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221028 juillet 2017 – Je ne crois pas qu’il y ait une anecdote plus significative et aussi plus symbolique de notre situation de folie absolument inimaginable d’ampleur et de rythme, essentiellement suscitée, assumée et animée par “Washington D.C.-la-folle”. Elle échappe, cette folie, à la plupart des observateurs, aussi bien les plus fins diplomates prisonniers de vieilles habitudes qui les conduisent à regarder pour ne pas trop voir, que les fonctionnaires-Système habitués à regarder pour ne rien voir du tout, que les journalistes-Système dressés pour ne pas regarder de façon à ne voir que les simulacres en forme de vessies et à jurer que ce sont des lanternes qui éclairent le monde.
Je parle de cette rencontre entre Lavrov, le meilleur ministre des affaires étrangères sur la place aujourd’hui, un des meilleurs qu’aient eu les Russes, un des meilleurs de l’époque moderne et postmoderne depuis le début du XXème siècle ; et, d’autre part, face à lui, un journaliste américaniste de la prestigieuse chaîne de le presseSystème NBC. C’était dans un article du site, il y a trois jours... Je cite la description de la chose :
« Une toute récente remarque du ministre des affaires étrangères de l’inquiétante Russie, Sergei Lavrov, fixe effectivement la gravité hyper-extraordinaire de la situation politique et surtout psychologique dans le chef de ses acteurs, par la démonstration a contrario du délire paroxystique de la presseSystème US... En deux mots : peut-être, a suggéré ce ministre russe aussi solide qu’un roc et aussi sérieux qu’un pape véritable, y a-t-il eu complot au G20 entre Trump et Poutine lorsqu’ils se sont trouvés ensemble aux toilettes, en train de pisser ? Lavrov, plein de l’impudente puissance de la Russie à la conquête du monde, suggère à la fine-fleur de l’intelligentsia journalistique occidentaliste-américaniste de suivre cette piste, – “enquête dans les latrines, ou comment le terrifiant Poutine a réussi à conquérir le monde en pissant”.
» (Le passage est à voir sur l’interview de NBC du 21 juillet 2017 à 58-59 seconde de cette vidéo de 91 secondes, lorsque l’intervieweur parle très sérieusement de “trois rencontres Poutine-Trump” dont deux secrètes [au G20], et que Lavrov réplique, avec un formidable sérieux et le regard glacé-écrasant d’une dérision fatiguée porté sur son interlocuteur, et en anglais directement pour que personne ne s’y trompe : “Oui, mais peut-être qu’il y a eu une quatrième rencontre secrète, quand ils se sont rencontrés aux toilettes”. Nous savons bien ce que Lavrov veut dire, car nous savons décoder les messages venus des pratiques du KGB : ‘Poutine et Trump pissant de concert, pour couvrir le bruit de leurs conversation complotiste”… Et, miracle étourdissant, nous voyons aussi bien que le journaliste-NBC continue avec le plus grand sérieux, prenant manifestement pour du comptant cette réponse puisqu’il l’avait suggérée en ouverture de la séquence comme un véritable scoop... Fatigue et respect.) »
Lavrov, on le connaît ; un travailleur forcené, un négociateur implacable, une haute conscience de sa fonction et de la souveraineté de la Russie, dur avec les autres comme avec lui-même, conscient des intérêts de son pays et respectant ceux des autres, dur implacablement mais loyal sans restriction d’une certaine façon. Ce n’est pas un homme à faire une plaisanterie facile, et lorsqu’il en fait une c’est pour en rire aussitôt de façon à partager avec son interlocuteur ce moment de détente qui doit contribuer à renforcer un climat propice à une bonne entente. Quand il enrage parce qu’il sent qu’on essaie de l’avoir, l’allure se glace et le visage prend cette consistance de granit, le regard droit, sans ciller... Je me rappelle avoir lu qu’au cours d’une rencontre avec les “partenaires” US en 2008, lors de la crise géorgienne, il avait littéralement terrorisé la pauvre Condoleezza Rice rien qu’avec cette allure-là.
Mais là, pour cet instant, ces quelques secondes de la NBC, c’est tout autre chose.
Il fait cette plaisanterie grossière et sans le moindre sens avec ces mêmes attributs, – l’allure glacée et le visage de granit, – mais là pour exprimer une exaspération silencieuse et sans fin, et incroyablement méprisante, en regardant au fond des yeux son interlocuteur qui prend au sérieux la suggestion du ministre (le complot du pissoir) ; oui, au sérieux, ce type qui est un envoyé spécial de la chaîne NBC ! Eh bien, il me semble que l’on pourrait aussi bien observer ceci, – pour qu’un ministre comme Lavrov, après des années et des années de contacts avec les “partenaires” américanistes, en arrive à cette attitude avec un journaliste du même camp exceptionnel des américanistes, alors qu’en général on soigne la communication, il faut que la situation dont les Russes sont les mieux informés, et par rapport à laquelle ils sont les seuls vraiment lucides, soit bien en vérité ce tourbillon de folie, ce trou noir d’inconséquence paroxystique et de démence hallucinée que l’on décrit, pour notre compte chaque jour sur ce site, autant que faire se peut.
Jamais une telle scène n’eût été concevable, il y a cinquante ans, quarante ans, trente ans, vingt ans, dix ans, et même 5 ans, peu avant que ne se déclenche la grande crise hallucinée de “Kiev-la-folle”... (“Kiev-la-folle” pour “D.C.-la-folle”, ce fut en vérité le banc d’essai de la phase actuelle du “déchaînement de la démence”, phase ultime non pas du communisme ni du capitalisme mais du “déchaînement de la Matière”...). Notre époque, c'est vraiment une gâterie des temps métahisoriques, le gâteau sur la cerise du Progrès.
Après des années d’une patience qui restera un des plus grands accomplissements diplomatiques des temps-modernes, les Russes en sont arrivés à une compréhension complète de cette situation de néantissement complet de toute raison et de toute mesure, et tirant la leçon de cet état de chose pour la faire entrer dans leur communication, lorsqu’il rencontre les princes US de la communication... J’ai la conviction que Lavrov, bien entendu a fait cela de propos délibéré, et même qu’il l’a fait avec l’accord sinon les encouragements de son président sur le principe. Je crois que les Russes en sont arrivés au stade où la consigne est bien du genre dit “en désespoir de cause”, quelque chose comme “Foutez-vous de leur poire, ouvertement, sans prendre de gants, sans même sourire, racontez-leur n’importe quoi à propos de tous les paroxysmes de leur démence, peut-être que ça en fera sortir l’un ou l’autre de son délire halluciné, dans tous les cas ça les rendra encore plus ridicules”.
Mais “encore plus ridicules” aux yeux de qui, d’ailleurs ? Hormis ces moujiks arriérés et quelques allumés de l’internet et autres antiSystème, qui d’entre les autres oserait croire ce que lui disent ses yeux et sa perception lorsqu’il s’agit de la mythique Washington D.C. ? A la démence absolument sans fin et sans fond correspondent leur fascination, leur emprisonnement comme si les éructations de “D.C.-la-folle” avait l’irrésistibilité divine du chant des sirènes auquel résista le rusé Ulysse parce qu’il avait eu le bon sens de se faire ligoter au mat de son navire. Du moment qu’un Zuckerberg, mi-Platon mi-Plotin en t-shirt, leur dit que le bonheur c’est pour dans dix ans-pas-plus, que pourraient-ils désirer de plus ?
Le problème de l’effondrement de cette contre-civilisation, malgré tout le bruit que cela fera et que cela est déjà en train de faire, c’est qu’il ne faut surtout rien faire, ni pour l’arrêter, ni même pour le ralentir, et au contraire tout pour l’accélérer. Alors, peut-être que la plaisanterie de Lavrov voulait dire au fond : “C’est bien, les gars, continuez comme ça, n’hésitez pas, foncez, osez tout car c’est à cela que Dieu, qui aime bien se détendre, reconnaîtra les siens et ainsi serez-vous parmi les Élus...”
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