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1479L’affaire de la loi anti-immigration de l’Arizona est en train de prendre une dimension psychologique considérable, – et c’est bien cela qui importe. The Observer a un excellent reportage là-dessus, le 25 juillet 2010. L’on y apprend que John McCain pourrait bien être battu par un autre républicain (Hayworth) pour l’investiture du parti pour les élections de novembre, parce qu’il ne soutient pas assez cette loi ; que des manifestations violentes de soutien à cette loi se multiplient ; que la panique (y compris chez des Africains-Américains et des Hispaniques “légaux” d’Arizona) se répand contre la supposée violence et le soi-disant désordre qu’apporteraient les immigrés clandestins ; que “l’esprit de la loi” fait tâche d’huile et inspire des travaux similaires dans une vingtaine d’autres Etats ; que certains jugent que cette loi n’est pas assez dure, – tout cela, pendant que l’administration Obama poursuit inflexiblement sa bataille légale contre cette loi, sans, semble-t-il, se soucier encore de cet aspect populaire. (Elle y viendra, comme d’habitude, quand il sera trop tard.)
Mais ce qui nous retient le plus, c’est l’état d’esprit, illustré par des extraits de l’article dans Ouverture libre du 26 juillet 2010 : la dénonciation du désordre et du crime à cause de l’immigration en Arizona alors que les statistiques montrent que crimes et violences sont en recul, notamment en Arizona…
@PAYANT En effet, nous ne serions pas loin de considérer, – conformément à notre ligne de pensée, – que cet aspect psychologique est l’aspect le plus important, et potentiellement un aspect irrésistible. Ce qui importe, ce n’est pas la courbe des statistiques mais les sentiments qui habitent l’esprit des gens. La courbe des statistiques est une acquisition bien douteuse pour comprendre l’évolution de notre système, et, surtout, l’évolution psychologique de ceux (nous tous) qui en dépendent. A l’heure du système de la communication où plus aucune objectivité n’est reconnue à tout ce qui prétend à l’objectivité, y compris et surtout les informations de source officielle et d’aspect scientifique, le poids de cette sorte de sentiments pèse décisivement sur la situation réelle. L’important n’est pas l’état de l’insécurité mais le sentiment de l’insécurité, quelque infondé qu’il paraisse éventuellement par rapport aux faits. Mais dites-nous donc quelle importance ont les faits dans un système qui prétend imposer sa propre réalité, qui suit une pente autodestructrice contre l’immense majorité des soi-disant mandants des soi-disant représentants du peuple, qui affirme des injustices extraordinaires au nom d’un moralisme hystérique prétendant que c’est justice pure, qui donne tous les passe-droits au corporate power pour poursuivre son œuvre de destruction du monde et ainsi de suite ? Dans ce cadre, porter un jugement en s’appuyant sur le rapport entre “l’état de l’insécurité” et le “sentiment de l’insécurité” n’a guère de sens, parce que les deux choses appartiennent à des univers désormais antagonistes.
Pire encore, – ou mieux, certes, – tous ces constats… Ce spectacle de voir la colère populaire favorable à cette loi anti-immigration gagner mêmes des Hispaniques et des Africains-Américains alors que les BHL innombrables du système dénoncent imperturbablement, appuyés sur les Tables de la Loi postmoderniste, une “loi raciste” (ou “nazie”, non ?), contre les communautés de couleurs variées ; de mesurer la force des sentiments exprimés, reflétant le désarroi d’une identité qui va complètement à vau-l’eau ; d’entendre des citoyens de l’Arizona affirmer que l’Arizona appliquera sa loi quoi que décide le juge fédéral qui doit statuer sur la plainte de l’administration Obama contre l’Arizona. Tout cela montre combien l’establishment au service du système s’y entend aujourd’hui pour créer des crises et pour les attiser, par pure maladresse, par ignorance, par indifférence, – par sottise sophistique et arrogante, et surtout par désarroi et désordre d'une psychologie collective dont on mesure aujourd'hui la fragilité due à l'imposture de la situation. L’establishment, touché de plein fouet lui-même par la crise psychologique, a perdu sa légendaire capacité à maîtriser les événements, à les contrôler, à les orienter
Le plus important est bien sûr cette dimension psychologique. L’article note combien la phobie anti-immigration gagne d’autres Etats, et bientôt l’Amérique. Les faits s’indignent de cette extension, mais les faits n’ont rien compris. Dans ce système où triomphe la communication et où le technologisme poursuit son œuvre déstructurante, les faits, dont tout le monde fait si peu de cas en les manipulant chacun à sa façon, ont toujours tort. Cette phobie anti-immigrantation, qui touche aussi bien les immigrants qui ne le sont plus et les arrière-petits fils d’esclaves noirs, recouvre des sentiments bien plus profonds, et notablement justifiés sinon honorables : la perte de l’identité, avec notamment l’insécurité sociale et économique dans une Amérique dévastée qui est socialement au niveau de la Grande Dépression, alors que Wall Street se porte bien et que BP va poursuivre sa grande œuvre civilisatrice de pompage au fond des mers au large de la Libye.
Il serait excellent pour le destin du système qu’un John McCain soit enfin autorisé à prendre un peu de repos dans ses terres de l’Arizona. Certes, il ne pourrait plus voter en faveur d’Israël et des sanctions contre l’Iran, en attendant l’attaque victorieuse, mais sa défaite grandirait encore un peu plus la panique de l’establishment dont les consignes brechtiennes de dissolution du peuple n’ont pas l’air de faire grand effet. Nous savons tous ce que tout cela signifie. La question de l’immigration, si elle existe réellement, n’est qu’un biais de plus pour exprimer une colère contre une direction totalement infantile à force d’irresponsabilité, totalement pourrie par la corruption psychologique, qui considère qu’elle a fait son devoir démocratique lorsqu’elle a répondu au doigt et à l’œil à la dernière injonction en date du lobby pro-israélien concernant la dernière attaque en date des paranoïaques de Tel-Aviv. On ne peut même plus parler de déconnexion entre leur “pays réel” et Washington, parce que pour déconnecter il faut qu’il y ait eu connexion, ce qu’il n’y en eut jamais en réalité dans le souvenir qui nous reste du temps passé.
Le cas de l’Arizona confirme, si besoin était, l’exaspération psychologique de la population US. Cette réaction ne crée ni le populisme d’une façon classique, ni un mouvement politique structuré, mais un désordre qui n’a pour seule référence stable et constante que la haine du “centre” et de ses nantis. Que cette fureur de la psychologie exprime dans ce cas de l’Arizona un repli sur des “peurs identitaires”, comme disent nos augures régulièrement rémunérés du système, rien de plus vrai, comme il est vrai évidemment que ces “peurs identitaires” sont plus justifiées aujourd’hui que n’importe quelle leçon d'idéologie correcte de nos moralistes régulièrement rémunérés du système, dont les signatures encombre la presse-Pravda. Tout cela n’est peut-être ni ordonné, ni très encourageant pour la haute beauté de la démocratie moralisante, mais tout cela reflète une vérité psychologique dévastatrice qui est sans aucun doute la réalité la plus tangible et la plus impérative de ces étranges temps historiques. Aux USA, une telle réalité, extrêmement difficile à appréhender et encore plus à contrôler dans ses manifestations, appuyée sur l’histoire comme sur la structure du système avec ses forces et ses faiblesses, conduit irrésistiblement à une logique centrifuge. Si McCain est en danger de perdre le soutien du parti républicain en Arizona, c’est parce qu’il est de plus en plus perçu comme un homme de Washington, c’est-à-dire un traître à l’Etat de l’Arizona qu’il est censé représenter.
L’Arizona, avec extension possible de son cas à d’autres Etats, présente une situation potentielle de crise intérieure de plus pour les USA, que personne n’a vraiment vu venir ni n’a su mesurer dans toute sa potentialité explosive. La responsabilité du “centre” est totale, aussi bien dans son désintérêt complet de la situation de la sécurité sur les frontières, que dans son impuissance à faire voter une loi fédérale générale sur l’immigration illégale. Le projet, débattu depuis 2007, aurait dû être extrêmement libéral, et il serait passé en 2007 sans grandes difficultés par rapport à la situation dans les Etats. Aujourd’hui, une telle loi est non seulement impossible à faire passer dans un Congrès où la montée aux extrêmes du désordre est la règle mais, plus encore, elle devient de plus en plus impensable au regard de la situation explosive dans les Etats concernant cette situation de l’immigration. Dans ce cas, l’insistance de Washington, si c’est le cas, pour faire abroger la loi de l’Etat de l’Arizona devrait avoir pour effet d’exacerber la situation et de conduire éventuellement l’Arizona à passer outre à cette abrogation d’une façon ou d’une autre, – d’autant que, comme on le sait, l’Arizona est loin d’être isolé dans cette orientation. Au contraire, si la loi de l’Etat de l’Arizona n’est pas abrogée sur décision du juge, la preuve aura été faite que seul l’Etat est capable de répondre aux soucis de ses citoyens, tandis que le “centre” washingtonien préfère, selon la remarque de Patrick J. Buchanan à propos de la rencontre Obama-Calderon où le président mexicain protestait contre la loi de l’Arizona, “défendre les intérêts du Mexique plutôt que ceux d’un des Etats de l’Union”.
Mis en ligne le 26 juillet 2010 à 06H10