inquiétantes soient réellement introduites en Syrie...
Mis en ligne le 8 mai 2013 à 05H56
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