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23 septembre 2002 — La victoire de Schröder a été l'occasion d'un nombre très élevé de commentaires, dont un nombre très respectable en forme de sornettes et de conventions habituelles. La raison en est simple : c'est une victoire embarrassante pour tout le monde, aussi l'on se barricade derrière tous les lieux communs possible.
C'est une victoire embarrassante pour certains Américains, pour les amis Européens et, d'une certaine façon, pour Schröder lui-même. Le problème posé par cette victoire est très simple à énoncer et d'une horrible difficulté à résoudre : comment faire en sorte que tout ce qui a été dit pendant la campagne électorale par Schröder, haut et fort, et entendu partout et par tout le monde, y compris par les alliés et par le peuple allemand, — comment faire pour que ce qui a été dit n'ait pas été dit ?
Un commentaire exemplaire de cette situation est, notamment, celui de Reuters. Il nous donne un résumé des réactions enregistrées en général.
La vision la plus conventionnelle est celle-ci :
« U.S. analysts said they expected Schroeder to act fast to limit the damage by announcing that Germany would take over the lead of the international peacekeeping operation in Afghanistan.
» “They will move very quickly to reassure the allies by declaring as soon as possible their willingness to take over command in Afghanistan and probably to take on additional commitments in the Balkans,” said William Drozdiak, director of the Transatlantic Center in Brussels.
» He said the Bush administration would make the chancellor pay a personal price for his Iraq rhetoric. He would probably have to wait some time for an invitation to the White House. »
Une réaction plus intéressante est celle de l'ancien ambassadeur de Pologne à Berlin, Janusz Reiter, aujourd'hui du Centre des affaires Internationales à Varsovie. Reiter a le mérite de peindre la situation post-électorale de Schröder en des termes réalistes :
« Reiter said Schroeder had taken a big risk with Germany's foreign relations by making virulent opposition to any U.S. military action against Iraq, even with United Nations backing, a major theme of his re-election campaign. “Schroeder has made governing very, very difficult for himself. He let the genie out of the bottle and now it won't be easy for him to close the bottle again,” Reiter said. »
En effet, cette question des relations avec les USA dans le cadre brûlant de la guerre contre l'Irak nous paraît être le point le plus crucial du gouvernement Schröder-II, ce qui est un prolongement tout à fait inattendu comme on l'a déjà mis en évidence. Il y a évidemment plusieurs raisons pour expliquer les difficultés qu'on prévoit pour Schröder à se sortir de la contradiction désormais criante de sa position politique (prise de position anti-US pour un gouvernement allemand qui,, comme tout gouvernement allemand depuis 1945, est traditionnellement aligné sur les USA). Voici les points généraux du constat selon lequel le retour à la norme que devrait rechercher Schröder sera très difficile à atteindre :
• L'élection a été remportée sur cette question de l'opposition à la guerre contre l'Irak, et dans une orientation anti-US évidente et puissante. Même des commentateurs US très conformistes reconnaissent l'importance considérable de ce point, et reconnaissent à cet égard une certaine responsabilité de Washington, — avec, pour certains, l'espoir fallacieux que l'incident fasse réfléchir Washington. (Philip Gordon, senior fellow à la Brookings Institution, estime qu'il y a « a direct relationship between the Bush administration's unilateralism and Schroeder's political comeback, which should make policymakers in Washington realize there was a cost to ignoring its allies »).
• Cette réalité électorale, par sa puissance, va peser d'un poids considérable sur le gouvernement Schröder, notamment parce que l'opposition de Schröder à la politique US a été exprimée en termes précis, catégoriques, portant sur des matières extrêmement précises, et que cela a été répétée et confirmée.
• Les événements ne permettront pas d'espérer que cet épisode soit oublié aisément. Il est lié à la guerre contre l'Irak, et celle-ci doit encore avoir lieu. Schröder ne sera pas libre de prendre la position qui lui importe politiquement (c'est-à-dire une position qui lui attire le moins de désagréments possibles à Washington). Il devra, d'une façon ou l'autre, ou, dans tous les cas, en partie, confirmer son opposition.
• Contrairement à ce que la plupart des experts espèrent, Washington ne fera rien, absolument rien pour faciliter le retour à la norme de Schröder. Au contraire, son opposition va être dénoncée et mise en exergue, avec les outrances qui vont avec (référence à l'Allemagne nazie, anti-sémitisme, etc, car, aujourd'hui, une opposition à la guerre en Irak n'est pas loin d'être assimilé chez certains commentateurs US et membres de l'administration GW à une attitude nazie et anti-sémite [voir l'article de Justin Raimundo du 23 septembre])).
Dans les tensions qui vont accompagner le conflit en Irak, avec des pressions populaires probables en Allemagne (manifestations anti-guerres notamment), il s'agit d'un cocktail explosif. En Europe, il ne manquera pas non plus d'attiser les difficultés suscitées par les différences d'analyse, les différentes positions des divers membres de l'Union.