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596“Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es” ; ”On est ce que l’on mange”. Les proverbes et autres adages concernant le rapport intime entre l’homme et la nourriture sont légion. Et si l’on admet un lien entre la richesse d’une nation et la qualité de sa gastronomie, il n’est pas absurde d’envisager qu’à l’inverse, la piètre qualité d’une nourriture, lorsqu’elle résulte d’un choix de société et non pas de contraintes économiques, peut aussi témoigner du caractère faussaire de l’Etat qui la produit, ou être le reflet de sa décadence.
Dans le cas américain qui nous occupe, la contamination de l’industrie agro-alimentaire par toutes les tares du Système (maximalisation des profits, machinisme, technologisme) aboutit désormais à une situation exemplaire où la nourriture produite est désormais tout simplement nocive, lorsqu’elle n’est pas carrément toxique.
C’est une amie américaine habitant près de Dallas qui a attiré notre attention sur l’ampleur du désastre en la matière, en nous faisant le récit stupéfiant cet été de ses difficultés à nourrir convenablement ses deux garçons et son mari.
Et de nous décrire par le menu comment les cafétérias des écoles américaines éduquent au pire en favorisant la consommation de produits frits, grillés, sur-gras, sur-salés, sur-sucrés, colorés et bourrés d’adjuvants, et cela tout en suivant les prescriptions du département US concerné pour lequel frites et ketchup sont très officiellement… des légumes. Un exposé assez sidérant au terme duquel elle nous a invités à l’urgente vision du documentaire Food Inc., de Robert Kenner.
Food Inc. fait l’état de lieux de l’industrie agro-alimentaire US. C’est un uppercut d’autant plus violent qu’il se contente d’exposer froidement des faits, la situation d’une industrie alimentaire devenue folle, qui ne voit plus dans les animaux, et le vivant en général, qu’un agglomérat de composants chimiques transformables, manipulables, commercialisables. En résulte un système de production malsain et cruel tant pour les animaux que pour les hommes, et produisant une nourriture malsaine.
Pour ceux qui n’auraient pas l’opportunité de se procurer ce documentaire, l’on y découvre dans les grandes lignes :
• L’élevage du poulet dans le noir à coups d’hormones qui divisent par deux leur temps de croissance. Ce qui fait que leur squelette reste atrophié et incapable de supporter leur poids, provoquant de terribles souffrances chez ces animaux et accessoirement une chair bourrée de bactéries. A noter que ces méthodes de production sont imposées à des agriculteurs prisonniers de dettes artificiellement entretenues.
• L’on y découvre aussi l’élevage industriel de bœuf nourrit au maïs subventionné, ce qui développe chez ces herbivores dont l’estomac n’est pas adapté à cette nourriture des bactéries potentiellement mortelles pour l’homme, d’où la nécessité de “laver” ensuite la viande à l’ammoniac avant de la vendre (70% de la viande US).
• L’on y découvre ensuite l’élevage mécanisé du porc, et notamment des conditions d’abattages révoltantes.
• L’on y découvre encore la guerre que livrent Monsanto, avec ses hordes d’avocats et d’enquêteurs privés, aux céréaliers pour imposer ses semences OGM.
• L’on y découvre bien sûr, vieille histoire, que tout cela est rendu possible par la puissance d’un lobby infiltré jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir washingtonien.
Bref, on ressort de ce film à la fois stupéfait, horrifié et incrédule. Et avec une question lancinante à l’esprit: “Comment est-il possible d’en arriver là ?”
Et puis l’on se dit finalement, à observer la marche du Système américaniste et de son idéologie nihiliste, qu’il était en fait impossible de ne pas en arriver là.
Pierre Vaudan
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