Poutine, pourquoi Biden ?

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Poutine, pourquoi Biden ?

• C’est un débat qui nous paraît bien difficile à trancher : pourquoi Poutine préfère-t-il Biden à Trump ? • Andrew Korybko a une réponse assurée : il juge ce choix comme celui de la raison même. • On l’écoute mais on peut en douter.

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On débat toujours, in fine ou à cœur ouvert, sur les raisons pour lesquelles Poutine a déclaré à Tucker Carlson, lors de la fameuse interview, qu’il serait “plus conforme aux intérêts russes” que Biden soit réélu, plutôt que Trump (réélu aussi, mais en sautant un coup). Voici la thèse de Andrew Korybko, qui juge très logique le choix de Biden. On donne ici sa conclusion, qui reprend le corps de son article qu’on trouve après ce texte de présentation.

«  Pour résumer, le président Poutine préfère Biden à Trump parce que : 1) Biden a le soutien des libéraux-globalistes au pouvoir au sein de “l’État profond” ; 2) cette faction devrait rester au pouvoir même si Trump gagne ; et 3) ils pourraient procéder à davantage de provocations antirusses pour le discréditer dans cette affaire, tout comme la dernière fois. Il est bien préférable pour la Russie de jouer la prudence et de formuler sa politique en partant du principe que ses liens avec les États-Unis pourraient se détériorer plutôt que de se livrer une fois de plus naïvement à des vœux pieux selon lesquels ils pourraient s’améliorer. »

Comme l’on sait, Korybko est un homme de raison et de mesure. Il défend d’une façon très nette un choix qui a généralement été incompris, ou vu comme une manœuvre de Poutine pour dédouaner Trump de toute accusation de prorussisme.

Pour notre compte, nous avions choisi la case “énigme” pour juger de la réponse de Poutine. C’est une réponse qui est une façon de ne pas répondre, ce qui correspond à notre sentiment : non pas que le choix de Poutine soit incompréhensible, mais parce qu’il est compréhensible de plusieurs façons plus ou moins tordues et que nous ne distinguons pas laquelle nous paraît la plus acceptable ; comme PhG l’écrivait le 16 février :

« Mais enfin, tout cela reste du domaine de l’hypothèse, et certains peuvent à juste titre les juger un peu trop complexes, un peu  trop sollicitées, alors que les Russes nous ont habitués à des politiques droites et claires. (Mais il faut voir aussi que Poutine affirme quelque part, voire à deux reprises, “Il peut se passer n’importe quoi aux USA” ; cela justifie éventuellement qu’on fasse un peu plus complexes qu’à l’habitude...) Il n’en reste pas moins, – constat d’évidence qui fait une bonne conclusion, – que l’on reste devant cette énigme du choix proclamé du prochain président des USA, dans le chef du président de la Fédération de Russie. »

Les trois arguments donnés par Korybko sont à notre avis contestables ; pas mauvais ni faux mais pour le moins sollicités, et notamment parce qu’ils s’appuient des  “faits” dont nous savons tous qu’ils sont indéfinissables, sinon insaisissables”...

1). Il est vrai que Biden est l’homme des globalistes, mais est-il celui de “l’État profond” ? Qu’est-ce que c’est précisément que “l’État profond” ? Est-il assuré que les globalistes y sont majoritaires ? Autant de questions imprécises auxquelles il est bien difficile de donner une réponse précise.

Si l’on dit que Trump est haï par l’establishment politique, les salons new-yorkais et les démocrates, c’est sans aucun doute vrai. Mais personne ne peut nous démontrer que “l’État profond” se trouve dans ce seul cadre.

2) La deuxième affirmation (Même si Trump gagne, “l’État profond” reste au pouvoir et il ne pourra rien contre lui) rencontre le même vague concernant la chose incertaine qu’est “l’État profond”, à laquelle on ajoute la contestation de l’affirmation “Ce sera comme la première fois”, – parce que Trump a acquis une certaine expérience, surtout dans le choix de ses collaborateurs, et parce que la division extraordinaire qui règne actuellement aux USA avec la montée du populisme chez les républicains, soutenu par des puissances non négligeables et des grosses fortunes, fait encore plus douter de l’identité, de l’engagement, voire de ;l’existence en tant que tel de “l’État profond” comme chose unitaire.

Par ailleurs, s’il s’avère vraiment comme le laisse entendre en partie Korybko que Poutine découvre l’existence de “l’État profond” , presque soixante ans aptes le discours d’Eisenhower sur le complexe militaro-industriel  et la liquidation de Kennedy, ce n’est plus de naïveté qu’il faut parler...

3) Questions “provocations antirusses”, Biden n’est pas mal dans son genre, et même supérieur à Trump selon notre point de vue (dire dans un discours tonitruant, – Varsovie, mars 2022, – qu’il faut aller jusqu’à Moscou pour balancer Poutine aux oubliettes). Par ailleurs, le ‘Russiagate’ lancé contre Trump l’a été en juillet 2016 par l’équipe d’Hillary Clinton pour étouffer le scandale des courriels officiels d’Hillary secrétaire d’Etat, utilisés pour ses affaires personnelles... Tout le reste est la routine des simulacres, alimentée par le  zèle du couple CIA-MI6 et par la haine proprement extraordinaire qui s’est développée contre Trump, qui ne dépend pas de “l’État profond” mais de l’hôpital psychiatrique...

Alors quoi ? Une énigme, vous dit-on... Peut-être Poutine croit-il vraiment les affabulations sur les emportements de Trump qui tirerait un ICBM à têtes nucléaires pour animer sa partie de golf d’un week-end ? Alors il pourrait s’intéresser vraiment au comportement cognitif de Biden malgré son estime pour “la vieille école” dont Biden ne fait pourtant pas partie, n’ayant fait partie d’aucune école. On espère que le FSB lui en a tout de même dit un peu plus sur Biden.

Finalement, l’hypothèse la plus passionnante et la plus séduisante, mais la plus improbable si l’on considère le caractère de prudence de Poutine, nous l’avons trouvé dans un commentaire d’un lecteur de RT.com, et surtout dans cet article (16 février) de ‘Pravda.ru’. En gros, cela revient à dire : gardons Joe encore quatre ans, et il foutra l’Amérique par terre, selon la fameuse sentence d’Obama (« Il ne faut jamais sous-estimer la capacité de Joe de foutre la merde »), – titre et sous-titre de l’article référencé en toute liberté de la presse :

« Poutine veut que Biden reste au pouvoir pour provoquer la chute de l'empire américain

» Poutine préfère Biden parce qu'il est en train de ruiner l'Amérique de l'intérieur. »

... Mais il ne faut pas trop rêver et bien mesurer la prudence de renard du président russe. Il est assez probable, – même si cela n’est pas assuré, – que Poutine serait plus inquiet que satisfait si les USA s’effondraient... Ci-après, le texte de Korybko de ce 20 février.

dde.org

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Biden plutôt que Trump: un choix raisonnable

La plupart des médias grand public et de la communauté des médias alternatifs conviennent que la préférence du président Poutine pour Biden plutôt que pour Trump est un « plan directeur d’échecs en 5D » visant à discréditer le président sortant en raison de son soutien secret au favori républicain. Le dirigeant russe a expliqué que « [Biden] est une personne plus expérimentée et plus prévisible, c’est un politicien de l’ancien type ». Il a également défendu les capacités cognitives de son homologue en réitérant les arguments qu’il avait avancés après leur sommet de l’été 2021.

Même si Biden supervise officiellement la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie à travers l’Ukraine, contre laquelle Trump s’est élevé depuis le début et a affirmé qu’elle prendrait fin immédiatement s’il revenait au pouvoir, le président Poutine le préfère toujours à son adversaire pour plusieurs raisons légitimes. Pour commencer, Biden est la figure de proue de ces membres puissants des bureaucraties militaires, de renseignement et diplomatiques permanentes (“État profond”) qui formulent et mettent réellement en œuvre la politique américaine, qui le soutiennent tout en s’opposant à Trump.

La décision de la faction libérale-globaliste au pouvoir de donner la priorité à l’endiguement de la Russie plutôt qu’à la Chine va évidemment à l’encontre des intérêts de Moscou, contrairement aux plans de leurs rivaux nationalistes conservateurs qui donnent la priorité à l’endiguement de la Chine plutôt qu’à la Russie, mais c’est précisément en raison de leur pouvoir qu’ils sont prévisibles. Le président Poutine a mis en garde les prévisionnistes stratégiques russes contre les vœux pieux à l’été 2022, après quoi il a admis sa naïveté à l’égard de l’Occident quelques mois en décembre dernier.

Ces observations nous amènent au deuxième point, à savoir que le Kremlin a probablement conclu que la faction libérale-globaliste au pouvoir, responsable de la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie à travers l’Ukraine, resterait au pouvoir dans un avenir prévisible, même si Trump revenait. L’ancien président s’est montré incapable de purger “l’État profond” de ces forces subversives qui ont saboté son rapprochement envisagé avec la Russie, censé faciliter l’endiguement de la Chine. Le précédent suggère donc qu’il échouera à nouveau.

Comme le dit le proverbe, « mieux vaut le diable que l’on connaît que le diable que l’on ne connaît pas », et les dirigeants russes semblent prendre cet adage à cœur lorsqu’il s’agit des États-Unis. Le président Poutine a déjà été trompé à maintes reprises par l’Occident, au point qu’il est extrêmement sensible à l’idée de se laisser duper une fois de plus. C’est pourquoi il préfère supposer que rien ne s’améliorera plutôt que d’espérer pour rien. Il serait également très irresponsable de formuler une politique basée également sur des vœux pieux.

La dernière raison pour laquelle le dirigeant russe soutient la réélection de son homologue américain est qu’il pourrait y avoir moins de risques de provocations inattendues que si Trump revenait au pouvoir. La seule cause pour laquelle la théorie du complot farfelue du Russiagate a été concoctée par les mandataires démocrates de la faction libérale-globaliste au pouvoir et leurs alliés britanniques était que l’ancien président représentait une menace pour leur programme. Ils ont donc cherché à le discréditer en prétendant qu’il serait une marionnette russe.

La Russie n’avait pas correctement évalué la dynamique de “l’État profond” des États-Unis pour comprendre ce qui se passait, pourquoi et à quel point il était improbable que Trump sorte victorieux de cette lutte pour le pouvoir comme elle l’espérait, ce qui explique pourquoi elle resta attachée aux accords de Minsk que personne d'autre ne respectait. Cependant, le président Poutine et son équipe ont appris à leurs dépens les leçons de la naïveté et des vœux pieux, et ne se laisseront pas tromper une nouvelle fois en pensant que tout changera exactement comme il l’a dit à Tucker.

Pour résumer, le président Poutine préfère Biden à Trump parce que : 1) Biden a le soutien des libéraux-globalistes au pouvoir au sein de “l’État profond” ; 2) cette faction devrait rester au pouvoir même si Trump gagne ; et 3) ils pourraient procéder à davantage de provocations antirusses pour le discréditer dans cette affaire, tout comme la dernière fois. Il est bien préférable pour la Russie de jouer la prudence et de formuler sa politique en partant du principe que ses liens avec les États-Unis pourraient se détériorer plutôt que de se livrer une fois de plus naïvement à des vœux pieux selon lesquels ils pourraient s’améliorer.

Andrew Korybko