Promenades nucléaires...

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Promenades nucléaires...

28 novembre 2024 (20H30) – Mieux que ces gens par centaines, sinon par milliers, – je parle de nos “experts” en compétition sur les plateaux, – qui bavassent, jacassent, cancanent et babillent sur les grandes chaînes de la presseSystème dotées de salaires exorbitants et d’une célébrité à mesure, nous avons quelques sources dites indépendantes et nécessairement dissidentes dans le sens le plus noble. Ces sources sont, comme nous-mêmes dis-je avec confiance, une fenêtre ouverte sur la réalité de la vérité ; un grand courant d’air de la sorte qu’on respire sur les sommets ; un horizon plus grand que leurs illusions... Nous nous fichons bien de leur simulacre, et moi comme un des premiers.

Après cette mise en bouche un peu exaltée, je vous parle de mon propos central. Il s’agit du programme de Mercouris d’hier 27 novembre. Il y est question de la situation en Ukraine, ou plutôt la situation “avec la Russie”, alors que des nouveaux tirs de missiles sol-sol ATTACM d’origine US, tirés par les Ukrainiens, sans grand succès mais contribuant à fortement accentuer la tension et la pression sur les psychologies, surtout du côté russe, pour ce qui est vécu comme une situation humiliante et dégradante ; si l’on ne riposte pas ; alors qu’on dispose désormais d’une arme formidable pour riposter en écartant le risque nucléaire couru par la Russie, en laissant aux autres la charge écrasante du choix, puisqu’ils ne peuvent riposter qu’avec du nucléaire...

On lira/écoutera Mercouris dans un premier passage où il nous dit,
1) que la pression monte au Kremlin de la part de l’aile dure, pesant sur un Poutine jugé trop prudent ;
 2) que Poutine, qui n’est pas un dictateur, ne peut pas ne pas tenir compte de cette pression au-delà d’une certaine force.

Donc, Mercouris :

« Hier, lors d'un live stream, nous avons eu le privilège sur le Duran d'interviewer le lieutenant-colonel Daniel Davis, ancien membre des forces armées des Etats-Unis. Il nous a confiés qu'il avait été informé par des personnes bien informées sur ces questions russo-ukrainiennes... Évidemment, il ne nous a pas révélé qui sont ses sources mais je suis sûr qu'il est bien mieux informé que nous sur ces questions ; il nous a dit qu'au sein de la communauté du renseignement des États-Unis, ils ont des informations selon lesquelles il y a maintenant des dissensions au Kremlin. Parmi les membres du Conseil de sécurité de la Russie, on trouve un nombre grandissant de personnes de plus en plus frustrés par la prudence de Poutine en réponse à ces attaques américaines et aux frappes de Storm Shadow. Ils disent que la situation a maintenant atteint le point où, quels que soit les calculs diplomatiques de prudence, le risque pour la Russie devient plus grand, sinon trop grand. Il est nécessaire qu’elle réagisse avec force contre les cibles occidentales plutôt que de continue à absorber ces attaques et les frappes de ‘Storm Shadow’, aussi inefficaces militairement qu'elles puissent paraître... »

Le dictateur sans dictature

On en vient à une description de la fonction et de la position de Poutine, où l’on voit que cet homme dont le sang-froid et la patience sont légendaires se trouvent aujourd’hui dans une circonstance de plus en plus contraignante, selon le système russe lui-même, tel que lui-même a contribué à le renforcer, sinon à le mettre en place.

« Vladimir Poutine n'est pas le dictateur de la Russie, quoi que beaucoup de gens puissent dire. Il est peut-être le décideur ultime, mais il doit tenir compte de l'opinion publique russe et il doit également tenir compte de l'opinion du Kremlin. Il peut résister à la pression exercée en faveur d’une réponse très forte pendant un certain temps seulement pendant ; même lui finira probablement par décider que les risques sont trop grands de laisser les Américains et les Britanniques continuer à faire ce qu'ils font ; qu’ils sont devenus trop élevés, et que la Russie doit réagir. »

Ce phénomène, cette possibilité à existé de tous temps ces dernières années, mais l’évènement-‘Orechnik’ a tout changé. Nous avons déjà beaucoup insisté sur cet événement révolutionnaire qu’est l’apparition, grâce à certains éléments technologiques déjà largement détaillés, d’un échelon de plus dans la dissuasion, et un échelon qui donne la capacité de faire des dégâts considérables, qui peuvent ressembler à ceux d’une bombe nucléaire de faible puissance, en minimisant aux maximum les dégâts collatéraux et en faisant sortir de l’équation la monstrueuse menace de la chose nucléaire.

On commence à entendre des voix qui décrivent à sa mesure la puissance exceptionnelle de cet événement, dans le sens où nous le signalons très précisément d’un point de vue opérationnel depuis au moins le 23 avril 2022. Pour mon compte, et étant loin d’en dire tout ce qu’on peut en dire car je suis loin de suivre toutes les interventions faites à cet égard, j’ai entendu décrire comme une véritable révolution l’irruption de cette nouvelle marche fondamentale dans le schéma de la dissuasion, – chez Mercouris justement (« It’s a Revolution in Military Affairs ») et chez Hervé Caresse (« c’est absolument révolutionnaire ») lors de l’émission ‘Le Samedi politique’ du 23 novembre, sur TV-Liberté.

Ce nouvel état de fait de la dissuasion, avec la dimension stratégique même dans la dimension tactique qui devient accessible sans nécessité de recourir au nucléaire, commence à faire son effet sur les psychologies. C’est pourquoi les partisans de la ligne dure (Mercouris cite Medvedev “mais pas que”...) se font plus pressants et sont nécessairement plus influents, et Poutine lui-même, avec toute sa prudence, ne peut s’empêcher de subir cette influence. On le voit dans son dernier discours, aujourd’hui au sommet des pays du CSTO, à Astana, au Kazakhstan, où il se montre notablement plus dur, comparant ‘Orechnik’ à un météorite.

Des cibles aux USA ?

Là-dessus, entrainé par la logique, Mercouris en vient à la logique opérationnelle de la situation qu’il a décrite. Il passe à la description concrète de ce qui peut se passer si finalement Poutine en vient, bon gré et mal gré tout ensemble, à accepter la logique des “durs”...

« Et alors si les Russes réagissent et s'ils mènent des frappes contre les installations militaires occidentales en Europe peut-être au Moyen-Orient, – qui sait où précisément...

» Il y a eu un rapport très alarmant sur la télévision russe qui a pris Astrakhan comme centre de lancement possible du missile ‘Orechnik’. On a discuté du type de cibles qu'il pourrait atteindre et a donné des chiffres sur le nombre de minutes qu'il faudrait à ‘Orechnik’ pour atteindre ces cibles. Les cibles citées se trouvaient en divers lieux en Europe, bien entendu, mais aussi au Moyen-Orient et ces cibles comprenaient des endroits en Europe évidemment des endroits au Moyen-Orient. Enfin, si ‘Orechnik’ est déployé en avant dans l'Extrême-Orient russe, ce qui est quelque chose dont les Russes parlent maintenant, il pourrait également atteindre des cibles dans le territoire continental des États-Unis, y compris des cibles où se trouvent certains systèmes stratégiques, cela constituant une situation très dangereuse en effet.. »

Enfin, pour terminer cette partie de l’extrait, une “question pour les nuls” sans aucun doute, à laquelle aucun des nuls n’a songé à répondre, ni même, sans doute, à se la poser en ces termes où ‘Orechnik’ figure en place de vedette :

« ...Mais si les Russes font cette attaque très destructrice mais sans emploi de nucléaire, s’ils répondent contre une cible de l'OTAN à l'extérieur de l’Ukraine, je reviens à cette question : que fait l'Occident dans ce cas-là ? Ils ripostent en utilisant des armes nucléaires, risquant une guerre nucléaire stratégique ? »

La guerre de l’amiral Buchanan

Pour enchaîner à partir de sa longue description qu’il terminait par l’hypothèse extrêmement incertaine d’une riposte nucléaire de l’OTAN à une attaque d’‘Orechnik’ sans nucléaire, Mercouris passe à l’hypothèse d’une guerre nucléaire fameusement évoquée il y a quelques semaines par l’amiral Buchanan, chef du ‘Strategic Command’, service qui a la gestion de toutes les armes nucléaires stratégiques des USA.

« L'amiral Buchanan des États-Unis a récemment parlé de la façon dont les États-Unis pourraient être capables de l'emporter en cas de guerre nucléaire, à condition que la guerre nucléaire soit maintenue à un niveau contrôlé...

» Il s’agissait donc de la possibilité que les Etats-Unis l'emportent dans une sorte de guerre nucléaire limitée, de type tactique, contre les Russes. Je dois dire que je pense que c'est une idée incroyablement imprudente et dangereuse. On a vu à plusieurs reprises tout au long du conflit ukrainien comment les capacités des Russes sont systématiquement sous-estimées. Je pense que toute idée selon lesquelles États-Unis l'emporteraient contre un tel adversaire dans le cas d'un échange nucléaire est stupide et incroyablement dangereuse. De toutes les façons, je n'arrive toujours pas à me résoudre à croire qu'il y ait quelqu'un au Pentagone qui souhaite sérieusement se retrouver dans cette position. »

Il faut aussitôt ajouter un passage de Mercouris, sortie de son contexte pour mieux en apprécier l’importance. Mercouris la disait pour atténuer les propos de l’amiral Buchanan alors que je serais porté à croire qu’elle est l’aspect le plus important de son intervention. (Mais sans doute Mercouris, dans d’autres circonstances oratoires, dirait la même chose.) Buchanan décrit la possibilité d’une guerre pour mieux faire discrètement comprendre, pour éviter cette perspective potentiellement catastrophique, qu’il serait préférable de “parler” avec les Russes, les Nord-Coréens, les Chinois...

«  ...  [Buchanan a]  poursuivi en disant que ce n'était absolument pas quelque chose que les États-Unis voulaient. C’est un propos que beaucoup de gens qui ont commenté sa spectaculaire intervention ont également oublié, comme ils ont oublié qu’il a également dit que les Etats-Unis, afin d'éviter ces possibilités, devaient rouvrir le dialogue avec la Russie et la Corée du Nord tout en maintenant son dialogue existant avec la Chine de toute façon. »

Et alors, nous terminons notre Mercouris du jour par quelques points d’interrogation qui pèsent leurs poids, qui sont autant d’illustrations de l’embarras où se trouve l’Occident aujourd’hui, – qu’il (l’Occident) le réalise ou non. C’est une façon de prolonger, d’une manière différente, l’embarras où s’est montré l’amiral Buchanan, voulant montrer la force toujours supérieure à n’importe qui, de l’Amérique, de l’Occident si vous voulez, pour ajouter qu’il vaudrait mieux essayer de s’entendre avec les Russes qui semblent après tout être suffisamment fort ces temps-ci qu’on les dirait plus forts que n’importe qui.

«  Alors disons qu'il y a une frappe russe sur une base quelque part en Europe, ce serait un choc pour l'OTAN évidemment, mais que pense l'Occident dans tout ça ? Comment pense l'Occident ? Comment réagirait l'opinion publique  à cette situation ? Je ne sais pas et je ne pense pas que quelqu'un ait fait une étude analytique appropriée en pensant à cela. »

Qui vivra verra et “Qhe sera sera... Puisque, finalement, au bout de tant d’hypothèses, d’angoisses et de projets fous, et toujours sans rien y comprendre de plus comme le dit notre distingué commentateur : “Sing ‘C’est la vie’ !

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