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382Entendu la semaine dernière dans un débat dans l’émission N’ayons pas peur des mots Sur I-Télé, à propos du film Indigène, cette phrase de Georges-Marc Benamou, dite sur le ton d’une gravité qui nous a littéralement électrisés : «Quand une personnalité d’une importance aussi considérable que Jamel parle…» ; suit un rapport succinct des déclarations de Jamel Debbouze (acteur dans Indigène), que nous avons oubliées, d’ailleurs que nous n’avons même pas entendues en faisant semblant d’écouter.
Jamel est un brave garçon. Un “Beur”, ce qui constitue en soi une vertu astronomique pour les milieux parisiens ; pas bête, c’est-à-dire malin voire espiègle plus qu’intelligent, assez drôle, un peu clown, beaucoup de bagout, pas mauvais acteur ; un “saltimbanque” comme disent nos crétins dans les salons. Il fait son métier de “saltimbanque”, soit. Mais c’est aussi une conscience, d’après les bruits qui courent et qui nous pompent grandement.
A propos de pomper, entendre une voix nous déclarer pompeusement : «Quand une personnalité d’une importance aussi considérable que Jamel parle…», comme si cette voix citait Paul Valéry, Charles Péguy, Tocqueville ou Platon, passe l’imagination. Et le sérieux, la componction, la gravité presque tragique, nous dirions : presque physiquement antiraciste — comme si le remarque faisait enfin un sort à des siècles d’oppression esclavagiste et colonialiste — tout cela passe à nouveau l’imagination, déjà dépassée par ailleurs. La pauvre imagination trébuche.
C’est à de ces mots aussi durables qu’une bulle de chewing gum trop mâché, à ce ton si amplifié par les micros qu’il est déjà si vite oublié avant d’avoir même existé, qu’on mesure la pulvérisation en mille morceaux sans le moindre intérêt de ce qui fut l’intelligentsia française. Ce n’est pas ici prendre une position politique sur la colonisation, sur Jamel, sur le sort des Beurs, mais affirmer une position historique et fondamentale sur ce phénomène de l’irrésistible invasion de la vanité et du conformisme dans l’esprit des intellectuels français, de la soi-disant “intelligence française”. C’est de cette façon que les civilisations mortes (celle des intellectuels français) se la jouent en croyant ressusciter sur l’air du Que je suis belle en ce miroir» (paroles approximatives).
Notez bien : le Georges-Marc, après avoir pantouflé dans l’antiracisme institutionnalisé type-“Touche pas à mon pote” (directeur de la revue Globe), à l’ombre bienveillante du ricanant “Tonton” (Francisque de first class pendant la guerre et résistant notoire), nous confia quelques livres. Un mensonge français, sous-titré retour sur la guerre d’Algérie, œuvre du pied-noir Benamou, ne disait pas que des choses conformistes et vaniteuses, tant s’en faut. Voilà l’absurde de cette époque : même l’intelligence plus ou moins marquée se précipite avec une fascination non dissimulée dans l’absurde vanité conformiste qui la rend si bête. Ainsi égarent-ils le plaisir infini de la liberté de l’esprit. Il faut leur venir en aide.
Mis en ligne le 3 octobre 2006 à 13H51