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2319“Si tu n’est pas sage, disait la maman à son petit enfant, le Terrible-Poutine viendra te manger”. Le bambin s’exécuta aussitôt, vous pensez bien. Le bloc BAO, sa presse-Système et ses manies diverses, y compris le déterminisme-narrativiste”, semblent être emportés dans un tourbillon vertigineux à propos de la Russie, – et, bien entendu, à propos du principal personnage politique de cette Russie, le président Poutine. Faut-il parler de “poutinophobie” ou de “poutinomania”, on ne sait, sinon qu’il est urgent d’ouvrir une chaire de “poutinologie” et de mettre les hordes de nos étudiants au chômage sur la question.
Voici donc deux exemples récents de cet intérêt démesuré et extraordinaire pour le président russe, venus de sources anglo-saxonnes et retranscrits par Sputnik.news en français. Les textes sont courts mais assez significatifs, et surtout représentatifs de conceptions et d’univers très différents. Leurs contenus diffèrent donc totalement, sauf sur un point : la dimension extraordinaire du personnage Poutine.
• La première nouvelle vient d’une interview de CNBC.New, le 25 février 2015 d’Alastair Campbell qui fut le conseiller en communication de Tony Blair, et à cette époque un ami très proche du Premier ministre britannique. “A cette époque”, c’est-à-dire principalement lors de la guerre du Kosovo, où Campbell organisa à l’OTAN, en plein conflit, une cellule puissante de communication dont le but explicite fut de mettre en musique et de vendre, sinon de solder à la presse-Système une narrative de la guerre. Campbell réussit parfaitement son coup, la presse-Système marcha sans rechigner et le Kosovo devint la “première guerre virtualiste” dans sa construction de communication. Campbell fut également très actif et assez efficace lors de la guerre contre l’Irak de 2003, où il “vendit”, avec à peine un peu plus de difficultés que lors du Kosovo, la narrative des armes de destruction massive. Puis il sombra dans la dépression et quitta son poste de conseiller proche de Blair, en même temps que les liens entre les deux hommes se distendaient jusqu’à une quasi-rupture.
Quoi qu’il en soit, Campbell garde une certaine réputation et il est ici interviewé, notamment sur Poutine. Campbell garde une position standard-Système sur le fond (Poutine, personnage destructeur, ennemi du genre humain) sans vraiment s’y attarder, mais il s’attache surtout dans son intervention à une appréciation “technique” de l’homme politique. Le résultat est extrêmement élogieux : Poutine est un “gagnant-né”, il possède une stratégie à long terme pour restaurer la puissance russe et n’en déviera pas, il écrase par ses capacités tous les autres dirigeants politiques. Sputnik.News donne un résumé en français de l’’intervention de Campbell, le 26 février 2015.
«Selon M. Campbell, le président russe possède un strict plan d’action et reste fidèle à une “stratégie propre”. “Que cela nous plaise ou non, Poutine est un vainqueur. Il a une conception claire de sa propre stratégie”, a-t-il indiqué, soulignant que les autres leaders mondiaux, notamment le président américain Barack Obama, ne possédaient pas un plan aussi clair. Evoquant les projets à long terme du leader russe, M. Campbell a déclaré que le but de Poutine était de “restaurer les forces et la puissance de son pays”, soulignant que le chef d’Etat russe “ne changerait pas de cap”.»
• Maintenant, monsieur Simon Parkes, désigné comme “un homme politique britannique” mais qui semble plutôt de nationalité canadienne, qui donne son appréciation sur Vladimir Poutine dans le journal Chronicle Live, de Newcastle. Simon Parkes est connu (relativement) pour ses aventures extraterrestres originales et il a révélé au Chronicle Live qu’il y incluait désormais Vladimir Poutine. Monsieur Parkes précise que sa démarche intellectuelle s’est développée surtout depuis qu’il est apparu que les conseillers spéciaux du président russe, des reptiliens extraterrestres, avaient été remplacés par des Nordiques extraterrestres beaucoup plus sérieux et avisés puisque ce sont eux qui le conseillent dans sa politique dans la crise ukrainienne et dans sa ligne antiaméricaniste. Sputnik.News n’a pas rechigné devant une version condensée de cette intervention, le 20 février 2015.
«Des extraterrestres figurant parmi les conseillers du président russe Vladimir Poutine, seraient à l'origine du conflit en Ukraine et de la détérioration des relations entre Moscou et Washington, a déclaré l'homme politique britannique Simon Parkes cité par un journal de Newcastle, Chronicle Live. Selon M. Parkes, qui affirme avoir eu “des centaines de contacts” avec des visiteurs d'autres planètes, le conflit armé dans l'est de l'Ukraine se serait aussi apaisé suite à une ingérence de civilisations extraterrestres. “M. Poutine a d'abord figuré parmi les gens bénéficiant d'aide de conseillers reptiliens. Mais les Nordiques lui ont fait une contre-proposition. Les technologies que les Nordiques fournissent à M. Poutine sont aussi efficaces que celles des Etats-Unis”, a-t-il indiqué à Wallsend (nord-est de l'Angleterre). Selon lui, ce sont les extraterrestres nordiques qui ont conseillé au président Poutine de résister à l'influence américaine.
»Simon Parkes, père de famille de 54 ans, avait antérieurement déclaré que son véritable père était un reptilien, qu'il avait senti la présence d'extraterrestres avant même sa naissance, qu'il avait perdu sa virginité avec un extraterrestre à l'âge de cinq ans et qu'il entretenait une relation extra-conjugale avec une extraterrestre, qu'il surnomme la reine des chats, au rythme de quatre relations sexuelles par an.»
A première vue, il semblerait n’y avoir aucun lien entre l’efficace spin doctor de Blair devenu dépressif et l’amant de la reine des chats extraterrestre Simon Parkes. Pourtant, voilà que le personnage de Poutine les unit, au gré des nouvelles. Bien sûr, il ne s’agit que d’un cas exemplaire de rassemblement inattendu, d’un genre qui se répète à un rythme effréné dans nombre d’organes de presse très différents, dans les colloques, sous la plume des experts et des originaux, dans le cadre du Système, d’une façon très sérieuse ou d’une façon originale jusqu’à l’extrême, – de Campbell à Mr. Parkes. A ce point, on ne pourrait s’en tenir au simple jugement que Poutine est “diabolisé”, ce qui est vrai en partie mais ne suffit certainement pas. Comme le montrent ces deux interventions, chacune à leur manière, Poutine est aussi considéré avec un respect de connaisseur pour sa politique et la façon dont il la conduit, et comme un personnage assez universel et assez énigmatique par rapport aux normes (aux normes-Système) pour disposer de soutiens originaux (les reptiliens extraterrestres, passe encore, mais l’intervention des Nordiques extraterrestres cela indique qu’il dispose de relations considérables et originales). Il est vrai qu’un mythe, ou une légende, est en train de se construire autour de lui (Poutine), dans le cadre schizophrénique du Système, de sa narrative, de son déterminisme-narrativiste, et sans pourtant que ce “mythe” ou cette “légende” ne soit justement déterminé par les normes du Système. C’est là l’originalité du propos : Poutine est diabolisé et classé ennemi public n°1 du genre humain, mais aussi homme politique et homme d’État exceptionnel (plus encore par le contraste avec la médiocrité et la fatigue psychologiques tout aussi exceptionnelles des dirigeants-Système qu’en valeur absolue), mais aussi sujet de récits légendaires selon les normes fictionnelles et lunatiques, elles-mêmes bien médiocres et bien pauvres, de la postmodernité plus ou moins New Age.
Ainsi Poutine sort-il du champ classique de l’objet nécessairement maléfique par vertu de contraste des constructions paroxystiques rendues nécessaires par les exigences de la Politique-Système pour entrer dans celui, beaucoup plus riche, d’une référence idéale pour prendre la mesure de nos propres états pathologiques suscités par le poids du Système. Les deux exemples cités ici sont enrichissants, parce qu’ils impliquent un serviteur habile du Système dans ses plus perverses constructions narrativistes, et tombé dans la dépression à cause de cela, et un lunatique engagé dans des aventures extraterrestres permises par le Système pour fournir la détente nécessaires aux psychologies qui subissent sa contrainte.
Poutine passe donc de la fonction d’objet à celle de thérapeute de nos tentatives dérisoires d’une thérapie rendue nécessaire par les pressions du Système. Il n’est plus très loin d’une position de référence qu’on voudrait salvatrice, à la fois comme perspective techniquement idéale, comme une sorte de psychiatre de nos angoisses (notre Sigmund Freud revu modèle-XXIème siècle), voire comme une sorte de confesseur prenant en charge d’un autre point de vue ces mêmes angoisses multiples. Il est en train de devenir notre miroir où nous pouvons nous contempler avec une horreur à peine contenue, dans une posture et une perception bien différentes de celles de tous les personnages diabolisés en série depuis la fin de la Guerre froide, c’est-à-dire le miroir de notre situation catastrophique, bien au-delà de ce que lui-même voudrait et de ce qu’il imagine. Selon ce système d’observation et de réflexion, on ne peut que constater l’échec tonitruant de la campagne de communication naturellement générée dans toute sa surpuissance, surtout à partir de février 2014, par le Système et son déterminisme-narrativiste, pour enfermer Poutine dans sa diablerie. Il y a été mis, effectivement, mais d’une façon si emphatique, si grotesque, si manifestement éloignée de toute vérité de situation, qu’il s’en est très vite échappé pour devenir ce qu’on décrit : le diable, si diable il y a, d’un Système lui-même nécessairement diabolique et en train d’exposer sa diablerie par des outrances extraordinaires, et ce diable-là (Poutine) finissant par antithèse par devenir vertueux en étant installé comme sujet et référence à la fois.
En d’autres termes, la crise ukrainienne et le paroxysme antirusse/antipoutinien nous en révèlent beaucoup plus sur “nous-mêmes” (c’est-à-dire sur le bloc BAO) que sur les Russes et sur Poutine, et sur les relations de nous-mêmes avec la Russie et avec Poutine. La crise ukrainienne dans toutes ses composantes se confirme elle-même comme une composante de la Grande Crise, – c’est-à-dire la crise d’effondrement du système, – avec notamment, sinon essentiellement, une crise fondamentale de la psychologie collective sous l’influence du Système. Par conséquent, l’engagement surpuissant du Système dans cette crise ukrainienne constitue pour lui (le Système) et pour les psychologies de ses serviteurs un risque considérable d’accélérer cette phase finale de l’effondrement. Poutine est le miroir et le témoin de tout cela, ce qui dispense de se demander pour quelles raisons on distingue parfois chez lui, derrière sa mine énigmatique, un certain sourire non exempt d’ironie.
Mis en ligne le 27 février 2015 à 09H16
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