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15663 mai 2013 – Le sentiment général d'un événement historique se construisant autant à partir de faits prétendument objectifs (enquêtes, études, etc.) qu’à partir d’appréciations intuitives est très difficile à fixer dans le temps courant, en temps réel, alors qu’il se produit au moment même où on en prendrait acte. Mais les conditions générales que nous connaissons sont si exceptionnelles que ce cas rarissime et qu’on croirait quasiment impossible est peut-être en train de se produire, – une fois de plus, dirions-nous, depuis le 11 septembre 2001, puisqu’à notre sens le cas s’est effectivement produit déjà.
(Déjà, dans Le chroniques de l’ébranlement [Philippe Grasset, éditions Mols, 2003], ce fait de la quasi-simultanéité de l’événement historique et de l’observation presque synthétique de l’événement historique était mis en évidence, avec ces premières remarques ouvrant l’essai Des tours de Manhattan aux jardins de l’Élysée : «D'abord, il y a ceci: en même temps que nous subissions cet événement d'une force et d'une ampleur extrêmes, nous observions cet événement en train de s'accomplir et, plus encore, nous nous observions les uns les autres en train d'observer cet événement. L'histoire se fait, soudain dans un déroulement explosif et brutal, nous la regardons se faire et nous nous regardons en train de la regarder se faire...»)
“Les conditions générales” dont nous parlons et qui permettraient d’identifier comme tel un événement historique au moment même où il se produit, ce sont la crise d’effondrement du Système, la durée de cette crise dans sa phase paroxystique (depuis 2008) qui finit par imposer la notion de “normalité” de la crise à ce niveau, la puissance extraordinaire du système de la communication qui relaie à une vitesse proche de l’instantanéité toutes les données relevées. A partir de là, un effort de synthèse, avec également l’aide sans prix de l’intuition haute, permet effectivement de répondre positivement : oui, sans doute sommes-nous en train de vivre une circonstance cruciale où nous prenons acte en même temps qu’il se produit d’un événement historique “souterrain” d’une exceptionnelle importance. Cet événement, selon notre appréciation, c’est la création d’un phénomène structurel d’une “psychologie de crise”, c’est-à-dire une psychologie modifiée par la crise et devenant ce que nous nommerions “psychologie crisique”. Il nous semblerait que ce printemps 2013 est effectivement un Moment, – le moment de la formation de la chose, en un événement synthétique extrêmement puissant et affectant la psychologie en général, – toutes nations et groupes humains confondus, toutes classes également confondues.
Nous avons collecté quelques “faits divers” qui appuient cette démarche. Ils ne sont pas difficile à trouver, mais ils sont, en ce printemps 2013, particulièrement nombreux.
• La France, pour commencer par le pays qui nous est le plus proche, est dans un état terrifiant, encore plus du point de vue psychologique que de tous les autres points de vue, plus matériels, qui se synthétisent dans la psychologie. Les constats à cet égard sont innombrables. On choisira l’éditorial de Robert de Herte (pseudo d’Alain de Benoist) dans la revue Elément n°147 de avril-juillet 2013. Le titre parle de “défiance”, d’“espoir” («Défiance partout, espoir nulle part ?»), c’est-à-dire de psychologie : «La confiance est le fondement du lien social... [...] Cette confiance-là est brisée... [...] Les gens n’ont plus confiance parce qu’ils ne croient plus à rien...» On donnera ci-dessous la conclusion de l’éditorial, en nous réservant de revenir plus loin sur les dernières phrases de cette conclusion.
«Partout, on voit que les choses se défont, se délitent, se désagrègent. C’est comme si l’on assistait à l’effondrement d’une tour filmé au ralenti. On a le sentiment d’un peuple en déshérence, d’un peuple de somnambules qui lèchent leurs plaies en faisant des cauchemars. Un peuple qui oscille entre la crise de nerfs et l’abattement sous psychotropes. Un corps malade abandonné par l’esprit. Et pourtant, il monte dans ce pays une vague d’amertume et de dégoût qui peut se transformer en colère. Toute la question est de savoir à quel moment l’addition des désespoirs et des déceptions, des rancœurs et des frustrations atteindra sa “masse critique”. Lénine disait que les révolutions se produisent quand à la base on ne veut plus, et qu’à la tête on ne peut plus. On n’en est peut-être pas très loin.»
• D’une façon générale, les Français ont tendance à croire que leur crise leur est propre. Les élites-Système, qui sont aujourd’hui en France d’une bassesse et d’une vulgarité sans aucun précédent dans l’histoire de ce pays, entretiennent avec une sorte de jouissance nihiliste cette croyance, – car ce n’est qu’une croyance, du type Café du Commerce transporté dans les cafés à la mode de Saint-Germain des Près et sur le plateau du Grand Journal, là où l’esprit-Café du Commerce a trouvé refuge. La vérité est bien entendu que c’est toute l’Europe qui est frappée, parfois avec une cruauté incroyable (Espagne, Grèce), – pour passer au deuxième cercle à partir de la France. Le 24 avril 2013, le Guardian a publié, avec quelques autres journaux européens dont Le Monde (nous préférons la version britannique puisqu’il s’agit d’Europe, et pour montrer notre considération de la presse-Système en France, respectable jusqu’à n’être pas citable), les résultats d’une grande enquête dans les grands pays d’Europe. Il s’agit du degré de confiance dans l’Europe en 2013, par rapport à 2007. Le Guardian parle d’un «precipitate fall in support for the EU of the kind that is common in Britain but is much more rarely seen on the continent.» Bien, le Royaume-Uni n’est donc plus “isolationniste” en Europe...
«In Spain, trust in the EU fell from 65% to 20% over the five-year period while mistrust soared to 72% from 23%. [...] Five years ago, 56% of Germans “tended to trust” the EU, whereas 59% now “tend to mistrust”. In France, mistrust has risen from 41% to 56%. In Italy, where public confidence in Europe has traditionally been higher than in the national political class, mistrust of the EU has almost doubled from 28% to 53%. Even in Poland, which enthusiastically joined the EU less than a decade ago and is the single biggest beneficiary from the transfers of tens of billions of euros from Brussels, support has plummeted from 68% to 48%, although it remains the sole country surveyed where more people trust than mistrust the union.»
• Élargissons l’observation à un troisième cercle, et l’on aura alors une vision générale de ce que nous nommons le bloc BAO, qui est à la fois le moteur et le cœur du Système, donc le moteur et le cœur de la crise d’effondrement du Système. On se rappelle que nous publiions, le 16 avril 2013, un commentaire sur l’extraordinaire effondrement du sentiment de confiance des citoyens US dans le gouvernement central. Dans un texte s’adressant au lecteur de son site PaulCraigRobert.org, Paul Craig Robert, ancien ministre de l’administration Reagan, détaille les raisons de cet effondrement de la confiance. Nous retenons de ce texte du 1er mai 2013 ce passage à la fois significatif et symbolique, puisqu’il rappelle le dérisoire succès de la modernité que fut l’élection d’un Africain-Américain à la présidence, – et ce qu’il en est résulté...
«Where today is moral awareness as Washington bombs civilian populations around the globe? Where is the moral conscience of the civil rights movement as the First Black President, the first member of the oppressed class to sit in the Oval Office, validates the Bush Regime’s assertion of the right of the unaccountable executive to ignore habeas corpus and due process? Not satisfied with this crime, Obama asserted the right of the executive branch to murder any citizen suspected, without proof being offered to a court, of undefined “support of terrorism.” Today all Americans have fewer rights than blacks had prior to the Civil Rights Act...»
• Diverses enquêtes témoignent, aux USA, du désarroi profond des citoyens, auxquels pourraient évidemment s’appliquer les observations de l’édito de Heurte/de Benoist sur les citoyens français («On a le sentiment d’un peuple en déshérence, d’un peuple de somnambules qui lèchent leurs plaies en faisant des cauchemars. Un peuple qui oscille entre la crise de nerfs et l’abattement sous psychotropes.») Ce désarroi américain s’exerce effectivement selon la spécificité américaine, c’est-à-dire contre le système de l’américanisme représenté par le gouvernement central (voir plus haut). Une enquête dont les résultats ont été publiés le 2 mai 2013 sur TalkingPointMemo montre que 29% des personnes interrogées pensent que, “dans les prochaines années”, une insurrection armée (désignée comme une “révolution armée”) sera nécessaire pour la protection de leurs libertés, – enquête et réponses se situant dans le cadre de la polémique sur la disposition libre d’armes à feu. («The survey, aimed at measuring public attitudes toward gun issues, found that 29 percent of Americans agree with the statement, “In the next few years, an armed revolution might be necessary in order to protect our liberties.” An additional five percent were unsure.») Une autre série de sondages montre que, pour la première fois depuis 9/11, les Américains ont plus peur du gouvernement central que des terroristes (sur Washington’s blog, le 29 avril 2013)
«WND reports today: According to a pair of recent polls, for the first time since the 9/11 terrorist hijackings, Americans are more fearful their government will abuse constitutional liberties than fail to keep its citizens safe.
»Even in the wake of the April 15 Boston Marathon bombing – in which a pair of Islamic radicals are accused of planting explosives that took the lives of 3 and wounded over 280 – the polls suggest Americans are hesitant to give up any further freedoms in exchange for increased “security.”»
• Pour terminer cette revue édifiante, il y a ce point intéressant d’un livre publié par deux scientifiques anglo-saxons (le professeur d’économie politique David Stuckler de l’université d’Oxford et le professeur de médecine Sanjay Basu de l’université de Stanford) sur le “coût humain” de la crise commencée enb 2008. (Voir Russia Today le 30 avril 2013, avec une interview de Stuckler.) Bien que l’étude aborde tous les aspects de la santé publique affectée par la politique d’austérité instituée par le Système “contre” la crise, une particulière importance est attachée au fait que les deux scientifiques ont déterminé qu’autour de 10.000 suicides peuvent être attribués à la crise depuis 2008, – élément effectivement directement connecté à la psychologie.
RT: «The situation was already extremely difficult for millions of people because of the economy. Why have you singled out austerity as a factor?»
David Stuckler: «What we’ve seen in studying recessions over the past century and with the focus on the present crisis is that recessions hurt. But when politicians with deep cuts to vital social supports, they can turn those recessions lethal. In the worst case we’ve seen Greece - after it cut its malaria prevention budget we saw the return of outbreaks that the country has kept under control over the past four decades. We’ve seen HIV infection spike by 200 per cent at a time when the HIV budget was cut. Similarly, we’ve seen across Europe austerity breed a series of epidemics – from suicide to foregone access to healthcare to tuberculosis outbreak and even dengue fever.» [...]
RT: «10,000 is a lot of people. What do you think is the likely reaction from governments around the world to that and how do you think they should react?»
David Stuckler: «So far Europe’s leaders have been in denial about the human cost of the austerity policies that have been pursued across Europe and pursued in North America, with the sequester recently passed. What we need to do is take into account the health effects of economic policies. Had austerity been run like any other drug trial it would’ve been discontinued because of its deadly side effects.»
Cet élément de réponse du professeur Stuckler («So far Europe’s leaders have been in denial about the human cost of the austerity policies...») implique les directions politiques dans ce débat sur la psychologie. D’une façon plus générale, les facteurs généraux de dégradation de la santé publique renvoient eux aussi indirectement à la psychologie, – toujours celle des directions-Système, – puisqu’ils sont mise au débit essentiellement de la politique d’austérité qui est elle-même, selon notre appréciation, un élément d’abord psychologique de la part de ces directions-Système. (L’austérité comme élément de la politique-Système que les psychologies terrorisées et verrouillées des dirigeants-politique ne peuvent songer à repousser.)
Ces remarques sont proposées pour observer qu’en traitant de la “psychologie de crise”, ou psychologie crisique, nous ne nous arrêtons certainement pas aux seules victimes directes de la crise, en même temps adversaires naturels du Système. Les directions-politique sont également affectées, mais dans le sens qui est le leur, qui est à la fois une attitude de déni relevant du phénomène plus général de “négationnisme” de la crise générale, et une situation de dépendance de l’influence totale du Système, se traduisant par ce choix absolument enfermé, absolument verrouillé, de la politique d’austérité.
Nous voulons signifier par là que le sujet de notre travail ici est bien la psychologie en général, nous irions même jusqu’à dire “la psychologie du genre humain”. L’on sait d’ailleurs que nous jugeons que la psychologie des directions politiques et des élites-Système est directement affectée par la crise, que ce soit sous une forme comparable à la maniaco-dépression, ou sous la forme de la terrorisation de ces psychologies. Le sujet est donc bien défini, dans sa plus grande ampleur possible, effectivement jusqu’à justifier cette expression de “psychologie du genre humain”.
Notre démarche préparatoire se transforme ici en ce qu’elle prétend être, naturellement : une hypothèse fondamentale. L’intuition (l’intuition haute) y a évidemment sa place parce que l’“événement historique” dont nous parlons n’est pas matériel, visible, bruyant, sensationnel, – et c’est pourquoi nous parlons d’hypothèse. Cette méthodologie nous permet beaucoup plus d’audace, et l’intuition nous donne la force de cette audace.
L'hypothèse fondamentale repose effectivement sur l’idée d’une transmutation. Ce qu’on pourrait observer comme une “psychologie en crise”, deviendrait une “psychologie de crise”, ou une “psychologie crisique” ; c’est-à-dire une psychologie différente dans son essence de la psychologie courante, une psychologie qui passerait de l’état où elle est en crise et subit une agression extérieure terrible (la crise) marquée par des événements tragiques et des souffrances très grandes qui semblent effectivement les seules perspectives envisageables, à une psychologie qui aurait “compris” que cette agression extérieure est devenue un fondement de la vérité du monde, et qui l’aurait intégrée comme un de ses aspects constitutifs par rapport auquel il faut manœuvrer, rendant alors ces “événements tragiques et ces] souffrances très grandes” non plus comme constitutifs d’un horizon fermé, mais comme le fardeau affreux qu’il est nécessaire de subir, mais qui n’empêcherait plus que l’on distingue un sens à ce calvaire. (Cette “agression extérieure [...] devenue un fondement de la vérité du monde”, c’est évidemment le “facteur crisique” poussé à son extrême, devenu “infrastructure crisique”. La psychologie suit parfaitement la vérité du monde, également en devenant “crisique” elle aussi.)
Il s’agirait, si l’on veut, de l’acceptation par la psychologie du fait que la crise n’est pas du type courant, à l’intérieur d’une époque, d’un système, etc., donc n’est pas une crise éventuellement soluble dans le cadre actuel qu’est le Système ou une crise qui enferme par sa cruauté dans ce cadre du Système, mais bien une crise de rupture totale de ce cadre, c’est-à-dire la crise de l’effondrement du Système. D’une certaine façon, la psychologie crisique, en avance sur nombre d’attitudes et de jugements déterminés par la raison subvertie par le Système, rejetterait l’attitude “négationniste” de la crise pour considérer la crise pour ce qu’elle est vraiment.
Comme dans toutes nos démarches dans ce domaine, nous concevons la question de la psychologie comme un domaine non-conscient de la perception de la situation du monde, éventuellement de la perception d’événements que la raison est incapable d’appréhender, notamment parce que cette raison est subvertie par le Système. Nous sommes alors tentés de penser que l’influence de cette psychologie crisique devient prépondérante, toujours sans nécessairement susciter une prise de conscience dans la plupart des cas, et qu’elle détermine, à côté des tragédies et souffrances subies, des comportements adaptés à cette situation de crise d’effondrement. Ces comportements mélangent une certaine dose de passivité et une certaine forme d’activisme, d’une façon qui est plus complémentaire qu’antagoniste.
• La passivité se retrouve dans l’absence d’actions de révolte directe, brutale, qui se voudraient décisives et qui en général débouchent sur des tragédies ou des récupérations (ce pourquoi, si nous souscrivons à la description du paysage français dans la citation de l’éditorial d’Alain de Benoist, nous sommes beaucoup plus réservé sur l’hypothèse de sa conclusion, qui suppose la possibilité d’une explosion). Plus que jamais, nous pensons que les conditions générales de notre époque postmoderne qui nous a fait passer à l’“ère psychopolitique ” selon notre rangement, avec notamment la présence comme puissance principale du système de la communication, ont rendu complètement obsolètes les actions passées d’insurrection, de révolution, etc., en les étouffant dans l’œuf par le simple mécanisme de la communication. (De ce point de vue, nous en restons complètement à cette analyse que nous avions faite le 24 septembre 2009.)
• L’activisme se trouve, par conséquence logique, au niveau essentiellement du système de la communication. Il s’agit de tous les moyens de contestation, de mise en cause, d’analyse critique, bref de tout ce qui constitue du point de vue du Système la “nuisance” exercée contre le ou les narrative exposées par le Système. Cela passe aussi bien par des références objectives, comme le sont certaines enquêtes statistiques, que des polémiques, que des mises en cause des fondements de la politique-Système, que l’interrogation critique constante concernant les buts de cette politique ; par des attitudes constantes des chroniqueurs antiSystème (et parfois même -Système) d’émettre le doute, d’une façon systématique, sur toutes les versions officielles de tous les événements qui se placent dans le flux de la politique-Système et participent à ses poussées fondamentales ; par le refus, qui commence à apparaître ici et là, de jouer “le” jeu démocratique du Système consistant à perpétuer les équilibres favorables au Système, au profit du soutien de forces dont on peut distinguer la logique antiSystème ; et ainsi de suite... L’on comprend qu’il s’agit d’exercer un “droit de suite” de toute production de communication du Système, pour en réclamer la démonstration de sa véracité et de sa légitimité. De ce point de vue, il n’y a aucune référence idéologique nécessaire, aucun engagement étiqueté, sinon la logique finaliste antiSystème, dont les effets sont de créer un climat de suspicion de la légitimité et de l’autorité du Système, pesant nécessairement sur les psychologies des serviteurs du Système et contribuant à accélérer son processus d’autodestruction.
Nous serions inclinés à voir dans cette psychologie crisique une situation complètement différente d’une “psychologie en crise” (à cause de la crise), c’est-à-dire avec une montée du paroxysme jusqu’à une explosion, comme dans une crise normale. Bien entendu, les dégâts sur les psychologies sont terribles, comme le montre l’étude Stuckler-Basu, parce que, d’une part, cette étude embrasse la période de formation de la psychologie crisique, que d’autre part l’apparition d’une psychologie crisique ne supprime nullement les faiblesses, encore moins les tragédies de situation qui conduisent et confrontent à des occurrences et des décisions elles-mêmes tragiques et catastrophiques pour les victimes de la crise et les antiSystème. Ce dont nous voulons parler c’est d’une évolution générale caractérisant un affrontement décisif entre le Système et ceux que le Système tient en état de soumission ou de coercition, – mais un affrontement décisif qui a des formes particulières, pas nécessairement voyantes, pas nécessairement explosives, pas nécessairement paroxystiques ni rapides, – sans pour autant écarter tel ou tel élément durant certaines circonstances. Concernant la forme de la chose, il s’agit plus que jamais d’une forme élargie et universalisée, sortant des normes d’affrontement et embrassant des domaines inattendus, avec un accent fondamental mis sur la communication, – une sorte de “guerre asymétrique ”, ou “Guerre de la 4ème Génération” (G4G) extrêmement élargie et diversifiée dans son activité.
L’idée avait déjà été évoquée, à propos du référendum français sur l’Europe du 29 mai 2005, dans notre Lettre d’Analyse dd&e du 25 juin 2005 (voir aussi un extrait du numéro du 10 juin 2005 sur ce site, au 26 juin 2005). William S. Lind, le principal théoricien de la G4G, quittant à cette occasion et d’une façon révélatrice le seul terrain militaire, définissait ce référendum en termes d’affrontement type-G4G, en référence à la légitimité structurante de la nation, contre l’illégitimité déstructurante de l’Europe institutionnelle (du Système) : «Normally, we would think of elites as representing the state and the common preople rebelling against the state. That is not what happened here. On the contrary, the elites represents the destruction of the state and the French and Dutch people rebelled in defense of their historic, national states. In effect, the aristocracy was crying “Down with the king !” while the peasants shouted “Vive le roi !” (which happened quite frequently during both the French and Russian Revolutions).»
On retrouve les grands thèmes que nous développons aujourd’hui, – le Système et les élites-Système, la résistance structurante contre déstructuration, etc. Nul besoin d’un coup de fusil ni d’une explosion, la bataille est toute entière dans le domaine de la communication... Certes, le résultat du référendum n’a rien changé stricto sensu, mais constater cela comme le signe de la vanité de l’acte c’est juger trop en termes de victoires et de défaites. Cette forme de jugement, de type militaire justement, est absurde dans le cadre très général du Système tel que nous l’identifions aujourd’hui, où il ne peut y avoir de défaite du Système. Il faut penser dans des termes, d’une part, d’une puissance écrasante (le Système) qui tient tout et, également pour notre propos, dans le cadre de la crise générale d’effondrement du Système ; il faut penser, d’autre part, dans le sens d’une action asymétrique, “de guérilla”, effectuée par des moyens de communication, à toutes les occasions, pour affaiblir le Système et accélérer sa crise. En un sens, le référendum de mai 2005, qui fut sans suite immédiate et qui était sans suite nécessaire, représentait une répétition générale et le premier coup sérieux porté contre le Système, pour accélérer sa crise, – ce qui fut le cas.
Ce que nous avons à l’esprit, c’est cette circonstance généralisée par tous les moyens de la communication, selon la perception et l’orientation d’une psychologie crisique dont l’intervention se ferait en fonction du facteur fondamental qu’est la crise générale. La multiplication des sondages de défiance, de l’activisme d’Internet, des mises en cause systématiques des versions officielles (narrative), de l’obstructionnisme face à toutes les initiatives du Système, etc., voilà le travail qui échoit à la résistance antiSystème que la psychologie crisique développerait désormais intuitivement et inconsciemment. L’important est, notamment, de susciter des ripostes disproportionnées du Système, de le forcer à se découvrir, ce qui contribue largement à son processus d’autodestruction.
L’énorme déploiement de force qui a suivi l’attaque de Boston, ne représente pas, comme l’ont vu certains, une répétition “parfaite” de la prise de pouvoir par un dispositif policier, par le Système, – ne serait-ce, bien sûr, que selon le constat évident que ce dispositif existe déjà, et que le Système tient tous les pouvoirs. Ce déploiement a permis d’abord de constater combien il est la résultante d’un entraînement de type “déchaînement de la Matière”, ce qui permet de mieux appréhender la nature maléfique du Système ; représentant ainsi la mise à jour de cette situation effrayante, donc la mise à nu de la vraie nature du Système, ce même déploiement de force constitue par conséquent le saccage de la narrative d’apparence vertueuse et démocratique qui tient lieu de légitimité de ce même Système. Pour ce cas, notre conviction est que ce monstrueux déploiement de force est moins du à l’attentat qu’au formidable brouhaha, – accusations contre les services impliqués, mises en cause des forces de l’ordre, soupçons de manipulation, enquêtes parallèles, théories de complot divers, etc., – dispensé en flots continus par l’Internet et ses divers réseaux sociaux. C’est effectivement le type d’action de communication, type-G4G, qu’engendre ce qui nous apparaît véritablement comme cette psychologie crisique constituée, structurée, efficace...
D’un point de vue plus général, nous percevons cette psychologie crisique comme la structuration psychologique d’une résistance de moins en moins erratique, de plus en plus structurée, et qui s’organise d’elle-même dans une riposte antiSystème évidente et naturelle, en ayant compris que la faiblesse du Système se révèle là où l’on peut retourner sa propre force contre lui, – dans un mouvement suscité d’autodestruction. Les signes divers que nous avons relevés au début de ce texte, qui marquent la misère, le désarroi, la tragédie des populations soumises au diktat du Système, peuvent être également vus, effectivement, comme constitutifs de cette psychologie crisique. Ils engendrent naturellement une action antiSystème qui s’exerce prioritairement dans le champ du système de la communication. L’important est de frapper encore et toujours, pour contraindre le Système à des réactions qui lui seront finalement défavorables et participeront de son autodestruction.