Prodi et les limites de l’“appeasement

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Le Premier ministre Prodi est venu au pouvoir dans l’ambiguïté habituelle, aujourd’hui en Europe, quand on assure avoir un zeste d’attitude critique de la politique belliciste US. C’est-à-dire que son arrivée aurait pu conduire à des décisions significatives. Mais Prodi fait tout de même partie du système, et puis nous sommes en Italie.

Pour Prodi, le retrait du contingent italien d’Irak, mesure pourtant bien faiblarde largement préparée par les palinodies berlusconesques, semble avoir été le plus qu’il pouvait faire “contre” les US. Sur tous les autres sujets d’importance, il s’est soumis. Il est tombé explicitement sur cette question des relations avec les USA (le Times de Londres titrait précisément ce matin : «Prodi quits after pro-US policies cause defeat.»). Cela implique une crise extrêmement grave, et une crise complètement inédite (la chute d’un gouvernement d’un pays européen sur la question de ses relations avec les USA est rarissime). Quelle que soit la façon de recoller les morceaux, la crise sera toujours là, de plus en plus grave.

“De plus en plus grave”, parce que de toutes les façons les motifs de friction grandissent, sans doute hors de portée et d’influence d’un gouvernement si faible (celui de Prodi et/ou celui qui lui succédera), et si affaibli par sa politique d’apaisement.

• Sur la question de l’engagement dans le programme du JSF (signature d’un deuxième document intermédiaire il y a deux semaines à Washington), le gouvernement Prodi a refusé de faire pression sur les militaires pour modifier leur engagement aveugle dans ce programme. Sur cette question, le cabinet Prodi a refusé tout contact exploratoire officieux avec certains de ses alliés européens, bien qu’il soit informé de la gravité de l’affaire. Il est possible qu’une contestation parlementaire sur cette question se développe ces prochains mois.

• La question de l’inculpation de 26 agents de la CIA échappe complètement au gouvernement. La justice italienne a montré une remarquable indépendance en prenant cette décision. Les Américains sont absolument furieux et ont fait pression sur le gouvernement Prodi. C’est un très sérieux contentieux, qui peut devenir explosif.

• La cause de la chute de Prodi, c’est un vote sur l’envoi de troupes en Afghanistan et l’élargissement de la base US de Vicenza. Ce dernier point a été particulièrement remarquable, avec une manifestation de 100.000 personnes le 17 février et la démonstration d’une opposition populaire grandissante au militarisme US. Selon WSWS.org de ce jour :

«“Prodi Vergogna” (“Shame on You, Prodi”) could be read on many banners. Protesters, who came from all parts of Italy, carried hundreds of banners, pennants and hand-painted posters criticising the Iraq war.

»The demonstration remained completely peaceful, although the government and media had sought to stoke up fears of possible acts of terrorism. Sewer covers had been welded shut in the city centre of Vicenza, thousands of police and Carabinieri were mobilised, and police helicopters circled continuously overhead.

»The main demand of demonstrators was an immediate end to military interventions by Italian forces. “It is not just about the American base,” one participant told the Reuters news service “It is about the fact that bomber aircraft fly directly from this base to intervene in countries where war is raging.”»

L’Italie devient un centre du malaise européen par rapport à l’alliance avec les USA. Il semble très probable qu’en cas d’événements graves (attaque contre l’Iran), l’Italie pourrait devenir un point de fusion de l’agitation anti-américaniste en Europe. Prodi a fait la démonstration des limites de l’“appeasement” (selon le terme employé durant la Guerre froide pour la politique de concessions vis-à-vis de l’expansionnisme soviétique).


Mis en ligne le 22 février 2007 à 08H22