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439Les divers articles des diverses “presses officielles” type-MSM (MainStream Media, presse dépendante du système) se retrouvent aujourd’hui dans une exaltation commune quoique courue d’avance. C’est un moment historique, aucun doute là-dessus. Quel que soit le sort de Barack Obama en novembre prochain, sa nomination comme candidat démocrate est “un événement historique” pour la politique américaniste. (Les guillemets pour rappeler discrètement mais fermement que l’Histoire a plus d’un tour dans son sac, que c’est un sac à malices et qu’elle, – l'Histoire, – nous réserve parfois des surprises. Who knows dans ces temps eschatologiques?)
Nous avons donc droit à un océan de commentaires où l’on sent bien que les journalistes ont bien du mal à retenir leur plume, c’est-à-dire leurs larmes d’émotion. Certains ne la retiennent plus (cela nous promet, question commentaires, si Obama est élu, et puis le jour de l’inauguration!), – certains autres ne la retiennent plus avec des intentions cachées, – ce sont les plus retors… L’expression marquante de cette attitude où le journaliste de l’establishment se doit à lui-même et à sa position de sacrifier à l’admiration collective, qui est en réalité un rassurant acte d’auto-satisfaction collective (malgré tous ses avatars, notre-système-à-tous est globalement épatant), l'expression convenue est celle-ci : “American Dream comes true”.
L’un de ces journalistes est Gerard Baker qui s’exclame comme les autres mais avec ses intentions cachées. Baker est réglementairement admirateur de l’American Dream. C’est son job. Mais il nous la fait plutôt dans le genre minimum syndical, car au fond il hait politiquement Barack Obama, investi à la fois par le parti démocrate et par le soupçon de “gauchisme”. D’où son titre dans le Times d’aujourd’hui: « Can Obama make American dream come true? – […] Barack Obama's nomination is an historic moment, but there is a long path still to travel». Là-dessus, enchaînons sur un extrait de la prose de Baker, à la fois pleine de bon sens et d’un fiel discret parce que savamment dissimulé et distillé.
«…But last night, in a tumultuous break with this long history, the ultimate realisation of the American dream moved a little closer, and a black man became his party’s nominee for the presidency.
»The fact that Barack Obama has been headed for the Democratic nomination has been obvious for months. But that did not make the final moment of arithmetical certainty any less dramatic or historic.
»It will not be lost on ironists that Senator Obama finally broke the barrier by crushing the hopes of the most plausible woman candidate for the presidency in the country’s history. But neither should the significance of this landmark be missed.
»Despite the unexpectedly long Democratic primary, there will be plenty of time for Americans to scrutinise Mr Obama and probe his flaws: his inexperience, his solidly left-of-centre politics, his somewhat questionable friends, allies and mentors. But for the moment it is surely time simply to acknowledge his remarkable political achievement.
»Six months ago he was given almost no hope…»
Obama ne vient pas de très loin et sa candidature est bien une surprise, que l’on s’empresse de qualifier d’“historique” pour pouvoir encenser un système qui est capable de telles surprises. Effectivement, il y a autour du personnage lui-même des inconnus qui rendent sa candidature inhabituelle. Tout cela n’est pour l’instant que de la conjecture, qui permet effectivement de sortir les qualificatifs convenus (“historique”) et les expressions habituelles (“American Dream comes true”).
Pour l’heure, notre attention doit plutôt aller au système. Si Obama est désigné, c’est parce que le système n’a pas su imposer une autre personnalité qui lui convenait mieux et que la pression populaire est restée, au long de la campagne, un élément majeur difficile à désamorcer et à manipuler. La nomination d’Obama, avant de savoir ce qu’elle pourrait nous donner du point de vue politique, doit être perçue comme l’expression d’une campagne qui n’a pu être empêchée de montrer le désarroi intérieur des USA. Comme disait les Soviétiques officiels lorsque les choses n’allaient plus toutes seules: “la situation est compliquée”.
Le système ne cesse pas d’exiger d’Obama des garanties et des preuves de conformité, comme on le voit notamment dans les rapports entre lui et le puissant lobby juif AIPAC. (Ces rapports sont-ils mieux décrits par les confidences de Brzezindki que par les diverses déclarations d’allégeance du candidat?) Le système n’a pas la confiance facile parce qu’il sait bien que tout cela n’est pas une question de confiance. Il ne cesse d’agripper chaque jour davantage Obama parce qu’il n’a pas l’impression de le “tenir”. Ce n’est pas vraiment une question de couleur de peau quoique la chose ne soit pas là pour faciliter les choses… Obama, lui, ne cesse pas de donner des gages pour obtenir le soutien qu’il juge nécessaire pour que “son rêve devienne réalité”. C’est dans cette tension paradoxale qu’il faut voir le point de fusion de la signification de la candidature d’Obama: jusqu’à quel point le système refusera-t-il sa pleine confiance à Obama et jusqu’à quel point Obama ira-t-il pour obtenir cette pleine confiance? C’est une bataille feutrée qui se poursuit depuis plusieurs mois et durera longtemps encore.
Obama n’est pas le candidat du système parce que des événements divers ont imposé Obama au système. C’est un fait, rien de plus. Il ne préjuge rien de l’avenir, que nous devons nous garder de prédire parce que nous sommes dans des temps eschatologiques. Mais il introduit un élément de trouble constant, une incertitude diffuse, un malaise souterrain, dont l’un et l’autre, – Obama et le système, – sont comptables, chacun à leur façon, et qui influence l’un et l’autre d’une façon souterraine dont il bien difficile de distinguer les effets politiques. Comme on dit, la situation est ouverte, en plus d'être “compliquée”. (Ou bien, est-elle ouverte parce qu'elle est “compliquée”?)
Mis en ligne le 4 juin 2008 à 06H00