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145010 novembre 2008 — On a quelques premières impressions sur l’action du nouveau président des Etats-Unis; Barack Hussein Obama (pourquoi pas BHO, pour faire plaisir à BHL?) pas encore en fonction mais envoyant déjà des indications, y compris par des prises de position qui ont, par la force des choses si l’on veut, un caractère officiel et presque gouvernemental. On sait que nous serions inclinés à penser que l’enjeu n’est pas vraiment de savoir si l’arrivée d’Obama marque l’aube radieuse et gracieuse de la société multiculturelle sur le monde mais si elle suscite des signes avant-coureurs, ou s'il y a absence complète de signes c’est selon, concernant deux hypothèses absolument fondamentales:
• Obama sera-t-il un président réformiste, voire réformiste radical, non pas de l’Amérique mais du système de l’américanisme? Le deviendra-t-il dans une tentative qui deviendrait inévitable de réforme de certains aspects du système, laquelle réforme, avec l’inévitable réaction défensive du système qu’elle induirait, le conduirait à renchérir dans cette voie dans un processus de montée aux extrêmes? On sait que cette hypothèse, qui est celle d’un “American Gorbatchev”, porte in fine la conséquence d’une attaque qui pourrait être déstructurante contre le système.
• Obama prendra-t-il conscience (s’il ne l’a fait, ce qui est une énigme) de ce que le monde est menacé d’un crise systémique, sinon qu’il est effectivement entré dans cette crise systémique générale que nous jugeons eschatologique, qui implique évidemment des menaces ontologiques, non seulement contre la civilisation mais contre l’espèce? Ou bien ignorera-t-il la chose? Observons que cette deuxième hypothèse est liée en un sens à la première: la réforme pouvant devenir “réforme destructrice” du système implique la mise à jour, ou la prise en compte, pour celui qui la conduit, d’une dimension supérieure de menace déstructurante, qui est la crise systémique eschatologique dont nous parlons.
Observons prudemment que les premiers signes d’activité d’Obama ne découragent pas l’hypothèse évoquée ici. Il y en a plusieurs, certains largement connus, d’autres beaucoup moins, mais, peut-être, pas moins significatifs.
Nous les énumérons et les rappelons ici…
• L’économie, avec l’annonce d’un “plan de relance” (ce sera la première initiative du président à son entrée en fonction) qui implique une certaine prise en compte de l’aspect social de la situation US, en liant cette prise en compte à l’interventionnisme de la puissance publique. C’est une mesure que les républicains qualifient de “socialiste”, qui est par contre puissamment soutenue par le sénateur Kennedy et le clan Kennedy qui comptent parmi les “parrains” d’Obama. Les plus critiques d’Obama, comme WSWS.org, n’ont trouvé à reprocher au nouveau président, tout en le condamnant vivement comme à l’habitude (le titre : «Obama reassures big business on economic Policy»), que le choix des personnalités qui l’entouraient lors de sa conférence de presse annonçant la chose. (WSWS.org le 8 novembre 2008: «Obama declared, “We need a rescue plan for the middle class,” but the composition of his Transitional Economic Advisory Board belies his claim to be focusing on the economic difficulties of ordinary people. The panel consists entirely of representatives of the corporate and financial elite and the Democratic wing of the political establishment.») La réalité est que cette orientation prise par Obama rencontre en bonne part les attentes de ceux qui souhaitent une présidence axée sur le réformisme et l’interventionnisme, “à-la-FDR”. Le départ est dans tous les cas dans ce sens.
• L’épisode du BMDE et du président polonais qui veut faire dire à Obama ce qu’il n’a pas dit semble-t-il, détaillée ce 10 novembre dans notre Bloc Notes. Il est suivi d’un autre épisode, plus élargi et plus significatif sur le même sujet, montrant une grande satisfaction des Russes, une amorce de coopération entre Obama et la Russie, et ainsi de suite. En perspective, on trouve la possibilité de meilleures relations entre les USA et la Russie, le possible règlement des tensions accumulées autour de l’activisme bushiste en Europe de l’Est contre la Russie et ainsi de suite. Là aussi, il y a des indications selon lesquelles les préoccupations internes et autres d’Obama le poussent à tenter d’aller vers la liquidation du BMDE et à de meilleures relations avec la Russie, avec le but général de tenter de verrouiller le “front européen” dans l’apaisement général.
• L’affaire assez inattendue, également détaillée ce 10 novembre dans notre Bloc Notes, de ce que nous nommons l’hypothèse du “gorbatchévisme électronique”. Ce point paraîtra à première vue très exotique, voire anecdotique. Il n’est pas que cela, loin de là. Il implique une réflexion politique qui n’est pas sans poids ni conséquence. Il implique qu’Obama est un homme qui sent le besoin de disposer d’un outil pour tourner le système et solliciter un soutien populaire; cette sorte de pensée naît lorsque l’on a à l’esprit des projets dont on juge qu’ils peuvent juger comme déstabilisants par le système. Il y a là un enchaînement potentiel, à la fois psychologique et d’action.
• On mentionnera également les mésaventures des vendeurs du JSF en Israël. Il est difficile et il serait angélique de n’y pas voir comme motif principal une extrême alerte du CMI devant la possibilité de réductions budgétaires importantes au Pentagone, dont le JSF aurait à pâtir. Il est évident que l’attitude d’Obama vis-à-vis du budget du Pentagone, c’est-à-dire vis-à-vis du cœur du complexe militaro-industriel, sera une indication absolument impérative de ses intentions par rapport au système. On trouve partout des signes que cette question est, in fine, au centre de toutes les préoccupations, de toutes les hypothèses.
Obama est donc en piste. Le moins qu’on puisse observer est que les choses vont vite. Le moins qu’on doive rapporter est qu’il sourd autour de l’événement une tension réelle. L’euphorie de l’élection est dissipée et les clameurs d’auto-satisfaction du monde occidental sur l’Amérique multiculturelle renvoyées au rayon des accessoires. On entre dans le domaine des choses sérieuses et il est incontestable que l’atmosphère est électrique, avec l’addition de plusieurs faits expliquant ou exprimant cette atmosphère électrique, avec l’hypothèse générale que le mandat Obama s’ouvre potentiellement sur un enjeu fondamental qui concerne le système de l’américanisme lui-même. Rien ne permet encore d’affirmer que nous y sommes mais rien, absolument rien, et c’est cela l’important, ne permet de penser que cette voie est barrée. Cela nous pousse à cette analyse à partir de ces indications encore fort éparses.
Les points que nous relevons plus haut ne donnent qu’une indication parcellaire limitée à très limitée, dans les domaines qu’ils concernent, – rien de structuré sans nul doute. En eux-mêmes, ils n’ont aucune valeur indicative décisive. A ces faits disons “positifs” (selon le point de vue d’où nous nous plaçons) s’opposent d’autres, qu’on jugerait “négatifs” et qui partagent les mêmes caractéristiques, – mais qui sont notablement moins nombreux et significatifs que le domaine contraire. Le principal d’entre eux est la nomination de Rahn Emanuel comme chef de cabinet d’Obama à la Maison-Blanche; Emanuel, ancien citoyen israélien, ancien combattant des forces israéliennes, mais aussi politicien brutal de la vie washingtonienne, – largement documenté partout dans la presse alternative, notamment sur CounterPunch, par Alexander Cockburn le 7 novembre.
«Emanuel, as Ralph Nader points out in my interview with him below, represents the worst of the Clinton years. His profile as regards Israel is explored well on this site by lawyer John Whitbeck. He’s a former Israeli citizen, who volunteered to serve in Israel in 1991 and who made brisk millions in Wall Street. He is a super-Likudnik hawk, whose father was in the fascist Irgun in the late Forties, responsible for cold-blooded massacres of Palestinians. Dad’s unreconstructed ethnic outlook has been memorably embodied in his recent remark to the Ma’ariv newspaper that “Obviously he [Rahm] will influence the president to be pro-Israel… Why wouldn't he be [influential]? What is he, an Arab? He's not going to clean the floors of the White House.”
»Working in the Clinton White House, Emanuel helped push through NAFTA, the crime bill, the balanced budget and welfare reform. He favored the war in Iraq, and when he was chairing the Democratic Congressional Campaign Committee in 2006 he made great efforts to knock out antiwar Democratic candidates. On this site in October and November, 2006, John Walsh documented both the efforts and Emanuel’s role in losing the Democrats seats they would otherwise have won.»
Pourtant, ce contre-exemple n’est décisif en rien, à l’encontre de l’hypothèse que nous évoquons. L’attitude d’Israël, dont Emanuel est à l’extrême présenté comme “son homme” à la Maison-Blanche, est aujourd’hui très équivoque (voir le cas du JSF) dans une affaire essentielle pour le CMI.
Comment envisager de tirer argument de si peu de cas? D’autre part, le “si peu de cas”, dans l’espace de quatre jours et en période de transition, ce n’est pas si mal du tout… Mais il nous importe moins de “tirer argument” que de considérer l’interprétation qu’on peut offrir de ces premiers événements. Cela nous conduit plutôt à observer d’une part la rapidité de la mise en route de l’administration Obama sur des sollicitations très diverses, d’autre part, comme complément de ce qui précède, que cette administration est d’ores et déjà sollicitée par la pression des événements. Bien sûr, elle le sera de plus en plus, d’autant que les événements, – encore ne parle-t-on que de ceux qui sont programmés, – ne montrent aucune pause pour la transition. Par exemple, il y a la réunion de Washington sur la crise financière, le 15 novembre, la réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN du début décembre, avec posée la question de l’entrée dans l’OTAN de la Géorgie.
Cette pression des événements extérieurs devrait soumettre la nouvelle administration en cours de constitution à des engagements précipités. Ainsi est-elle beaucoup plus sensible au climat général qu’elle ne pourrait paraître, – et le climat général, ce n’est pas l’euphorie de l’élection, qui n’est ni un fait politique, ni un phénomène durable. Plutôt que dire que l’élection d’Obama a “changé l’Histoire”, nous nous demandons si ce n’est pas l’Histoire qui va “changer l’administration Obama” ou la façonner au contraire de ce que l’on en envisageait en général, selon les canons du système; notamment et particulièrement en l'impliquant plus vite qu'on ne pouvait attendre dans les affaires, en l’obligeant à se situer plus rapidement par rapport aux événements en cours, selon ces événements. La seule remarque plus personnelle que nous pourrions avancer, c’est que, tout de même, Obama nous paraît être très réceptif au façonnage que lui imposeraient les pressions de l’Histoire, comme s’il pouvait être tenté d’y trouver son destin. Il y a d’autre part le facteur qui n’est pas mince des pressions de l’élection, c’est-à-dire la pression qu’a impliqué le vote des électeurs, l’intensité de ces votes, etc.
D’une façon générale, comment pourrait-on définir ces événements? Comment pourrait-on préciser dans quel sens ils vont? Il s’agit d’une évaluation générale de forme spéculative, qui implique en hypothèse radicale extrême un processus de déstabilisation du système (“gorbatchévisme”) éventuellement assumé par Obama (“American Gorbatchev”). Pour l’instant, nous proposons deux hypothèses immédiates que nous ne sommes pas loin de considérer comme des constats de faits d’ores et déjà en cours de s’imposer.
Un premier constat, concernant l’atmosphère, le climat, qui entourent et accompagnent l’élection, et qui se manifestent à l’occasion de cette élection mais n’en dépendent nullement: l’extraordinaire réduction de l’importance qu’on attribue à la “guerre contre la Terreur” qui ébranla le monde le 11 novembre 2001, et occupa toute la politique washingtonienne pendant des années. La GWOT et toute la salade qui l’accompagne sont en train de complètement sombrer, en matière de perception, de crédibilité, donc d’importance, exactement à l’image de la disparition de l’existence politique même de GW Bush. Le montage virtualiste s’effiloche à très grande vitesse, simplement parce qu’il devient de plus en plus “irrelevant”, parce qu’il est vraiment trop étranger à la réalité nouvelle qui s’installe. C’est une chose qui se perçoit plus qu’elle ne se mesure.
Le second constat est parallèle et relatif; c’est la montée de l’importance universelle de la crise structurelle qui affecte le système. C’est sous ces auspices que commence le parcours du nouveau président. Cette situation que nous décrivons, dont nous ne cachons nullement qu’elle est perçue par nous de manière intuitive, ne va cesser de se développer et de peser sur les démarches d’Obama, et aussi sur celles de ses pairs, particulièrement Medvedev et Sarkozy qui se trouvent également emportés par cette perception de l’urgence de la crise de nous-mêmes… (Le discours de Medvedev du 5 novembre contribue à actualiser ces diverses idées.) Obama trouvera plus de dirigeants étrangers prompts à l’embrigader dans des démarches collectives concernant des crises générales pressantes qu’à attendre de le voir “restaurer” un hypothétique leadership US, notamment parce que les matières où ces démarches collectives s’exercent sont très générales et échappent à quelque leadership que ce soit.
Il ne fait aucun doute qu'il existe une possibilité sérieuse que l’après-élection soit encore plus “historique” que l’élection elle-même.
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