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28 novembre 2005 — Avant, quand tout allait mal, on disait à Washington : “Proclamons la victoire et partons”. Aujourd’hui, à Washington on fait mieux : “Proclamons la victoire dans six mois et nous partirons vite fait”. Conclusion à ce point : les six prochains mois verront le plus formidable déchaînement de virtualisme qu’on puisse imaginer.
Il existe désormais un plan à la Maison-Blanche pour se retirer d’Irak, en annonçant par avance que cette déroute se fera sous la pression de la victoire. Tout l’establishment est à l’œuvre pour sauver le bébé (la réputation des USA) qu’on avait jeté avec l’eau du bain, et éviter une défaite stratégique aux conséquences incalculables. En première ligne, les démocrates, qui achèvent ainsi un parcours particulièrement ignominieux entrepris depuis le 11 septembre 2001. En tête des architectes de la défaite maquillée en victoire : le sénateur Biden. Les “insurgés” sont également invités à cautionner le plan de “déroute-victoire” des Etats-Unis.
Désormais, la bataille à Washington est pour verrouiller la paternité du “plan déroute-victoire”, extraordinairement baptisé “Administration's Plan For Victory In Iraq”. L’affaire est marquée par plusieurs événements en rapide succession :
• Les déclarations du député démocrate Murtha et l’effondrement du soutien populaire à la guerre.
• Un article du sénateur Biden dans le Washington Post détaillant un plan de retrait (lequel lui a été transmis par ses sources à la Maison-Blanche, sur instruction).
• Une intervention de la Maison-Blanche pour proclamer : “Biden nous a copiés, ce plan est à nous”.
Quelques paragraphes de la dépêche de AFP sur l’affaire : « The White House for the first time has claimed possession of an Iraq withdrawal plan, arguing that a troop pullout blueprint unveiled this past week by a Democratic senator was “remarkably similar” to its own. (...)
» The statement late Saturday by White House spokesman Scott McClellan came in response to a commentary published in The Washington Post by Joseph Biden, the top Democrat of the Senate Foreign Relations Committee, in which he said US forces will begin leaving Iraq next year “in large numbers.” According to Biden, the United States will move about 50,000 servicemen out of the country by the end of 2006, and “a significant number” of the remaining 100,000 the year after. The blueprint also calls for leaving only an unspecified “small force” either in Iraq or across the border to strike at concentrations of insurgents, if necessary.
» In the White House statement, which was released under the headline “Senator Biden Adopts Key Portions Of Administration's Plan For Victory In Iraq,” McClellan said the administration of President George W. Bush welcomed Biden's voice in the debate. “Today, Senator Biden described a plan remarkably similar to the administration's plan to fight and win the war on terror,” the spokesman went on to say. McClellan added that as Iraqi security forces gain strength and experience, “we can lessen our troop presence in the country without losing our capability to effectively defeat the terrorists.” McClellan said the White House now saw “a strong consensus” building in Washington in favor of Bush's strategy in Iraq. »
Un texte de Patrick J. Buchanan, de ce matin, est d’un plus grand intérêt que les déclarations de McClellan ou les réflexions de Biden pour comprendre l’évolution de la situation. Buchanan résume les événements depuis le 20 novembre, qui conduisent à l’inéluctable décision de retrait. Il conclut sur les perspectives et ce sont évidemment celles-ci qui nous intéressent. Elles sont de deux ordres :
• Le retrait est désormais programmé, mais les “insurgés” laisseront-ils faire? On a vu jusqu’ici qu’ils faisaient à peu près ce qui leur plaît, jusqu’à tirer un obus de mortier dans une cour où avait lieu une cérémonie officielle, dans la “zone verte”, avec la présence de l’ambassadeur US à Bagdad et du commandant en chef des forces US. Posons la question autrement : à quel prix les “insurgés” laisseront-ils éventuellement faire? Ou bien, pour répondre en partie aux deux questions précédentes, faudra-t-il se tourner vers une aide extérieure, — qui donc? L’Iran pardi, selon Newsweek : « President Bush is also doing what he has been loath to do: asking neighboring countries for help, even the rabid anti-American Islamists in Tehran. [The U.S. ambassador to Iraq] Khalilzad revealed to Newsweek that he has received explicit permission from Bush to begin a diplomatic dialogue with Iran, which has meddled politically in Iraq. “I've been authorized by the president to engage the Iranians as I engaged them in Afghanistan directly,” says Khalilzad. “There will be meetings, and that's also a departure and an adjustment.” »
• La deuxième perspective est la plus intéressante: la “déroute-victoire” d’Irak devrait ouvrir à Washington un grand débat sur la politique étrangère, ses orientations, ses ambitions et ses échecs. « Bush has three years left, but the time is approaching when debate on a new U.S. foreign policy for the post-Bush era must begin. One lesson from this war is already clear: Americans will not long support spilling the blood of their soldier sons in a war for ideals like democracy in the Arab world unless they are convinced national security or U.S. vital interests are imperiled.
» Months back, as opponents of the war became the majority, I predicted a Gene McCarthy would rise to lead the antiwar movement. No one expected it to be Rep. John Murtha, a combat veteran with 37 years in Marine Corps service. But Murtha's emotional call for withdrawal has proven a catalyst for Congress and the country. »
Ce grand débat aura-t-il lieu, ce grand débat sur une véritable politique extérieure US post-Guerre froide? On l’annonce régulièrement depuis 15 ans (depuis la fin de la Guerre froide, bien sûr). Il a été régulièrement éludé au profit de tendances incontrôlables d’affirmations vaniteuses de puissance conduisant à des culs-de-sac comme l’est aujourd’hui l’Irak. La crainte générale de l’establishment est qu’un tel débat aboutisse à l’affirmation d’une tendance de retrait proche de l’isolationnisme.
La logique voudrait que ce débat ait lieu. Il y a beau temps que la logique n’a plus la haute main sur l’esprit des hommes dans notre temps historique.
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